Je me demandais comment j’avais pu me laisser suborner par le porno et m’y complaire quelques années en toute impunité, alors je suis allé chercher le mot dans cet excellent dictionnaire en me rappelant mes jeunes années, où l’on m’avait appris "les cinq commandements que je dois respecter pour devenir un être humain" :
1er Commandement : Tu n’emploieras aucun mot dont le sens ne te soit bien clair.
- dans le doute, je consulterai un dictionnaire.
2ème Commandement : Quand un mot possède plusieurs acceptions, tu ne manques jamais de définir celle dans laquelle tu l’emploies.
- pour définir le sens exact du mot que j’utilise, je regarderai la chose définie depuis Sirius, et je dirai ce que j’ai vu.
3ème Commandement : Tu seras économe de mots.
- Je n’en utiliserai aucun qui ne soit indispensable à l’expression de ma pensée.
- Je bannirai adjectifs et adverbes chaque fois que c’est possible ; s’ils sont nécessaires, je préférerai les plus brefs et les moins superlatifs.
4ème Commandement : Tu ne te payeras pas de mots.
- J’éviterai les effets sonores et les équivoques.
5ème Commandement : Tu affineras ta sensibilité aux nuances.
- Je ne dirai pas «ennuyeux» pour «contrariant» ;
- Je ne dirai pas «immense» pour «énorme» ;
- Je ne dirai pas «aptitudes» ou «pouvoirs» pour «propriétés» ;
- Je choisirai mes mots avec le plus grand soin.
… ET JE DEVIENDRAI HUMAIN : LA PENSÉE INTELLIGENTE EST CE QUI DISTINGUE L’HOMME DE L’ANIMAL ET DE LA CHOSE.
IMPUNITÉ, subst. fém.
A. Absence de punition, de châtiment. Garantir l’impunité à quelqu’un, jouir de l’impunité; impunité absolue, totale, légale; l’impunité enhardit qqn. Trois causes les favorisent [la cupidité, l’intérêt], le secret, la liberté sans frein, et la certitude de l’impunité.
B. [Constr. avec un compl. prép. de désignant une pers. ou un acte] Caractère impuni de quelque chose, quelqu’un; ce fait. L’impunité des scélérats, d’un crime. L’impunité du banditisme soi-disant politique est notre danger public. L’ordre est désarmé (AMIEL, Journal, 1866, p. 509). Chacun sait qu’il s’est rendu coupable de forfaiture et (…) son impunité est un défi aux lois (CLEMENCEAU) : Ah! cette tristesse, les plus coupables échappant au châtiment, promenant leur impunité au soleil, tandis que des innocents pourrissent dans la terre!
du coup, je suis tombé sur Jean-Marc Jancovici à la radio, qui me rappelle au bon moment que c’est la même impunité avec laquelle je fais 250 kms par jour pour aller bosser à bord d’un véhicule circulant à l’énergie fossile alors que je sais très bien que j’accélère ainsi la dégradation de la planète, la rendant invivable pour mes enfants et mes prochaines incarnations. Seul le solaire, l’éolien et les énergies renouvelables non encore exploitées nous sauverons de l’enfer sur terre. Le lendemain un titre de la presse régionale m’accroche l’oeil : l’école des Mines de Nantes envisage de récupérer l’énergie des vagues, et je trouve ça génial.
Je me dis qu’un physicien bricoleur devrait se pencher sur la cyberdépendance, filière prometteuse : les pornoaddicts sont de vraies petites centrales nucléaires à l’envers, qui brûlent toute leur énergie et s’irradient eux-mêmes avec leurs déchets. Et le sevrage est loin de tout remettre à l’endroit.
Ces cinq commandements sont une vraie horreur. Ou bien faut-il comprendre que les écrivains sont inhumains ?
Rédigé par: Dado | le 04 juillet 2006 à 16:20|c’est parce que tu les utilises inconsciemment, ce sont pour toi des habitudes acquises qui ne te demandent guère d’efforts. Je pense qu’il est salubre d’exhiber cette tuyauterie pour tous ceux qui peinent à s’élever au dessus du borborygme - je pense aux footodépendants, dont le sort est à peine enviable au mien.
Rédigé par: john | le 04 juillet 2006 à 22:20|C’est curieux, parce qu’il me semble que l’écrivain, par définition, n’utilise jamais ces commandements. L’écrivain passe son temps à se payer de mots, c’est son métier. Celui qui devrait les employer, c’est le philosophe… mais en général, lui aussi, se paie de mots.
Rédigé par: flopinette | le 05 juillet 2006 à 00:37|l’écrivain et le philosophe ont en commun d’avoir à utiliser les mots comme véhicule de leur pensée, donc de devoir les choisir avec précision. Mais le premier recherche les équivoques alors que le second se doit de les employer dans un sens univoque. Il me semble que tu as fait un commentaire récent là-dessus, mais je ne l’ai pas retrouvé.
Rédigé par: john | le 07 juillet 2006 à 19:56|