Jean-Paul Sartre (1905-1980) disait : la religion, c’est l’échappatoire de ceux qui sont trop lâches pour se reconnaître responsables de leurs propres destinées.
Il parlait de la religion en tant que fait institutionnel, et fut un aventurier de la conscience né l’année du divorce entre l’église et l’état : la coupe était pleine, le torchon brûlait et les gosses se mouchaient dans les rideaux. Il était révolté par la soumission des consciences depuis vingt siècles à cet espoir mensonger imposé par les puissants aux faibles : ça ira mieux demain.
Le dépendant sait bien qu’il ne maîtrise pas sa compulsion, et en déduit un peu hâtivement qu’il est irresponsable. Il évite d’y penser trop souvent, car se réclamer de son irresponsabilité pour justifier sa propre méconduite, il se doute qu’il n’a guère de chance avec ça d’éveiller ni sa sympathie propre, ni celle de ses semblables.
Et en même temps, c’est une attitude de défi cosmique : il s’agit de forcer la main à Dieu pour le forcer à sortir de son silence-indifférence. Je me rappelle quand je picolais, j’aurais bien aimé qu’il me foudroie à la porte du bistrot ou qu’il congèle mon bras au moment de porter le verre à mes lèvres. Le faire exploser en vol, ça aurait été top moumoute.
Bref, un cocktail malheureux de narcissisme outrancier et de chantage spirituel qui n’hésite pas à se prendre en otage puis à s’exécuter si nos revendications ne sont pas satisfaites, et on voit mal comment elles pourraient l’être dans ces conditions. La seule façon d’obliger Dieu à nous donner un coup de main, c’est de faire le ménage dans notre maison, et non se scandaliser de son incapacité à venir nous sortir du petit merdier portatif dans lequel nous nous sommes laissés enfermer.
Religion vient de religere, en latin "relier" : les hommes à leur créateur, mais aussi entre eux.
Le fait religieux collectif était le garant de la cohésion sociale. Avec la mondialisation, l’évolution des démocraties vers la laïcité, l’essor de l’individualisme über alles, le religieux mute en spirituel au milieu de la scène 2 du drame de l’effondrement de la Conscience Historique, et on n’a même plus le temps de l’enterrer en grandes pompes avant qu’il revienne par la fenètre restée malencontreusement ouverte pour aérer la pièce où nous sommes de plus en plus nombreux à vivre dans une atmosphère qui s’amenuise en oxygène, sans parler de l’état du frigo, dont le ravitaillement en vol devient problématique. Pour dépeindre le désarroi post-moderne avec élégance et de légèreté,
Desproges disait "si Dieu existe, il est pas souvent au bureau".
Virilio l’énonce plus aigrement, lui qui est un désespéré professionnel alors que j’ai gardé la candeur du bénévole : "Aujourd’hui ce qui naît, c’est un monde dissocié, fractalisé. On me parle d’individualisme et de liberté, je rigole. C’est comme si on me disait que les morceaux d’une bombe à fragmentation ont trouvé leur liberté. L’individu isolé n’est pas un individu libéré, c’est un individu défait. On assiste à la défaite de l’individu."
Chez les Alcooliques Anonymes, on a inventé ce que j’appelle "dieu en kit" et eux "dieu tel que je le conçois" : il est hors de question que nous nous foutions sur la gueule à propos des conceptions d’untel ou d’untel sur ce qu’est ou n’est pas Dieu alors que nous sommes réunis pour cesser de boire et rester abstinents. Ce que nous mesurons dans le mouvement, c’est les effets de l’idée de dieu sur nos consciences. Les pratiquants les plus avancés du programme - on nous suggère prière et méditation sans s’étendre sur les détails pratiques - confessent volontiers qu’ayant prié pour l’obtention de faveurs personnelles, ils les ont rarement obtenues, mais se sont trouvés nantis de ressources qui correspondaient plus à leurs besoins réels qu’à leurs désirs, et les plus athées reconnaissent que si chacun d’entre nous a l’impression de recevoir en réunion plus que ce qu’il donne, il faut bien que le reste vienne de quelque part.
