Article paru dans une de ces cyber-revues branchouilles pour d’jeunzs (un d’jeunzs, c’est quelqu’un qui a 10 ans de moins que moi) exerçant des métiers "à forte valeur narcissique" : teknik’art, chronik’art, les inrocks…
« *** ** », le dernier film de J* T*, sorti il y a quelques mois chez la prestigieuse maison C**, nous a beaucoup ému. Il y avait bien longtemps- à vue de nez, samedi dernier- qu’un porno ne nous avait pas autant enthousiasmé. Par sa mise en scène naturaliste, sa très érotique approche de la pornographie, son casting parfait et surtout sa dimension philosophique à peine voilée, « ** ** » est ce que l’on appelle « un classique instantané ». Dans ce film, nous suivons les aventures de Modeste Pompello, photographe de charme de renom, en pleine crise de désir. Pourtant entouré de trois superbes jeunes filles (Axelle, Jennifer, et Sophie) réunies dans une villa Tropézienne pour une séance de shooting, Modeste n’arrive plus à redresser la situation. Vous devez vous demander pourquoi nous nous sommes tant réjouis à la vision d’un film de cul où l’acteur bande mou.¨Peut-être, pensez-vous, qu’il doit se cacher là dessous un sentiment de l’ordre de l’identification. Et bien, non. Au delà des scènes qui répondent au cahier des charges (décharge ?) habituel d’un film X, « Propriété Privé » est un authentique traité visuel qui a pour thème central l’inexorable baisse de désir du mâle occidental, le premier porno à avoir mis en images les théories du penseur Bernard Stiegler. Dans son dernier ouvrage « Construire l’Europe », Stiegler élabore la théorie selon laquelle l’individu postmoderne, croulant sous une consommation de produits méthodiquement massifiés par les industries, subit une ruine du narcissisme qui atrophie son désir chaque jour un peu plus jusqu’à la débandade. Plus simplement, Stiegler nous dit qu’en ayant accès à tous, tout le temps, et de manière infinie, nous avons perdu le goût de la sublimation, de l’extraordinaire, du merveilleux, bref nous sommes blasés et plus rien ne nous fait vraiment bander.
Cette situation de misère symbolique décrite par Bernard Stiegler, nous la retrouvons de manière particulièrement criante chez Modeste Pompello, notre photographe à l’intimité ramollie. Au bout du rouleau, rongé par la culpabilité suite à la mort de sa femme et de sa fille, Modeste finit par tomber dans un nihilisme total. Allongé sur son lit, vêtu de son peignoir de bain, il n’est que mollesse, à l’image de ce bout de chair qui pendouille, sans but, entre ses cuisses. Il ne croit plus en rien, ni en son travail, ni au pouvoir totémique de sa queue. A l’image de l’homme « Stiglerien » Modeste subit l’effet implacable de la « baisse tendanciel de son taux de désir ». « Arrête ! Ca ne sert à rien ! Je suis foutu ! Ca fait un an que je ne bande plus » lâche t’il impudiquement à Axelle tandis qu’elle lui suçote le sexe d’un air enfantin. Pourtant, Modeste n’a pas toujours été ce bout de viande flasque. Il incarnait même, à une époque, l’archétype du mâle occidental. Riche, beau gosse, exerçant un métier à forte valeur narcissique et baisant de nombreuses femmes, plus belles les unes que les autres. Aujourd’hui, Modeste est en pleine dépression. Pourtant, Modeste pourrait baiser, les femmes ont envie de lui, mais notre héros a perdu le goût de la sublimation. C’est donc petit à petit, de façon presque artisanale, qu’il va retrouver sa libido. Toujours selon Stiegler, dans notre système libéral qualifié par lui même « d’anti-libidinal », « n’est désirable que ce qui est singulier et à cet égard exceptionnel ». C’est donc en acceptant de se remettre au travail sous les conseils d’Axelle que Modeste va progressivement « reconstituer son désir d’élévation » car « le travail représente de la libido captée et canalisée ». A travers le prisme de son appareil photo, Modeste redonne un caractère exceptionnel à ce qui lui semblait banal, à savoir le corps des femmes. Bien sûr, ce rétablissement passe également par quelques coups de hanches dans le petit trou de Nikki, craquante hongroise au corps d’adolescente, mais là n’est pas le plus important. Car en mixant subtilement une pornographie artificiellement sublimée (toutes les femmes sont consentantes et bisexuelles) et un réalisme cru (le héros ne bande pas) Jack Tyler a réussi à opérer un télescopage entre vie et fiction, entre nos défaillances quotidiennes et les exploits turgescents qui se déploient à l’écran. Bref, il nous livre ici un vrai film d’auteur, au sens stricte du terme, où l’ont devine une grande part d’autofiction.
