mardi 19 juin 2012

Ma dépression racontée aux enfants (2)

Cette nuit, j'ai rêvé d'un morceau de musique imaginaire de Frank Zappa, je veux dire un morceau qui n'existait que dans mon imagination, qui le construisait au fur et à mesure, mais qui sonnait vraiment comme ceux que Frank a joués dans la salle de concert de mon esprit pendant de nombreuses années.
D'ailleurs, lui-même se lance dans la métaphysique musicale dans l'intro du morceau "Watermelon in Easter Hay" (album Joe's Garage ) à propos de la prise de conscience tardive de son malheureux héros :
"Joe has just worked himself into an imaginary frenzy during the fade-out of his imaginary song . . . He begins to feel depressed now. He knows the end is near. He has realized at last that imaginary guitar notes and imaginary vocals exist only in the imagination of The Imaginer . . . and . . . ultimately, who gives a fuck anyway? . . . "

Dans mon rêve, Frank jouait sur une gamme vraiment marrante : la plupart des notes étaient correctes, mais de temps en temps il en balançait une inattendue, profondément ironique.

Je suppose que c'est une invitation de ma Puissance Supérieure à reprendre ma guitare là où je la laisse (au garage, avec le super-ampli racheté à un vieux pote l'été dernier) à chaque fois que je dis que je vais m'y remettre, au même titre que le décès du père de xxx d'un cancer du poumon est une invitation à poser ma clope là où je l'ai reprise il y a 18 mois.

Je trouvais qu'après la mort de ma mère, c'était pas une mauvaise idée de reprendre la clope plutôt qu'autre chose (logique de toxicomane, cherchant désespérément à remplir le Vide, qui ne Peut Ontologiquement l'Etre, le Néant)

Quand l'anniversaire de la mort de maman s'est rapproché, début novembre dernier, mon frère nous a mis en garde, disant que papa était fragile, qu'il fallait faire attention à lui dans cette période.
Mais pour lui, ça s'est bien passé, il avait fait son deuil.

Moi, apparemment, non, j'ai commencé à être très las, à m'auto-inférioriser au travail, tendance qui était restée latente depuis quelques temps, pensant à tort que je tendais vers mon taux maximum d'incompétence, de moins en moins capable d'initiatives, et puis ça s'est cristallisé autour d'un problème particulier, je ne voyais vraiment pas comment j'allais pouvoir le résoudre ou simplement y faire face, et progressivement  ça s'est encore dégradé, je me suis mis s'en m'en rendre compte à regarder les immeubles de travers pour voir duquel j'allais tenter ma chance pour ne pas me rater.

Quand je me suis trainé chez mon généraliste, il était déjà bien tard.

Je lui ai demandé quelque chose pour tenir le coup, j'ai eu droit à des anxios, des somniféres et des antideps, le coquetèle des ouineurs, parce que je ne dormais plus du tout depuis 2 semaines, et que j'avais perdu 8 kilogs, et les antideps ça a beau être de la super-came, je vous ferai un topo plus tard, ça met 3 semaines à regarnir le cerveau en sérotonine, donc sur le moment ça m'a pas empêché d'aller me jeter du bord de la falaise par un dimanche après-midi couvert et morne, parce que je ne voyais pas d'autre sortie de crise, le champ de ma conscience s'était rétréci aux dimensions de mon incapacité de continuer à vivre.

Heureusement qu'au bord de la falaise, je me suis dit que si je faisais ça, d'abord je serais damné, ce qui n'est pas très bon pour la santé post-mortem (on ne sait jamais, sauf les tibétains qui sont persuadés qu'ils savent très bien que ce qui nous attend après c'est en gros de remettre ça jusqu'à ce qu'on en ait marre et qu'on passe à la vitesse supérieure) et puis surtout j'allais faire souffrir tous les miens, qui me sont chers.

Je suis remonté dans ma voiture assez dépité d'avoir raté mon suicide, je suis rentré, je me suis dénoncé, et le lendemain je suis allé voir un psychiatre assidûment fréquenté dans les années 2000, qui m'a proposé un séjour en psychiatrie, deux semaines au frais.
Pour ne pas me mettre en danger.
J'ai accepté, parce que je rampais, comme un jouet cassé. 

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