Il y a aussi de grands enseignements cachés à retirer du Bokononisme inventé par Vonnegut dans le Berceau du chat, du Mercerisme décrit par Dick dans Les androides rêvent-ils de moutons électriques (Blade Runner), et du culte des morts imaginé par Russell Banks dans La relation de mon emprisonnement.
Voili voualou.
Cyberdépendance virtuelle, auto-addiction, rédemption de l’objet fascinatoire, progrès dans l’intention de pratiquer le bouddhisme.
mercredi 28 juin 2006
Religions imaginaires, Reliances réelles
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salut jhonn…
jmétais toujours demandé pourquoi les sectes existais et comment des gens pouvais vouloir tombé dans de tel groupe et pendant ce temps la j’avais pas vue que je me coupais du monde exterieur.
jvais jeté un pavé dans la mare mais j’ai l’impression que tout ca c’est de l’affectif, on court aprés le mythe qu’on est independant..
s’thistoire de mental qui serais pas bon,, la dualité.. toute ces grande idée c’est pas juste l’animal qui communique avec le “civilisé”, le cerveaux primitif qui serais en discours permanent avec le cerveaux “evolué” et vis versa?????
ps : tu parlais du “relié”, c’est pour ca que jme suis permis de te parler du “coupé”
Rédigé par: roul | le 29 juin 2006 à 10:45|s’il y avait dialogue entre l’archéocortex et la conscience, ça se saurait…ils sont un peu fâchés quoiqu’obligés de cohabiter sous le même crâne.
Rédigé par: john | le 29 juin 2006 à 23:09|Le plus souvent ils font chambre à part.
heuuu… john.. l’idée a 2 balle que je te disais, que le primitif parlais au culturel, en gros tes emotions sont interpreté par ta culture (ta façon de voir) … et que le porno fait partie de notre culture.
en trés gros quand ta une emotion, tu l’interprete comme ton univers ta façonné.
et que la quete spirituel c’étais une quete affective, trouvé une place dans un groupe..
voila pourquoi des grand “spirituel” avais quelque fois des comportement pas franchement spirituel (sai baba par exemple…)
voila en même temps c’est pas franchement nouveau ce que je dit…
et j’ai jamais dit que je pouvais pas dire des conneries voir des enormes connerie (et ca c’est bon;-))
Rédigé par: roul | le 30 juin 2006 à 09:29|Jpourrais pas voir ta reponse avant longtemps john…
merci pour ton blog, faire partager ton experience..
pas evident de mettre ses idée sur papier et tu te demerde pas mal..
allez j’arrette la brosse a reluire, ca va faire des trou dans tes pompes sinon.
Rédigé par: roul | le 30 juin 2006 à 11:15|ce qui fait des trous dans mes pompes, c’est les idées des autres. Je suis obligé de voler les miennes, je n’en ai jamais eu la queue d’une.
Oups ! mon identité est assise sur des préférences/affinités, mais mon mental n’arrive pas à me persuader qu’un “reader’s digest” aide une personnalité à émerger.
Alors je regarde mes pieds à travers les trous des théories des autres.
Tu sais, l’irruption du porno dans notre culture, c’est très récent. Alors que nos émotions sont assez anciennes. Elles ne sont pas “interprétées” par le porno, elles sont sanibroyées.
tu me fais songer à ce passage d’anciennes écritures :”Un souvenir me revient, qui jette une lumière crue sur cette tragédie. Je me trouve avoir eu pour presque ami un gros industriel immensément riche, un peu primaire comme la plupart des gros industriels, mais superficiellement cultivé. Il jouait volontiers les mécènes : on aime assez, dans ces milieux, se prendre pour Laurent-le-Magnifique. Mon homme recevait avec faste, s’entourait quand il pouvait de savants et d’artistes, et il parlait. Plus qu’assez riche pour être sûr de tout savoir, il parlait de tout et du reste, mais un sujet avait sa préférence : lui-même. Un jour, après un diner au champagne suivi d’une soirée au whisky, il m’emmena dans sa bibliothèque pour me faire admirer une collection, admirable en vérité, d’art pornographique. J’admirai donc, et lui aussi, mais il en goûtait les charmes peut-être un peu trop directement, et les stimuli directs sont -ô mânes de Schopenhauer- cruellement … diminuants ! Egrillard d’abord, son regard s’assombrit et sa verve céda à d’amères nostalgies.
“Mon cher”, me dit-il, “nous avons mal choisi l’heure de notre atterrissage sur cette planète. Quelle lugubre époque ! Ce n’est vraiment plus la peine d’être riche. Mon garçon de bureau roule voiture et mon valet de pied, bâti quelque peu en athlète et qui s’habille à la Belle Jardinière, taille plus fière figure que ne m’en donne mon tailleur londonien. Mais, la fin de tout, c’est les femmes : elles nous envoient promener ! Elles nous préfèrent les jeunes flics et les chanteurs de charme des boulevards extérieurs. L’argent ? Elles s’en foutent ! Elles prennent un malin plaisir à nous faire marcher en ne marchant pas. Quand j’étais jeune, un homme à peu près arrivé se serait déshonoré s’il n’avait mis dans ses meubles une ou même plusieurs danseuses à l’Opéra, pour ne rien dire des “petits rats”. Aujourd’hui ? Quelle époque !…”
Peut-on douter que ce malheureux était impuissant à vouloir et même à tolérer que la machine fût mise au service des hommes du peuple ? De ce peuple dont le rôle, à ses yeux, était de le pourvoir en serviteurs et en femmes? Comment cet homme aurait-il était capable d’une renonciation au droit de cuissage que l’argent assurait si facilement hier encore aux puissants? Peut-on douter qu’il défendrait ses privilèges de babouin avec toutes les ruses, toutes les férocités et toutes les cécités naturelles à ceux qui défendent leurs privilèges ? Cet homme-là voulait (sans le savoir, bien sûr : il ne se serait pas supporté lui-même s’il l’avait su, car il se croyait bon et n’était pas méchant), cet homme-là, dis-je, voulait -comme tous ses pairs- que la Machine broie le peuple, ET VOILA POURQUOI ELLE LE FAIT.
Tous, tant que nous sommes, avons en nous “quelque chose” qui veut toutes les femmes et tous les biens de ce monde : c’est la règle chez les primates, et elle repose sur des instincts qui s’éternisent chez les humains. Mais ce n’est grave et dangereux qu’autant que nous en sommes inconscients. C’est alors seulement que nous agissons en gorilles. C’est alors seulement qu’avec l’habileté infaillible qui marque du sceau de l’inconscient nos comportements ataviques, nous découvrons les moyens de parvenir à nos fins souterraines. Nous trouvons les astuces qui nous permettent de conserver et même d’appesantir notre autorité de singes sur ceux qui, en raison de notre mortelle ignorance des rudiments d’une biosociologie à peu près scientifique, sont restés sans défense contre des classes dirigeantes restées elles-mêmes à la merci de leurs instincts de primates.
Est-ce que ça éclaire ta lanterne ?
Rédigé par: john | le 30 juin 2006 à 21:52|La machine mise au service des hommes du peuple ? Qu’est-ce que tu veux mettre au service de mecs qui hurlent dans les rues comme des putois à cause d’un match de foot ? Quand on songe que ces gens-là ont le droit de vote, ça fait froid dans le dos.
Rédigé par: flopinette | le 02 juillet 2006 à 07:38|les malheureux qui se déshumanisent sous tes fenètres au lieu d’étudier le dharma obtiendront les fruits de leurs pratiques, non ? ayons une pensée de reconnaissance pour l’inventeur des boules quiès.
Rédigé par: john | le 04 juillet 2006 à 22:24|ca explique pas mal de chose ton texte… (pour moi).
ce que j’explique pas c’est
à l’état naturel un chien (hors “selection humaine”, genre pitbull) tue un animal et le mange, grace à la main de l’homme ce même chien en tuerais 50 en mangerais la moitié d’un et serais encors affamé…
ca dois etre cette mysterieuse “satisfaction” dont parle les livres…
pour les mecs hurleur faut attendre le degrisement du matin pour qu’ils arrettent de hurler..
Rédigé par: roul | le 06 juillet 2006 à 14:13|