"Propriété Privé" n’est pas qu’un film sur la perte du désir, c’est aussi une oeuvre sur les antagonismes, les opposés. Chaque personnage ne trouve de cohérence qu’à travers son contraire. Phil, par exemple, un escroc minable que les demoiselles rencontreront lors d’une virée en ville et qui tentera piteusement de chaparder leurs clefs de voiture, n’existe que parce qu’il est l’exact contraire de Modeste. Simple, complètement dénué de vie intérieure, il profite du corps des femmes comme un adolescent qui n’en revient toujours pas d’être là. Phil caresse des fesses, lèche des chattes, introduit son sexe dans des bouches et surtout ne réfléchit pas excessivement, ne se perd pas dans une cérébralité qui mine l’action. « Il est bon ton cul » semble d’ailleurs être sa phrase favorite. Son enthousiasme communicatif fait plaisir à voir. Phil n’est évidement pas le personnage le plus humainement intéressant du film mais sa présence est indispensable tant il symbolise l’antithèse de Modeste. D’ailleurs, coïncidence ou non, ces deux là ne se rencontrerons jamais. Quand Phil part, Modeste débarque enfin, et là se trouve le creux du film. Pour garder un soupçon de dramaturgie, nous ne vous dévoilerons pas la fin de « ** ** », qui fait également penser à une sorte de Fight Club de sexe, de peinture en mouvement d’une étrange forme de schizophrénie. Il vaudrait mieux poser la question au réalisateur, J* T*. Ce gars là est un personnage intriguant, une sorte d’Ovni dans le milieu du X. Avec très peu de moyens techniques et sans faire dans l’amateurisme, il vient ici de nous prouver qu’un porno de qualité peut encore exister pour peu qu’on veuille bien s’en donner la peine. J* fait la nique à tous ces pseudos réalisateurs médiocres qui n’hésitent pas à se vautrer dans le glauque en utilisant à outrance des scénarios flirtant avec le viol. Le sexe est ici bourgeois, décadent, mais autrement plus excitant. La caméra de J* tournoie, virevolte autour des corps, se fait parfois immobile pour mieux s’attarder sur un regard, ou un anus, puis repart dans un manège où se mélangent douleur et jouissance. La scène introductive, qui se déroule dans une forêt, est à ce titre d’une beauté sidérante. Tournée comme un long plan séquence en lumière naturelle, il se dégage de l’image une esthétique quasi documentaire qui évoque un de ces films du Dogme. Il y a de l’amour dans cette scène anonyme mais aussi une sauvagerie et une spontanéité qui s’éloigne de l’imagerie mécanique de la pornographie pour, paradoxalement, en devenir encore plus sexuelle. A signaler également les bonus : devant la caméra, les acteurs se livrent à des confessions assez touchantes sur leurs vies, leur métier, leurs doutes. On découvre alors des jeunes gens lucides, humbles, souvent drôles, très loin donc de l’image de nymphomane idiote ou de bite sur patte. Si J* T* est un bon philospohe caméra à l’épaule, il n’est pas mauvais non plus lorsqu’il s’agit de jouer les Mireille Dumas. Ce gars là a de la ressource.
Vincent C** le ** ** 2005
Je cite l’article presque en intégral pour qu’on voie bien le procédé à l’oeuvre : je suis tombé dessus en cliquant au bord du cybermonde, près des piliers d’Hercule, et il m’a donné à réfléchir. Je fus un fervent des Inrocks quand les d’jeuns n’étaient pas si vieux que maintenant. L’hydre du lobby pornocratique se présente ici sous sa forme maligne : style plaisant, références culturelles de connivence à large spectre, instrumentalisation de penseurs probables à consonnance slave grâce à un logiciel de génération aléatoire de gloires obscures de la philosophie, ici Stiegler, mais on pourrait citer Baudrillard, Houellebecq, Lipovetski, Virilio… le coeur de cible n’en serait pas plus rassuré intellectuellement d’acquérir un film qui semble aussi chiant que de l’Antonioni mais avec du cul en plus, "bourgeois, décadent, mais autrement plus excitant que les scénarios flirtant avec le viol" nous dit Vincent C** qui a sans doute reçu une bonne éducation, écrit de manière agréable et vend bien sa salade : il agite assez d’idées sous son crâne pour nous faire croire que le porno de la semaine relève bien du must de l’élargissement culturel des jeunes gens modernes tout en glissant assez de jokes dans son article pour qu’on comprenne que c’est quand même pour rire. (Peut-on devenir intelligent en s’astiquant la nouille ? Réponses vibrantes de Vincent C**, disait la réclame)
Il fut un temps où l’art "bourgeois, décadent, et pornographique" était décrié par tous les marxistes d’avant la marchandisation du monde, et pas que sous des régimes collectivistes. Aujourd’hui il ne reste guère plus que les ayatollahs et les pornodépendants pour résister aux sirènes de la volupté.
