vendredi 10 mars 2006

Testis unus, testis nullus…



C’est un proverbe latin qui signifie "si tu n’as qu’un seul témoin, ton cas sera difficile à défendre devant une cour " et que desproges traduisait plus lestement par "on va pas très loin avec une seule couille".
Voire : cette nuit j’ai révé qu’en faisant le ménage dans la maison, je perdais mes génitoires, elles se décrochaient tout bètement et chutaient par terre, bien à l’abri dans leur petit sac étanche, et comme j’étais en action, j’avais déjà la balayette et la petite pelle à la main, je les ramassais discrètement et les faisais glisser dans la poubelle. Il y avait du monde autour, s’agissait pas de se faire remarquer par des gestes déplacés ou des actes malséants. Aucun regret à m’en séparer : elles se détachaient, donc j’étais placé devant le fait accompli, et il était inutile de paniquer; pas l’ombre d’un voile émotionnel, juste la réaction adaptée à une situation donnée. Quelle que soit la manière dont je puisse interpréter ce rêve, la conclusion symbolique m’en réjouirait moins que de repenser à la réaction "pratique" de ma conscience onirique empressée à continuer son ménage sans s’attacher à de petits détails aussi anodins. Ca vaut bien une rupture de mutisme.

Commentaires

  1. Ca semble plutôt bon signe pour un blog sur la dépendance sexuelle. ;)

  2. c’est ce que je me suis dit aussi, mais je me méfie des hypothèses optimistes ;-( et d’ailleurs, si j’étais dans le lâcher prise, ça se saurait.
    sinon, t’as un alibi pour zôner sur un blog en grève ?

  3. Moi je suis là parce que j’avais oublié que t’étais en grève. C’est dire comme tu as été convaincant.

  4. si j’étais pas addict, j’aurais peur de sombrer dans la banane alitée. Mais c’est vrai que je pourrais parfois changer de disque. Ma chérie me susurre que ma perte de boules en faisant le ménage, c’est mon grand flip de macho : comme je passe plus de temps à la maison qu’elle, j’ai peur de m’avilir et de m’humilier aux tâches ménagères, de trop me féminiser. D’où je reviens, j’ai quand même de la marge. J’ai renoncé à la psychologie des rèves à trois balles, mais là, la perche était trop tentante pour elle.

  5. Au fait t’en es où de ta pratique ? ça avance ?

  6. j’ai mes pratiques négatives : ne pas fumer, ne pas fréquenter d’endroits mal famés sur internet, ne pas céder aux sirènes mécaniques de l’apitoiement et de la satisfaction - et mes pratiques positives : accepter ce qui m’est proposé aujourd’hui, prier ma puissance supérieure pour être délivré de mes déficiences, vipassaner le plus simplement possible pour rester dans mon corps, et courir au moins trois fois la semaine. Etre présent. Prendre refuge dans le programme des AA, qui contient beaucoup de suggestions pratiques pour les plaignos opacifiés, faut pas s’y fier. Demander à Dieu de prendre en charge ce que je ne sais pas gérer pour aujourd’hui. Et surtout poser des actes, pour pas me retrouver les mains vides le soir ! C’est marrant, parce que rien que la vigilance requise et mise en action par le vipassana dans sa version warsen élimine l’agressivité et le ressentiment, non grâce à ses agents blanchissants, mais parce que quand je suis là, les émotions perturbatrices ne peuvent y être. Et viens pas me chipoter sur la nature phénoménologique de ce “je” que je ne sors ni de mon chapeau ni de ma culotte. J’ignore sa nature, mais y’a que quand j’essaye de faire les choses correctement qu’il se manifeste. Depuis que je sais que c’est la peur qui me retient, j’ai moins peur.
    Ne plus me payer de mots. Le mensonge se rembourse cash.
    Il va falloir que je quitte mon ordi, aussi, sinon je vais rechuter dans les projections à trois balles. Je sais pas comment je vais gérer ça, pour l’instant j’appelle ce futur sevrage de mes voeux.
    My Gode, pour qui vais-je passer.
    J’oubliais aussi la lecture de ton blob, toujours aussi salubre quelle que soit la météo.

  7. Tiens, je m’autorise à commenter ton post car je trouve cela étrange que tu dises que ta femme interprète ton rêve bêtement, pourquoi ne serait-ce pas une possibilité . une éducation que tu as reçu plus jeune qui est restée dans un coin de ta tête et qui se manifeste à tavers ce qu’il peut et ne maitrise pas bien encore, le rêve..
    Tu es surement mieux placé que moi pour répondre à la question. Je trouve tout de même que tu as une apparence Virtuelle très male, ton ton plutôt sarcastique, un langage brut, tes jeux de mots . Après je ne peux pas dire quelle part tu attaches à cette particularité chromosomique.

  8. ma femme interprète mes rêves comme elle peut, et comme elle veut : en l’occurence, celui-ci était irrésistiblement freudien et elle ne pouvait pas ne pas l’interpréter comme elle l’a fait. J’ai juste dit que je renoncais à me satisfaire de ces explications “qui tombent sous le sens”, ce qui ne veut pas dire qu’elle soient fausses ! Bien sûr que j’ai un arrière plan macho, qui ne cadre pas avec d’autres aspects de mon bagage. Je ne maîtriserai jamais le rève, mais en observant l’émotionnel sans me laisser embarquer j’avancerai vers plus de conscience onirique.

lundi 6 mars 2006

Pauvres Warsens

Hier soir on s’est pris le chou avec Jeannette, j’étais en train de surfer sur des blogs hallucinants quand elle est descendue avec son pécé portable, elle voulait que je lui imprime un dossier sur lequel elle travaille actuellement. On a une imprimante et un modem ADSL pour deux, c ‘est ça l’amour. Tout content de sa visite dans ma caverne électronique, je lui fais écouter un album de variété française que je viens de télécharger en lui annonçant "ça c’est une chanson pour toi" : dans mon idée, ça allait lui plaire. Dès que je lui ai dit ça, elle m’a bien fait sentir que dans ma bouche "chanson pour toi" s’adressait à une race inférieure de sous-humanité, et que donc elle préférait ne rien entendre du tout plutôt que ma sélection humanitaire à destination des malentendants. J’ai surenchéri "ben oui, tu sais bien que je te prends pour une merde, t’as épousé un connard qui te prend pour une merde, c’est bien triste" mais le coeur n’y était plus, le charme était brisé. Comme ce blog ne me sert actuellement qu’à me monter/démonter le bourrichon en voyant pour qui je me prends (et donc voir qui je ne suis pas, qui je ne saurais être : le fils du retour de la vengeance du professeur d’explications) et avant qu’il se transforme en blog de slips sales et de fleurs fanées, attendu qu’il fait beau, que j’ai trois scénarios à écrire (rien que l’idée me paralyse de terreur, donc y’a du boulot en amont) que les phosphènes - en - amateur - éclairé et le vipassana - d’après - le - site - de - dhammadana en prennent une claque dans la pratique vu que les journées n’ont que 24 heures et qu’on peut pas être au four et au moulin, je me vote la grève du blog pour deux semaines. Un pote m’a dit : Tu passes déjà trop de temps devant "ta télé". J’ai surtout beaucoup de mal à me remettre de passer dedans, et ça ne me passera pas en restant devant. Bref. Soyez sages.

Commentaires

  1. Promis, on fera pas de bétises en ton absence. Bonne grêve de blog.

  2. Salut John, Content de te voir. Je savais pas que t’avais un blog…mais je me souvient bien de ton site perso avec la vidéo allucinante sur le theme : “La pornographie nous prend pour des branleurs”. Tu va bien sinon ? Colin PS: je suis un ancien du forum d’Orroz

vendredi 3 mars 2006

Ce con de Larcenet

Je trouve ce blog un peu proute-proute. Il est temps d’en déchirer la trame narrative, dans le respect de la personne humaine ou aspirant à le devenir, en gardant à l’esprit que la liberté ne consiste pas à faire caca partout.
Faire caca partout est l’apanage des enfants en bas âge, des frustrés que l’idée même de frustration frustre, et des malades mentaux qui se moquent bien de l’érosion de la bio-diversité et autres sujets d’Inquiétude Raisonnée®.
Dans cet esprit, il y a un album d’humour "minimal" qui vient de paraitre,
destiné au lecteur pauvre et/ou inculte - n’y manquez pas les
affligeantes aventures de starsky la palourde et hutch la moule.
Larcenet est un auteur prolifique,
mais il oeuvre dans des domaines très différents, bien que
ces vignettes le suggèrent acharné à taper toujours sur le même clou.
Taper sur le même clou est l’apanage des groupes de hard rock, des toxicomanes et de Lewis Trondheim.
En ce qui concerne les premiers, j’apprends ici que (prenez le temps de dérouler le résumé des articles, c’est rigolo) "mobilisant une religiosité ainsi qu’une liturgie, le metal est un fait social protéiforme et méconnu en France. Ses acteurs s’agrègent autour de figures charismatiques le temps de rites marqués par les excès. De même, les métalleux partagent un stock d’images et des thématiques tournées elles aussi vers les excès et les interdits (sexe, mort, mal, rejet à l’égard de l’institutionnel). Ce stock constitue, avec le rite, une facette de ce qu’il convient de nommer la « liturgie métallique ». Tout comme les signes de reconnaissance d’ailleurs (vêtements noirs, grosses chaussures, signe de la bête, langage vernaculaire) qu’ils adoptent plus particulièrement le temps des rites mais aussi dans leur quotidienneté et qui procèdent d’un cheminement initiatique. "
Quant aux seconds, je me souviens d’une amie bien dopée qui écoutait des musiques assez hard et qui après s’être retrouvée en rade de chichon un dimanche matin dans le fin fond de Troufignou-sur-Creuse, s’est vue obligée d’aller courir chanter la messe de toutes ses tripes à l’église du coin parce que "c’est tout ce qu’il y avait pour se défoncer."

çui-là c'est pas du Larcenet, c'est du Pessin, un génie qui travaille au Monde.

dimanche 26 février 2006

Forever old





Les vieux Motorhead, c’est ma madeleine de Proust. L’intro d’Overkill avec double grosse caisse, à chaque fois que je la mettais sur la platine dans ma chambre à l’étage, ma mère courait à la buanderie du sous-sol parce qu’elle croyait que c’était la machine à laver qui partait en vrille. Salauds de gosses. J’étais trop petit bourgeois et anxieux du regard de mes parents pour foirer mes études, mais ce boucan d’enfer qui donnait l’impression de mettre deux doigts dans la prise du début à la fin du vynile me procurait de délicieux frissons de délinquance sonore. Je ne comprenais rien aux paroles (de toute façon les amplis étaient gradués jusqu’à 11 et on comprend aux éructations de Lemmy Kilminster, transfuge du psychédélique Hawkwind, qu’il s’agit d’un message à caractère informatif sur l’urgence de vivre et de faire tout ce qu’une enveloppe humaine peut supporter, quel qu’en soit le risque) mais la brutalité du son me ravissait sur le plan énergétique. Je percevais une certaine intégrité dans ce jusqu’au-boutisme sans fioritures alors que mes condisciples lycéens s’égaraient avec AC/DC dans une frénésie de poseurs à voix suraigües dont l’adolescent pubère constituait manifestement le coeur de cible.

December’s child, the only one,
What I do is what I’ve done,
I realize, I get so cold,
When I was young I was already old,
My life, my heart, black night, dark star, Capricorn.

Vraiment la bande-son idéale pour faire son repassage le dimanche.
La simplicité du riff de Bomber confine à la rouerie, mais laissez-le vous occuper le cerveau pendant les 3 minutes 40 de la durée réelle du morceau : l’expérience sera moins ennuyeuse que de répéter 2000 fois le mot "cuiller", dose suffisante pour qu’il ait perdu pas mal de sa cuillerité sans acquérir de qualité intrinsèque autre, mais il vous en restera assez pour pénétrer dans le monde merveilleux des mantras, et vous risquez fort de vous surprendre à fredonner ledit riff au cours de la journée.
Je n’ai jamais prété foi au folklore sataniste qui entourait certains groupes de hard-rock, et ne comprenais pas le sérieux des enragés de la chose (je n’étais néanmoins pas assez inconscient pour en rire ouvertement et risquer un cassage de gueule discount) : jeans raides de crasse, mauvaise bière et filles masculinisées. Ils en avaient autant à mon service : j’avais l’air d’un étudiant flippé qui cherchait à s’encanailler à bon compte. La séduction qu’exerçait sur moi cette transgression méthodique des règles du bon goût, cet appel à la fureur et à la destruction préfigurait sans doute l’appel des sirènes du porno : le hard, comme le porno, procède par identification, et vous vous attribuez un peu vite les qualités - invulnérabilité du chef viking en colère (et si possible incarné par Michael Chiklis) pour l’un, puissance virile pour l’autre - de ce que vous consommez. Mais pour s’y croire vraiment, rien de tel que de reproduire un comportement, et je jouais aussi mal, aussi fort et aussi seul de mon Ibanez imitation Les Paul et de mon Novanex 100 watts que de ma bistouquette 15 ans plus tard, ce qui semble indiquer la supériorité de la masturbation sur le hard-rock pour assurer la paix sociale dans les quartiers sensibles, Chirac l’a bien compris quand il parlait de réduire la fracture numérique dans le pays.

Commentaires

  1. J’aime bien les mélodies du hard, le problème c’est que le son est super délétère au niveau du corps énergétique. Tiens je vais faire un post…

  2. ah la la…y’en a pas un qui m’aurait dit que mon lien ne marchait pas et que pendant 2 jours on a vu mon nom pas secret du tout à la place du mp3 de la mort… ni que mon ton professoral de rock-critic frustré masquait mal mon narcissisme compassé qui, ne pouvant plus se nourrir de porno, est obligé de se rabattre sur les valeurs sûres…

jeudi 23 février 2006

Le Pape ne s’en branle pas.


« L’éros rabaissé au sexe devient une marchandise »
Dans sa première encyclique « Dieu est amour », publiée mercredi 25 janvier à Rome, le pape Benoît XVI met en garde l’homme contre les dérives de l’amour humain et appelle les gouvernants à faire de la justice la priorité de leur action politique.

Extraits :
(…) Le terme « amour » est devenu aujourd’hui un des mots les plus utilisés et aussi un des plus galvaudés, un mot auquel nous donnons des acceptions totalement différentes (…). L’amour entre homme et femme, dans lequel le corps et l’âme concourent inséparablement et dans lequel s’épanouit pour l’être humain une promesse de bonheur qui semble irrésistible, apparaît comme l’archétype de l’amour par excellence, devant lequel s’estompent, à première vue, toutes les autres formes d’amour. Surgit alors une question : toutes ces formes d’amour s’unifient-elles finalement et, malgré toute la diversité de ses manifestations, l’amour est-il en fin de compte unique, ou bien, au contraire, utilisons-nous simplement un même mot pour indiquer des réalités complètement différentes ?
A l’amour entre homme et femme, qui ne naît pas de la pensée ou de la volonté, mais qui, pour ainsi dire, s’impose à l’être humain, la Grèce antique avait donné le nom d’ éros. Disons déjà par avance que l’Ancien Testament grec utilise deux fois seulement le mot éros, tandis que le Nouveau Testament ne l’utilise jamais : des trois mots grecs relatifs à l’amour - éros, philia (amour d’amitié) et agapè - les écrits néotestamentaires privilégient le dernier, qui, dans la langue grecque, était plutôt marginal. La mise de côté du mot éros ainsi que la nouvelle vision de l’amour qui s’exprime à travers le mot agapè dénotent sans aucun doute quelque chose d’essentiel dans la nouveauté du christianisme concernant précisément la compréhension de l’amour.
Dans la critique du christianisme, qui s’est développée avec une radicalité grandissante à partir de la philosophie des Lumières, cette nouveauté a été considérée d’une manière absolument négative. Selon Friedrich Nietzsche, le christianisme aurait donné du venin à boire à l’ éros qui, si en vérité il n’en est pas mort, en serait venu à dégénérer en vice. Le philosophe allemand exprimait de la sorte une perception très répandue : l’Eglise, avec ses commandements et ses interdits, ne nous rend-elle pas amère la plus belle chose de la vie ? N’élève-t-elle pas des panneaux d’interdiction justement là où la joie prévue pour nous par le Créateur nous offre un bonheur qui nous fait goûter par avance quelque chose du divin ?
En est-il vraiment ainsi ? Le christianisme a-t-il véritablement détruit l’ éros ? Regardons le monde préchrétien. Comme de manière analogue dans d’autres cultures, les Grecs ont vu dans l’ éros avant tout l’ivresse, le dépassement de la raison provenant d’une « folie divine » qui arrache l’homme à la finitude de son existence et qui, dans cet être bouleversé par une puissance divine, lui permet de faire l’expérience de la plus haute béatitude. Tous les autres pouvoirs entre le ciel et la terre apparaissent de ce fait d’une importance secondaire : « Omnia vincit amor », affirme Virgile dans Les Bucoliques - l’amour vainc toutes choses - et il ajoute : « Et nos cedamus amori » - et nous cédons, nous aussi, à l’amour. Dans les religions, cette attitude s’est traduite sous la forme de cultes de la fertilité, auxquels appartient la prostitution « sacrée », qui fleurissait dans beaucoup de temples. L’ éros était donc célébré comme force divine, comme communion avec le divin.
L’Ancien Testament s’est opposé avec la plus grande rigueur à cette forme de religion, qui est comme une tentation très puissante face à la foi au Dieu unique, la combattant comme perversion de la religiosité. En cela cependant, il n’a en rien refusé l’ éros comme tel, mais il a déclaré la guerre à sa déformation destructrice, puisque la fausse divinisation de l’ éros qui se produit ici le prive de sa dignité, le déshumanise. En fait, dans le temple, les prostituées, qui doivent donner l’ivresse du divin, ne sont pas traitées comme êtres humains ni comme personnes, mais elles sont seulement des instruments pour susciter la « folie divine » : en réalité, ce ne sont pas des déesses, mais des personnes humaines dont on abuse. C’est pourquoi l’ éros ivre et indiscipliné n’est pas montée, « extase » vers le divin, mais chute, dégradation de l’homme. Il devient ainsi évident que l’ éros a besoin de discipline, de purification, pour donner à l’homme non pas le plaisir d’un instant, mais un certain avant-goût du sommet de l’existence, de la béatitude vers laquelle tend tout notre être.
De ce regard rapide porté sur la conception de l’ éros dans l’histoire et dans le temps présent, deux aspects apparaissent clairement, et avant tout qu’il existe une certaine relation entre l’amour et le divin : l’amour promet l’infini, l’éternité - une réalité plus grande et totalement autre que le quotidien de notre existence. Mais il est apparu en même temps que le chemin vers un tel but ne consiste pas simplement à se laisser dominer par l’instinct. Des purifications et des maturations sont nécessaires ; elles passent aussi par la voie du renoncement. Ce n’est pas le refus de l’ éros, ce n’est pas son « empoisonnement », mais sa guérison en vue de sa vraie grandeur (…) Cela dépend avant tout de la constitution de l’être humain, à la fois corps et âme. L’homme devient vraiment lui-même, quand le corps et l’âme se trouvent dans une profonde unité ; le défi de l’ éros est vraiment surmonté lorsque cette unification est réussie. Si l’homme aspire à être seulement esprit et qu’il veut refuser la chair comme étant un héritage simplement animal, alors l’esprit et le corps perdent leur dignité. Et si, d’autre part, il renie l’esprit et considère donc la matière, le corps, comme la réalité exclusive, il perd également sa grandeur. L’épicurien Gassendi s’adressait en plaisantant à Descartes par le salut : « Ô Ame ! » Et Descartes répliquait en disant : « Ô Chair ! » Mais ce n’est pas seulement l’esprit ou le corps qui aime : c’est l’homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l’âme. C’est seulement lorsque les deux se fondent véritablement en une unité que l’homme devient pleinement lui-même. C’est uniquement de cette façon que l’amour - l’ éros - peut mûrir, jusqu’à parvenir à sa vraie grandeur.
Il n’est pas rare aujourd’hui de reprocher au christianisme du passé d’avoir été l’adversaire de la corporéité ; de fait, il y a toujours eu des tendances en ce sens. Mais la façon d’exalter le corps à laquelle nous assistons aujourd’hui est trompeuse. L’ éros rabaissé simplement au « sexe » devient une marchandise, une simple « chose » que l’on peut acheter et vendre ; plus encore, l’homme devient une marchandise. En réalité, cela n’est pas vraiment le grand oui de l’homme à son corps. Au contraire, l’homme considère maintenant le corps et la sexualité comme la part seulement matérielle de lui-même, qu’il utilise et exploite de manière calculée. Une part, d’ailleurs, qu’il ne considère pas comme un espace de sa liberté, mais comme quelque chose que lui, à sa manière, tente de rendre à la fois plaisant et inoffensif. En réalité, nous nous trouvons devant une dégradation du corps humain, qui n’est plus intégré dans le tout de la liberté de notre existence, qui n’est plus l’expression vivante de la totalité de notre être, mais qui se trouve comme cantonné au domaine purement biologique. L’apparente exaltation du corps peut bien vite se transformer en haine envers la corporéité. A l’inverse, la foi chrétienne a toujours considéré l’homme comme un être un et duel, dans lequel esprit et matière s’interpénètrent l’un l’autre et font ainsi tous deux l’expérience d’une nouvelle noblesse. Oui, l’ éros veut nous élever « en extase » vers le divin, nous conduire au-delà de nous-mêmes, mais c’est précisément pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncement, de purification et de guérison.
Comment devons-nous nous représenter concrètement ce chemin de montée et de purification ? Comment doit être vécu l’amour pour que se réalise pleinement sa promesse humaine et divine ? Nous pouvons trouver une première indication importante dans le Cantique des Cantiques, un des livres de l’Ancien Testament bien connu des mystiques. Selon l’interprétation qui prévaut aujourd’hui, les poèmes contenus dans ce livre sont à l’origine des chants d’amour, peut-être prévus pour une fête de noces juives où ils devaient exalter l’amour conjugal. Dans ce contexte, le fait que l’on trouve, dans ce livre, deux mots différents pour parler de l’« amour » est très instructif. Nous avons tout d’abord le mot dodim, un pluriel qui exprime l’amour encore incertain, dans une situation de recherche indéterminée. Ce mot est ensuite remplacé par le mot ahabà qui, dans la traduction grecque de l’Ancien Testament, est rendu par le mot de même consonance agapè, lequel, comme nous l’avons vu, devint l’expression caractéristique de la conception biblique de l’amour. En opposition à l’amour indéterminé et encore en recherche, ce terme exprime l’expérience de l’amour, qui devient alors une véritable découverte de l’autre, dépassant donc le caractère égoïste qui dominait clairement auparavant. L’amour devient maintenant soin de l’autre et pour l’autre. Il ne se cherche plus lui-même - l’immersion dans l’ivresse du bonheur - il cherche au contraire le bien de l’être aimé : il devient renoncement, il est prêt au sacrifice, il le recherche même (…).
On oppose aussi fréquemment ces deux conceptions en amour « ascendant » et amour « descendant ». Il y a d’autres classifications similaires, comme par exemple la distinction entre amour possessif et amour oblatif, à laquelle on ajoute parfois aussi l’amour qui n’aspire qu’à son profit. Dans le débat philosophique et théologique, ces distinctions ont souvent été radicalisées jusqu’à les mettre en opposition entre elles : l’amour descendant, oblatif, précisément l’ agapè, serait typiquement chrétien ; à l’inverse, la culture non chrétienne, surtout la culture grecque, serait caractérisée par l’amour ascendant, possessif et sensuel, c’est-à-dire par l’ éros. Si on voulait pousser à l’extrême cette antithèse, l’essence du christianisme serait alors coupée des relations vitales et fondamentales de l’existence humaine et constituerait un monde en soi, à considérer peut-être comme admirable, mais fortement détaché de la complexité de l’existence humaine.
En réalité, éros et agapè - amour ascendant et amour descendant - ne se laissent jamais séparer complètement l’un de l’autre. Plus ces deux formes d’amour, même dans des dimensions différentes, trouvent leur juste unité dans l’unique réalité de l’amour, plus se réalise la véritable nature de l’amour en général. Même si, initialement, l’ éros est surtout sensuel, ascendant - fascination pour la grande promesse de bonheur -, lorsqu’il s’approche ensuite de l’autre, il se posera toujours moins de questions sur lui-même, il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se préoccupera toujours plus de l’autre, il se donnera et il désirera « être pour » l’autre. C’est ainsi que le moment de l’ agapè s’insère en lui ; sinon l’ éros déchoit et perd aussi sa nature même. D’autre part, l’homme ne peut pas non plus vivre exclusivement dans l’amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seulement donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. L’homme peut assurément, comme nous le dit le Seigneur, devenir source d’où sortent des fleuves d’eau vive ( cf. Jn 7, 37-38). Mais pour devenir une telle source, il doit lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus-Christ, du coeur transpercé duquel jaillit l’amour de Dieu ( cf. Jn 19, 34). (…)


Ca fait un mois que je relis ce texte en me demandant si je vais me "payer" le Pape sur mon blog en me disant que ça me coûtera pas cher, mais quid du lecteur ? Ca pourrait même faire chuter mes statistiques de fréquentation au-dessous du seuil où l’euthanasie s’impose au bloggeur lassé de subvenir aux besoins d’une créature virtuelle qui bouffe plus qu’un tamagochi tout en n’ayant même pas l’élégance de ramener la cyber-baballe, sans parler de l’apprentissage de la propreté, souvent très long. Bloggeur qui réalise soudain qu’il peut tout aussi bien reprendre son journal intime sur vélin 280 grammes grâce auquel il jouira au moins du crissement de la plume, et ça ne lui montera pas au cigare. Et puis, le Benoît XVI, pour en dire quoi ? je ne suis pas chrétien, mes sympathies spiritualistes vont plutôt au bouddhisme, qui me parle au moins une langue que j’entends. Même que j’ai été nourri au lait du gauchisme et que c’est la souffrance qui m’a contraint à chercher quelque chose de plus nourrissant que l’ironie amère, qui n’amènerait rien d’intéressant dans ce débat fratricide de sourds mal-comprenants entre modernes à la Onfray et nouveaux chrétiens à la Drewermann qui a d’ailleurs fini par claquer la porte de l’Eglise en décembre 2005. Entre libertaires militant pour une spiritualité athée (rien que le terme, je me fais pipi dessus) et rénovateurs d’une Eglise gérontocratique dont on peine à discerner les déhiscences successives, on me dira que c’est encore un débat d’idées, et qu’il vaut mieux mettre l’accent sur des pratiques si on veut pas perdre notre vie à s’user le ciboulot et le reste sur des concepts divorcés du réel. N’empèche, il était temps que le Pape s’émeuve des dérives actuelles de la marchandisation des corps, dernier avatar du capitalisme bien parti pour dévorer ses enfants. On lui fait confiance pour se suicider à terme, mais ses enfants, c’est nous, et merdalors : le commerce de l’Eros (pour faire vite, l’esthétique porno, quoi) contraint le pape à se faire marxiste ! A moins que ça ne soit sa longue expérience conjugale qui lui permet de poser en même temps le diagnostic et le remède. Hormis le fait qu’il faut Bac + 12 en théologie et Bac + 15 en histoire comparée des religions pour savoir s’il ne nous roule pas dans le révisionnisme, son encyclique sent l’intellectualisme bien rance et bien stérile, ou alors c’est moi qui ai pété. Qui l’eut cru : il parle comme quand je vais pas bien, le Pape. (et ma mère m’a toujours prédit que je finirais moine, mais j’ai encore de la marge) De la part du PDG d’une entreprise multinationale qui frôlerait le dépôt de bilan si elle n’était à moitié nationalisée (les biens immobiliers de l’Eglise me semblent co-entretenus par l’Etat par le biais des Monuments Historiques), son discours ne peut que conforter chacun sur ses positions. Ce n’est pas là l’ouverture du coeur, c’est une guerre de tranchées & souterrains par des clercs décatis. Pourtant le contenu du message en lui-même n’est pas conne, mais y’aurait comme une manière de dire qui annihilerait la nature même du signifié.
En tout cas, je comprends bien mieux le renoncement quand il m’est expliqué comme ça.
Et encore, vous vous en tirez à bon compte : j’avais une chouette photo de nana à poil crucifiée pour illustrer ce post, et je nous la suis épargnée. Et puis je l’aurais appelée "Rédemption de l’Objet Fascinatoire IV", et je l’ai pas fait non plus.
Des Fois, Je Suis Bon.
Partez pas ! y’a un deuxième paragraphe du Pape, qui commence comme ça : "L’ordre juste de la société et de l’Etat est le devoir essentiel du politique. Un Etat qui ne serait pas dirigé selon la justice se réduirait à une grande bande de vauriens, comme l’a dit un jour saint Augustin…"
vous avez vu comment il parle de Chirac, ça déchire, non ? bon, oké, j’le garde pour plus tard.
Vous trouvez ça fumeux ? c’est vrai que j’ai re-arrété la clope aujourd’hui, enfin hier soir, après 8 jours joyeusement et consciemment fumigènes (et en plus j’ai écouté Motorhead, Seigneur, et j’étais à deux doigts de ressortir ma gratte du garage quand l’indigence des tablatures que j’ai trouvées sur le Net m’a fait frémir puis renoncer) suite à la Sainte Pétoche d’avoir Etendu mon Sevrage au-delà des Confins du Probable Record Précédent. L’important, c’est que je vis maintenant des moments intéressants loin de mon ordinateur qui m’encouragent à persévérer dans l’effort, et quoi qu’en dise plus tard ma chérie quand elle abrègera mes souffrances dans un moment de compassion & dans un futur que j’espère lointain (cf dessin) je suis rarement au lit après 23 heures, ce qui est un très net progrès sur le moyen terme. Certes, l’auto-satisfaction ne diffère guère en nature de l’auto-flagellation, mais moi ça me change quand même la vie.


Faux éveils chez Jodo (ce n’est qu’un rêve)

Je suis invité à dormir chez Jodorowski. La chambre est une grande pièce de style rustique sans fenètres, en sous-sol. Des murs chaulés émergent quelques pierres apparentes, dont les reliefs ont été exploités par l’artiste pour suggérer des animaux stylisés à la manière des hommes des cavernes et dont les contours peints "s’appuient" graphiquement sur ces pierres.
Je me couche. Dans la nuit quelque chose m’éveille : une forme ectoplasmique est en train d’émerger au milieu de la chambre. Je n’ose trop la regarder, car j’ai bien peur qu’elle émane de moi. C’est un chasseur du néolithique, vétu de peaux de bêtes, mais il est empreint de quelque chose de maléfique. Maintenant il est totalement formé, et il s’élance d’un bond vers le mur. Au cours de son saut, il se transforme en personnage dessiné en 2D : quand il l’atteint il n’est plus qu’une photo grossièrement découpée qui se colle contre la paroi et dont le téléviseur dans l’angle de la pièce retransmet l’image. Etant devenu graphisme, il peut se lancer à la poursuite du gibier peint qu’il convoitait depuis le début de sa coagulation et qui l’a de quelque manière suscitée : il commence à abattre girafes, sangliers et cerfs qui après être passés au moment de leur agonie par un stade BD, puis réaliste, disparaissent alors du mur. Ceux-ci sont progressivement rendus à leur virginité, et je sens que je vais me faire engueuler par Jodo pour lui avoir effacé sa tapisserie.
Faux éveil 1 : ouf, les animaux sont encore en place, ce n’était qu’un rève.
Faux éveil 2 : les murs sont blancs, j’explique à Jodo comment c’est arrivé en occultant le fait que je suis mystérieuseument la cause du phénomène dont j’endosse la culpabilité sans m’en expliquer la causalité.
Faux éveil 3 : les murs sont maintenant recouverts de bulgom bleu à motifs floraux, cette matière dont on fait les sous-nappes. Le lit a disparu, une table et plusieurs chaises encombrent la pièce et semblent indiquer qu’il s’agit d’une salle à manger. J’explique à Jodo qu’ "Ils" ont modifié le décor et effacé notre mémoire de l’ancienne configuration des lieux pour oblitérer l’évènement dont j’ai été le témoin.
Liste des ingrédients ayant servi à la réalisation de ce songe :
-la veille au soir :
-"Bob l’éponge, le film" : la transformation des animaux est repompée sur la séquence des animaux taxidermisés (prises de vues réelles) qui reviennent à la vie "en dessin animé" quand ils sont réhumidifiés vers la fin du film.
-un documentaire sur les premiers Amérindiens qui seraient venus d’europe il y a 15000 ans.
-15 km de jogging au crépuscule.
dans la semaine précédente :
-alimentation légère, couchage avant minuit, arrèt total du tabac.
-feuilletage du dernier Jodo/Manara au Leclerc Culturel de Basse Goulaine.
les 40 dernières années :
-la peur du Mal (et qu’en plus ça soit de Ma Faute.)

Commentaires

Très drôle cette série de faux-éveils ! J’aime beaucoup ce passage :
>> J’explique à Jodo qu’ “Ils” ont modifié le décor et effacé notre mémoire de l’ancienne configuration des lieux pour oblitérer l’évènement dont j’ai été le témoin.
En plus, il y aussi des vrais bouts de Philip K. Dick dedans, non?

dimanche 19 février 2006

Rédemption de l’objet fascinatoire III : le doigt indique la lune et se la met dans l’oeil.




Article paru dans une de ces cyber-revues branchouilles pour d’jeunzs (un d’jeunzs, c’est quelqu’un qui a 10 ans de moins que moi) exerçant des métiers "à forte valeur narcissique" : teknik’art, chronik’art, les inrocks…
« *** ** », le dernier film de J* T*, sorti il y a quelques mois chez la prestigieuse maison C**, nous a beaucoup ému. Il y avait bien longtemps- à vue de nez, samedi dernier- qu’un porno ne nous avait pas autant enthousiasmé. Par sa mise en scène naturaliste, sa très érotique approche de la pornographie, son casting parfait et surtout sa dimension philosophique à peine voilée, « ** ** » est ce que l’on appelle « un classique instantané ». Dans ce film, nous suivons les aventures de Modeste Pompello, photographe de charme de renom, en pleine crise de désir. Pourtant entouré de trois superbes jeunes filles (Axelle, Jennifer, et Sophie) réunies dans une villa Tropézienne pour une séance de shooting, Modeste n’arrive plus à redresser la situation. Vous devez vous demander pourquoi nous nous sommes tant réjouis à la vision d’un film de cul où l’acteur bande mou.¨Peut-être, pensez-vous, qu’il doit se cacher là dessous un sentiment de l’ordre de l’identification. Et bien, non. Au delà des scènes qui répondent au cahier des charges (décharge ?) habituel d’un film X, « Propriété Privé » est un authentique traité visuel qui a pour thème central l’inexorable baisse de désir du mâle occidental, le premier porno à avoir mis en images les théories du penseur Bernard Stiegler. Dans son dernier ouvrage « Construire l’Europe », Stiegler élabore la théorie selon laquelle l’individu postmoderne, croulant sous une consommation de produits méthodiquement massifiés par les industries, subit une ruine du narcissisme qui atrophie son désir chaque jour un peu plus jusqu’à la débandade. Plus simplement, Stiegler nous dit qu’en ayant accès à tous, tout le temps, et de manière infinie, nous avons perdu le goût de la sublimation, de l’extraordinaire, du merveilleux, bref nous sommes blasés et plus rien ne nous fait vraiment bander.
Cette situation de misère symbolique décrite par Bernard Stiegler, nous la retrouvons de manière particulièrement criante chez Modeste Pompello, notre photographe à l’intimité ramollie. Au bout du rouleau, rongé par la culpabilité suite à la mort de sa femme et de sa fille, Modeste finit par tomber dans un nihilisme total. Allongé sur son lit, vêtu de son peignoir de bain, il n’est que mollesse, à l’image de ce bout de chair qui pendouille, sans but, entre ses cuisses. Il ne croit plus en rien, ni en son travail, ni au pouvoir totémique de sa queue. A l’image de l’homme « Stiglerien » Modeste subit l’effet implacable de la « baisse tendanciel de son taux de désir ». « Arrête ! Ca ne sert à rien ! Je suis foutu ! Ca fait un an que je ne bande plus » lâche t’il impudiquement à Axelle tandis qu’elle lui suçote le sexe d’un air enfantin. Pourtant, Modeste n’a pas toujours été ce bout de viande flasque. Il incarnait même, à une époque, l’archétype du mâle occidental. Riche, beau gosse, exerçant un métier à forte valeur narcissique et baisant de nombreuses femmes, plus belles les unes que les autres. Aujourd’hui, Modeste est en pleine dépression. Pourtant, Modeste pourrait baiser, les femmes ont envie de lui, mais notre héros a perdu le goût de la sublimation. C’est donc petit à petit, de façon presque artisanale, qu’il va retrouver sa libido. Toujours selon Stiegler, dans notre système libéral qualifié par lui même « d’anti-libidinal », « n’est désirable que ce qui est singulier et à cet égard exceptionnel ». C’est donc en acceptant de se remettre au travail sous les conseils d’Axelle que Modeste va progressivement « reconstituer son désir d’élévation » car « le travail représente de la libido captée et canalisée ». A travers le prisme de son appareil photo, Modeste redonne un caractère exceptionnel à ce qui lui semblait banal, à savoir le corps des femmes. Bien sûr, ce rétablissement passe également par quelques coups de hanches dans le petit trou de Nikki, craquante hongroise au corps d’adolescente, mais là n’est pas le plus important. Car en mixant subtilement une pornographie artificiellement sublimée (toutes les femmes sont consentantes et bisexuelles) et un réalisme cru (le héros ne bande pas) Jack Tyler a réussi à opérer un télescopage entre vie et fiction, entre nos défaillances quotidiennes et les exploits turgescents qui se déploient à l’écran. Bref, il nous livre ici un vrai film d’auteur, au sens stricte du terme, où l’ont devine une grande part d’autofiction.
"Propriété Privé" n’est pas qu’un film sur la perte du désir, c’est aussi une oeuvre sur les antagonismes, les opposés. Chaque personnage ne trouve de cohérence qu’à travers son contraire. Phil, par exemple, un escroc minable que les demoiselles rencontreront lors d’une virée en ville et qui tentera piteusement de chaparder leurs clefs de voiture, n’existe que parce qu’il est l’exact contraire de Modeste. Simple, complètement dénué de vie intérieure, il profite du corps des femmes comme un adolescent qui n’en revient toujours pas d’être là. Phil caresse des fesses, lèche des chattes, introduit son sexe dans des bouches et surtout ne réfléchit pas excessivement, ne se perd pas dans une cérébralité qui mine l’action. « Il est bon ton cul » semble d’ailleurs être sa phrase favorite. Son enthousiasme communicatif fait plaisir à voir. Phil n’est évidement pas le personnage le plus humainement intéressant du film mais sa présence est indispensable tant il symbolise l’antithèse de Modeste. D’ailleurs, coïncidence ou non, ces deux là ne se rencontrerons jamais. Quand Phil part, Modeste débarque enfin, et là se trouve le creux du film. Pour garder un soupçon de dramaturgie, nous ne vous dévoilerons pas la fin de « ** ** », qui fait également penser à une sorte de Fight Club de sexe, de peinture en mouvement d’une étrange forme de schizophrénie. Il vaudrait mieux poser la question au réalisateur, J* T*. Ce gars là est un personnage intriguant, une sorte d’Ovni dans le milieu du X. Avec très peu de moyens techniques et sans faire dans l’amateurisme, il vient ici de nous prouver qu’un porno de qualité peut encore exister pour peu qu’on veuille bien s’en donner la peine. J* fait la nique à tous ces pseudos réalisateurs médiocres qui n’hésitent pas à se vautrer dans le glauque en utilisant à outrance des scénarios flirtant avec le viol. Le sexe est ici bourgeois, décadent, mais autrement plus excitant. La caméra de J* tournoie, virevolte autour des corps, se fait parfois immobile pour mieux s’attarder sur un regard, ou un anus, puis repart dans un manège où se mélangent douleur et jouissance. La scène introductive, qui se déroule dans une forêt, est à ce titre d’une beauté sidérante. Tournée comme un long plan séquence en lumière naturelle, il se dégage de l’image une esthétique quasi documentaire qui évoque un de ces films du Dogme. Il y a de l’amour dans cette scène anonyme mais aussi une sauvagerie et une spontanéité qui s’éloigne de l’imagerie mécanique de la pornographie pour, paradoxalement, en devenir encore plus sexuelle. A signaler également les bonus : devant la caméra, les acteurs se livrent à des confessions assez touchantes sur leurs vies, leur métier, leurs doutes. On découvre alors des jeunes gens lucides, humbles, souvent drôles, très loin donc de l’image de nymphomane idiote ou de bite sur patte. Si J* T* est un bon philospohe caméra à l’épaule, il n’est pas mauvais non plus lorsqu’il s’agit de jouer les Mireille Dumas. Ce gars là a de la ressource.

Vincent C** le ** ** 2005

Je cite l’article presque en intégral pour qu’on voie bien le procédé à l’oeuvre : je suis tombé dessus en cliquant au bord du cybermonde, près des piliers d’Hercule, et il m’a donné à réfléchir. Je fus un fervent des Inrocks quand les d’jeuns n’étaient pas si vieux que maintenant. L’hydre du lobby pornocratique se présente ici sous sa forme maligne : style plaisant, références culturelles de connivence à large spectre, instrumentalisation de penseurs probables à consonnance slave grâce à un logiciel de génération aléatoire de gloires obscures de la philosophie, ici Stiegler, mais on pourrait citer Baudrillard, Houellebecq, Lipovetski, Virilio… le coeur de cible n’en serait pas plus rassuré intellectuellement d’acquérir un film qui semble aussi chiant que de l’Antonioni mais avec du cul en plus, "bourgeois, décadent, mais autrement plus excitant que les scénarios flirtant avec le viol" nous dit Vincent C** qui a sans doute reçu une bonne éducation, écrit de manière agréable et vend bien sa salade : il agite assez d’idées sous son crâne pour nous faire croire que le porno de la semaine relève bien du must de l’élargissement culturel des jeunes gens modernes tout en glissant assez de jokes dans son article pour qu’on comprenne que c’est quand même pour rire. (Peut-on devenir intelligent en s’astiquant la nouille ? Réponses vibrantes de Vincent C**, disait la réclame)
Il fut un temps où l’art "bourgeois, décadent, et pornographique" était décrié par tous les marxistes d’avant la marchandisation du monde, et pas que sous des régimes collectivistes. Aujourd’hui il ne reste guère plus que les ayatollahs et les pornodépendants pour résister aux sirènes de la volupté.
Snif.

Commentaires

  1. Quand on lit ça en effet, on se pose des questions sur l’intérêt de la critique cinématographique et littéraire. Le type aurait pu faire le même article à partir du nouveau paquet de nouilles Panzani.

  2. l’article utilise les codes de la critique artistique en général, mais vu la nature de la chose critiquée, on voit l’os dans le pâté, je veux dire le squelette dans le placard. Par ailleurs je note que j’ai utilisé le mot “sirènes” appliqué aux films de cul à 8 jours d’intervalle, il faut que je lance la grande question : les sirènes ont-elles des os ou des arètes ???

  3. eh les gars, vous l’avez vu le dit film ?

  4. non, pourquoi, on a raté quelque chose ?