mercredi 6 juin 2018

Mon nombril, ma bataille (7)

Ce matin, j'ignore pourquoi, mais "ça court". Je le sens au départ du parcours, il y a un peu de dénivelé, le trajet doit faire dans les 9 km, je n'ai jamais mesuré, je ne suis pas du genre à courir avec un smartphone/podomètre collé au bras pour pouvoir cracher des statistiques de performances toutes les 10 minutes, l'autre jour j'ai accidentellement croisé le voisin à mi-parcours, près du camping et de la base de canoës, le voisin ou plutôt le mari de la nana avec qui j'avais fait un stage de prévention de la rechute dépressive par la méditation de pleine conscience et les mp3 de Christophe André avant de découvrir qu'elle habitait à 400 m et de faire la connaissance de son conjoint avec lequel je n'ai aucune affinité sinon les tendances dépressives de sa femme, bref le mari de la voisine courait sur quasiment le même trajet, donc je lui ai civilement proposé de remonter la côte ensemble, mais il avait son centre multimédia attaché au biceps, et il me crachait notre vitesse instantanée toutes les 5 minutes et il a failli me faire exploser le moteur, heureusement il a écouté du hard rock au casque toute la remontée du parc, moi je préfère écouter les oiseaux, déjà qu'ils ont été décimés par la sixième extinction de masse en cours je trouve qu'ils font encore un sacré raffut, de toute façon depuis que j'ai repris le jogging pour éviter de prendre trop de poids avec l'arrêt du tabac (c'est plus raisonnable que de rêver en perdre) je mets péniblement 70 minutes à descendre au parc par les vignes et à remonter, dans une foulée crispée et inquiète, il y a 10 ans je mettais 55 minutes, et alors ? Tout est vain, je ne suis plus à la hauteur (si je l'ai jamais été).

on dirait pas comme ça
mais c'est méchamment vallonné 
En 10 ans j'ai donc perdu 15 minutes de vitesse et de fluidité, qui je le sens bien, ne reviendront pas. Mais ce matin, contrairement à toutes mes croyances erronées, "ça court", et je n'ai qu'à me laisser porter par la foulée. D'accord, j'ai mis mes chaussures jaunes fluorescentes, elles m'ont l'air moins usées que l'autre paire avec laquelle je me suis obstiné à trottiner ou plutôt à racler la chaussée ces dernières semaines, c'est important les chaussures, je me suis chopé des douleurs crâniennes (au plaques du crâne, en fait, que je massais par dessus) à courir dans des chaussures fichues, et un t-shirt en coton, parce que quand je mets une saloperie fluo microfibres, c'est abrasif, je finis toujours avec le téton droit en sang, c'est éros et thanatos + les dieux du stade en même temps, il faudrait que je coure avec un wonderbra parce qu'avec le temps mes pectoraux se sont un peu affaissés, ils ondulent et frottent contre le tissu synthétique, ah je vous jure que j'ai fière allure avec ma flaque de sang diluée dans la sueur du plastron en microfibres, l'écarlate fait l'amour au vert fluo pour donner une auréole sombre d'une teinte indéfinissable et peu ragoûtante, je ne peux pas courir avec un wonderbra dans le quartier, sauf à vouloir finir cloué sur la porte d'une grange, je pourrais aussi me protéger le bout des tétons avec du sparadrap mais je me mettrais à ressembler à un clip de bondage SM et l'envie subite de m'auto-enculer dans un fourré ferait baisser ma moyenne horaire dont j'ai prétendu qu'elle m'était indifférente, il tombe un fin crachin sur ce début juin qui simule fin novembre pour faire marrer ses potes, et à l'arrivée de mon chemin de croix habituel je refais un temps proche de ce qu'il fut jadis, 60 minutes, et je ne vois vraiment pas pourquoi, à part l'assiduité à l'effort et les bénéfices mécaniques de l'entraînement, je n'avais d'ailleurs pas envie d'aller courir ce matin, mais dans ces cas-là je court-circuite la case états d'âme, je ne suis donc pas prisonnier de ces lourdeurs que je cultive puisque j'ai réussi à m'en abstraire pendant 60 minutes sans avoir trop de pensées obsessionnelles autour du fait que je pourrais éventuellement en faire un article, je ne veux pas retomber dans ce genre d'autisme assisté par ordinateur, et puis après j'ai une crise de génie en réparant coup sur coup la prise d'antenne de la télé du salon alors que ça faisait des années que je me cassais les dents sur une histoire de sertissage du coaxial, et le néon du garage dans la foulée, parce que j'ai remis le nez dans mon matos de bricolage et je me suis rappelé l'histoire des starters pour tubes fluorescents (improprement appelés néons), dont il existe désormais un modèle LED.
Bon c'est pas tout ça, faut que je mette mes affaires en ordre pour partir tout à l'heure pour Orléans, afin de poursuivre mes aventures de CDD : si je n’avais aucune ambition, au moins de ce point de vue, n'ayant accédé à aucune situation enviable, ma vie est pleinement réussie, et j'ai peine à ne pas m'en faire une joie, mais faut quand même faire bouillir la marmite.


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