Snif.
19 février 2006 Publié porno macht frei |
Ca semble plutôt bon signe pour un blog sur la dépendance sexuelle.
Rédigé par: Dado | le 11 mars 2006 à 12:00| Alerterc’est ce que je me suis dit aussi, mais je me méfie des hypothèses optimistes ;-( et d’ailleurs, si j’étais dans le lâcher prise, ça se saurait.
Rédigé par: john | le 11 mars 2006 à 16:30| Alertersinon, t’as un alibi pour zôner sur un blog en grève ?
Moi je suis là parce que j’avais oublié que t’étais en grève. C’est dire comme tu as été convaincant.
Rédigé par: flopinette | le 11 mars 2006 à 17:35| Alertersi j’étais pas addict, j’aurais peur de sombrer dans la banane alitée. Mais c’est vrai que je pourrais parfois changer de disque. Ma chérie me susurre que ma perte de boules en faisant le ménage, c’est mon grand flip de macho : comme je passe plus de temps à la maison qu’elle, j’ai peur de m’avilir et de m’humilier aux tâches ménagères, de trop me féminiser. D’où je reviens, j’ai quand même de la marge. J’ai renoncé à la psychologie des rèves à trois balles, mais là, la perche était trop tentante pour elle.
Rédigé par: john | le 11 mars 2006 à 23:06| AlerterAu fait t’en es où de ta pratique ? ça avance ?
Rédigé par: flopinette | le 13 mars 2006 à 18:44| Alerterj’ai mes pratiques négatives : ne pas fumer, ne pas fréquenter d’endroits mal famés sur internet, ne pas céder aux sirènes mécaniques de l’apitoiement et de la satisfaction - et mes pratiques positives : accepter ce qui m’est proposé aujourd’hui, prier ma puissance supérieure pour être délivré de mes déficiences, vipassaner le plus simplement possible pour rester dans mon corps, et courir au moins trois fois la semaine. Etre présent. Prendre refuge dans le programme des AA, qui contient beaucoup de suggestions pratiques pour les plaignos opacifiés, faut pas s’y fier. Demander à Dieu de prendre en charge ce que je ne sais pas gérer pour aujourd’hui. Et surtout poser des actes, pour pas me retrouver les mains vides le soir ! C’est marrant, parce que rien que la vigilance requise et mise en action par le vipassana dans sa version warsen élimine l’agressivité et le ressentiment, non grâce à ses agents blanchissants, mais parce que quand je suis là, les émotions perturbatrices ne peuvent y être. Et viens pas me chipoter sur la nature phénoménologique de ce “je” que je ne sors ni de mon chapeau ni de ma culotte. J’ignore sa nature, mais y’a que quand j’essaye de faire les choses correctement qu’il se manifeste. Depuis que je sais que c’est la peur qui me retient, j’ai moins peur.
Rédigé par: john | le 14 mars 2006 à 12:07| AlerterNe plus me payer de mots. Le mensonge se rembourse cash.
Il va falloir que je quitte mon ordi, aussi, sinon je vais rechuter dans les projections à trois balles. Je sais pas comment je vais gérer ça, pour l’instant j’appelle ce futur sevrage de mes voeux.
My Gode, pour qui vais-je passer.
J’oubliais aussi la lecture de ton blob, toujours aussi salubre quelle que soit la météo.
Tiens, je m’autorise à commenter ton post car je trouve cela étrange que tu dises que ta femme interprète ton rêve bêtement, pourquoi ne serait-ce pas une possibilité . une éducation que tu as reçu plus jeune qui est restée dans un coin de ta tête et qui se manifeste à tavers ce qu’il peut et ne maitrise pas bien encore, le rêve..
Rédigé par: lizard | le 14 mars 2006 à 22:20| AlerterTu es surement mieux placé que moi pour répondre à la question. Je trouve tout de même que tu as une apparence Virtuelle très male, ton ton plutôt sarcastique, un langage brut, tes jeux de mots . Après je ne peux pas dire quelle part tu attaches à cette particularité chromosomique.
ma femme interprète mes rêves comme elle peut, et comme elle veut : en l’occurence, celui-ci était irrésistiblement freudien et elle ne pouvait pas ne pas l’interpréter comme elle l’a fait. J’ai juste dit que je renoncais à me satisfaire de ces explications “qui tombent sous le sens”, ce qui ne veut pas dire qu’elle soient fausses ! Bien sûr que j’ai un arrière plan macho, qui ne cadre pas avec d’autres aspects de mon bagage. Je ne maîtriserai jamais le rève, mais en observant l’émotionnel sans me laisser embarquer j’avancerai vers plus de conscience onirique.
Rédigé par: john | le 15 mars 2006 à 18:19| Alerter