En fin de matinée, le corps de maman est ramené depuis la morgue de la clinique sur une civière métallique à roulettes. Enfin, ils ne font pas tout le trajet à pied depuis Castelnau, mais l'image que j'en garde est celle de sa dépouille mortelle (sic) emmitouflée dans un drap d'hôpital sous une pluie battante, entre le moment où les employés des pompes funèbres l'extraient du fourgon et celui où elle atteint les premières marches du perron.
Elle est hissée dans les escaliers, puis installée et déballée dans le lit conjugal.
La vache, c'est strong et strange. Mais où la mettre ?
Elle a l'air juste un peu fripée, et juste un peu morte, et les 4 survivants défaits que nous sommes essayent d'améliorer son port de tête, est-il préférable de lui caler un oreiller derrière la nuque, ou de rehausser le matelas, doté du dernier cri technologie en matière d'inclinaison télécommandée ?
Au moins, c'est du concret, et on n'est pas là à barboter dans l'improbabilité mortifère de la situation.
Avant de nous laisser à notre intimité décousue, les employés des pompes funèbres nous prodiguent des conseils pratiques pour la garder au frais le plus longtemps possible, éviter les mouvements d'air dans la chambre, et bien sûr le chauffage.
On improvise un déjeuner, on va pas se laisser abattre, c'est déjà fait.
Pendant le repas, une jeune femme se présente à la grille du parc pour vidanger ses fluides et lui injecter de l'antigel, ou tout autre artifice que ces bricoleurs de la décomposition bien tempérée ont imaginé pour retarder le besogneux labeur des bactéries et suspendre momentanément les implacables lois de la décomposition. Elle dépose de lourdes mallettes au milieu de la chambre et nous demande de la laisser seule.
Elle est jeune, jolie, et son pantalon taille très basse fait penser à un thanatopracteur échappé de la saison 3 de Six Feet Under.
Papa semble avoir répandu un parfum très doux, mais très entêtant dans la chambre. Nous faisons des aller-retours permanents et névrotiques entre les pièces de vie et la chambre à coucher parentale devenue pièce de mort. Pendant 4 jours on va vivre avec, mais c'est aussi nos premiers jours sans elle.
On évoque les grands souvenirs, parce que c'était quelqu'un de très positif, et qu'il nous faut sans tarder apprendre à parler d'elle au passé.
On s'entraîne.
Le vivant nous dicte sa loi, c'est le travail échu au collectif improvisé, implicite et palpable.
L'équipe innove en permanence, entre crises de rire et crises de larmes, sans chef mais non sans grâce ni intelligence.
Il est très rare que nous ayons été ainsi tous réunis autour d'elle ces dernières années, même aux fêtes de Noël.
Elle est hissée dans les escaliers, puis installée et déballée dans le lit conjugal.
La vache, c'est strong et strange. Mais où la mettre ?
Elle a l'air juste un peu fripée, et juste un peu morte, et les 4 survivants défaits que nous sommes essayent d'améliorer son port de tête, est-il préférable de lui caler un oreiller derrière la nuque, ou de rehausser le matelas, doté du dernier cri technologie en matière d'inclinaison télécommandée ?
Au moins, c'est du concret, et on n'est pas là à barboter dans l'improbabilité mortifère de la situation.
Avant de nous laisser à notre intimité décousue, les employés des pompes funèbres nous prodiguent des conseils pratiques pour la garder au frais le plus longtemps possible, éviter les mouvements d'air dans la chambre, et bien sûr le chauffage.
On improvise un déjeuner, on va pas se laisser abattre, c'est déjà fait.
Pendant le repas, une jeune femme se présente à la grille du parc pour vidanger ses fluides et lui injecter de l'antigel, ou tout autre artifice que ces bricoleurs de la décomposition bien tempérée ont imaginé pour retarder le besogneux labeur des bactéries et suspendre momentanément les implacables lois de la décomposition. Elle dépose de lourdes mallettes au milieu de la chambre et nous demande de la laisser seule.
Elle est jeune, jolie, et son pantalon taille très basse fait penser à un thanatopracteur échappé de la saison 3 de Six Feet Under.
Papa semble avoir répandu un parfum très doux, mais très entêtant dans la chambre. Nous faisons des aller-retours permanents et névrotiques entre les pièces de vie et la chambre à coucher parentale devenue pièce de mort. Pendant 4 jours on va vivre avec, mais c'est aussi nos premiers jours sans elle.
On évoque les grands souvenirs, parce que c'était quelqu'un de très positif, et qu'il nous faut sans tarder apprendre à parler d'elle au passé.
On s'entraîne.
Le vivant nous dicte sa loi, c'est le travail échu au collectif improvisé, implicite et palpable.
L'équipe innove en permanence, entre crises de rire et crises de larmes, sans chef mais non sans grâce ni intelligence.
Il est très rare que nous ayons été ainsi tous réunis autour d'elle ces dernières années, même aux fêtes de Noël.
On n'ose pas souhaiter bonne nuit à la morte, mais on la prend à témoin de notre amour et de nos attentions.
La première nuit, je dors avec ma soeur dans mon ancien studio, elle ne veut pas dormir seule, et on se réconforte lascivement mais sans arrière-pensée jusque très tard.
En famille, 1978
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire