samedi 19 mai 2018

Mon nombril, ma bataille (4)


selfie en béton précontraint
réalisé à vélo en allant au boulot,
qui est un peu revenu (26 km A/R)
"Je ne suis pas à la hauteur", mon credo de dépressif récemment contrarié dans son actualisation par les effets du lithium, ça me rappelle vaguement quelque chose, un sentiment de honte et d'incapacité diffus à certains moments-clés de l'enfance et de l'adolescence.
A 6 ans, j'avais des petits voisins enfants de rugbyman, et après un bon western à la télé le dimanche après-midi nous nous adonnions parfois à des jeux un peu brutaux sur la pelouse du jardin; je me rappelle d'une fois où j'avais dû me faire un peu mal en leur compagnie, je chouinais grave et je revois leur père tenter de me consoler sur un ton badin "mais enfin John, t'es un dur !", et moi de lui répondre, toujours en geignant "bouhouhou...non, chuis un mou !", provoquant l'hilarité générale et donnant ainsi naissance à une blague familiale légendaire, mais c'était pour moi un énoncé objectif d'un défaut de constitution.
Je crois me souvenir que je n'avais pas du tout prévu de dire ça à ce moment-là, surtout au risque de perdre la face auprès de mes voisins dans les siècles des siècles, mais je venais de déduire de mon comportement peu combatif un certain manque de motivation à affronter la vie, et j'étais condamné à l'avouer (comme je me sentirai plus tard condamné à avouer des tas de trucs pas toujours répréhensibles; l'aveu constituera peut-être chez moi une stratégie défectueuse en elle-même.)
Et surtout je ne pouvais pas me laisser enfermer dans cette image mensongère de "dur" dont Pierre F. voulait m'affubler, même pour rigoler.
"Je ne suis pas à la hauteur", ça me fait aussi penser à ma mère, qui n'avait pu s'empêcher d'ouvrir en cachette un lourd cahier Clairefontaine pourpre à petits carreaux sobrement intitulé "Ma vie, tome 1" que j'avais commencé à rédiger vers 11 ans, et elle s'était beaucoup inquiétée d'y trouver nombre de considérations plombées autour du concept de "tout est vain" (=> puisqu'on meurt à la fin) qui l'avaient beaucoup inquiétée, elle me l'avait avoué bien plus tard. Mais elle s'était bien gardée de m'envoyer chez le spichologue, car le Pater Familias professait haut et fort à l'époque que l'inconscient n'existait pas, et que la spichologie n'était donc d'aucune utilité.
"Tout est vain" n'équivaut pas à "Je ne suis pas à la hauteur" bien que le second puisse mener au premier par utilitarisme psychologique, cf la fable de La Fontaine dans laquelle le renard, désespérant de pouvoir attraper les raisins situés trop en hauteur, décrète qu'ils sont trop verts.

autre selfie en béton précontraint
un peu plus ressemblant,
réalisé à vélo en revenant du boulot,
qui est un peu reparti (26 km A/R)
"Tout est vain" est un mantra puissant, qui m'a beaucoup servi pour désamorcer les atteintes des déceptions, désillusions, désabusions que ne manque pas d'occasionner la confrontation du monde, de l'idéal et du potentiel personnel.
J'en ai usé et abusé, et finalement il ne m'a protégé de rien du tout puisqu'une fois parvenu à l'âge adulte, biologiquement parlant, j'ai eu recours à des moyens plus triviaux (alcool, tabac, p0rn) pour combattre les frustrations, le plus souvent en les exacerbant.
Bref, comme je me suis défini il y a deux articles de ça "abstinent de tout", j'espère que le renoncement n'est pas la résignation, sinon je vais me reprendre les mêmes baffes quand mon vital va se réveiller et ruer dans les brancards de l'ambulance.
Heureusement que je n'ai pas cessé de boire comme j'arrête de fumer, il y a longtemps que je serais mort.
Et même si ça marche cette fois-ci, rien ne m'interdit de disparaitre dans quelques années, emporté par un cancer du poumon consécutif à 35 ans de tabagisme passionné.
INRI pas du tout.

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