mercredi 26 octobre 2005

flashback : 2003 et des poussières

J’ai cessé de fumer, passant d’un paquet et demi de blondes fortes à rien du tout à la suite d’une prise de conscience de mon impuissance devant le tabac ; en ce moment c’est particulièrement dur, je ressens le gout d’une cigarette dans la bouche en permanence alors que je suis physiologiquement délivré.
Pas de doute, mon cerveau simule le manque pour préconiser la rechute, et mon cerveau refuse de se marier avec ma pensée que l’arrêt du tabac est bon pour moi, ce qui m’empêche de "faire l’amour avec elle" (en référence avec F** qui prétend que ce que nous désirons, c’est uniquement cela : faire l’union avec chacune de nos pensées, et non avec l’objet que celles-ci prétendent désigner comme sources du désir.)
Pourtant je ne tiens pas à remettre le nez dedans : Etre, ça a toujours été pour moi être en manque, j’ai une longue histoire d’amour avec l’addiction et j’aimerais conclure le chapitre tabac car j’apprécie cette liberté nouvelle, provisoire et conditionnelle.
A ce stade, "l’union avec chacune de mes pensées" n’est pas souhaitable : la moitié de mes pensées passe son temps à regretter les choix effectués par l’autre moitié !

ce à quoi F** m’a répondu :
Mais si justement. Je me demande bien ce que tu as lu à la place de ce que j’ai écrit. T’unir à la pensée "j’ai envie d’une cigarette" ne signifie pas t’unir à la cigarette. Tout l’argument reposait sur le fait que la pensée de la chose n’est pas la chose.
Donc maintenant, ressens la pensée "je n’aurais pas dû arrêter de fumer" ou "j’ai envie d’une cigarette". Quelle sensation produit cette pensée ? Est-elle dans le ventre, la poitrine, la gorge ? Comment te sens-tu avec ? A mon avis c’est une pensée plutôt agréable, si on la prend pour ce qu’elle est : de l’énergie.
Chaque pensée est de l’énergie.

Je voyais pas trop comment incarner ce truc même si je pressentais que c’était vraiment la rock’n'roll attitude à adopter. (Y compris en remplaçant le mot cigarette par branlette, reniflette, pépette sur Internet, etc…ça marche à tous les coups)

… je me rends compte que pour moi la pensée de la chose EST absolument la chose, que la carte EST le territoire et que c’est de là que me vient mon attachement (au sens carcéral du terme) à la chose écrite au détriment de la recherche personnelle dans ma vie réelle, d’où le fait que je puisse avoir tous les bouquins de Krishnamurti. dans ma bibliothèque ET être un drogué des sites de cul sur Internet : de la même façon que regarder des westerns ne rend pas particulièrement apte à combattre les indiens dans le réel, m’éberluer des trésors d’extase simulées ou réelles vendues par les marchands de cul ne me rend pas plus amoureux, ni de ma femme ni de celle des autres…

….mais je peux effectivement m’unir à la pensée "j’ai envie d’une cigarette / branlette / cybersalope " sans pour autant me ruer au bureau de tabac/sur les sites les plus chauds/ après un petit effort d’attention à la réelle portée pratique de ta réponse :
la pensée de la chose n’est pas la chose.

l’art d’aimer

Dans le système actuel, ceux qui sont capables d’amour sont forcément des exceptions. Non tellement parce que des occupations nombreuses ne permettent pas une attitude aimante, mais parce que l’esprit d’une société centrée sur la production, avide de richesses, est tel que le non-conformiste est le seul à pouvoir se défendre contre lui avec succès (…) notre société est dirigée par une bureaucratie administrative, par des politiciens professionnels. Les individus sont mûs par la propagande, leur but est de produire et de consommer plus, comme fins en soi. Les moyens sont devenus des fins. L’homme est un automate, bien nourri, bien vêtu, mais sans préoccupation majeure pour sa qualité et sa fonction spécifiquement humaines. Pour que l’homme soit en mesure d’aimer, il faut qu’il réintègre la place suprème qui lui revient. Plutôt que de servir la machine, il doit être servi par elle. (…) S’il est vrai, comme j’ai tenté de le montrer, que l’amour est la seule réponse saine et satisfaisante au problème de l’existence humaine, alors toute société qui contrecarre le développement de l’amour doit à la longue périr de sa propre contradiction avec les exigences fondamentales de la nature humaine.
Parler de l’amour, ce n’est pas prêcher, car c’et parler d’un besoin ultime et réel en chaque être humain. Que ce besoin ait été obscurci n’implique nullement qu’il n’existe pas. Analyser la nature de l’amour, c’est découvrir son absence générale aujourd’hui et critiquer les conditions sociales qui en sont responsables. La foi dans la possibilité de l’amouir comme phénomène social et non comme phénomène individuel d’exception, est une foi rationnelle qui se fonde sur l’intuition de la véritable nature de l’homme.

Erich Fromm, "l’art d’aimer", dans les années 70



encore des citations




Quelle n’est pas notre déception lorsque nous croyons avoir capturé un spécimen unique de l’espèce et qu’ensuite, avec la connaissance approfondie que nous avons de lui, nous nous apercevons qu’en réalité nous avons bel et bien affaire à ce qu’il y a de plus commun dans le genre.Pouvons-nous nous expliquer ce qui a provoqué pareille erreur ? Serait-ce par exemple, le charme envoûtant d’un sourire, des lèvres doucement sensuelles écartées sur deux belles rangées de dents joliment plantées, ou l’innocence du regard, sa transparence liquide qui nous portait sans autre question au ravissement chaque fois qu’il se posait sur nous ou, peut-être, l’expression enfantine émanant de cette présence désirable que depuis nombre d’années on se languissait de s’approprier, promesse d’une félicité dont nous espérions les plus délicats émois, les épanchements les plus raffinés, quelque chose d’une indéfinissable séduction qui eût avec bonheur agrémenté nos derniers jours.Enfin, la pièce a pris place dans nos boites de collectionneur, celles réservées aux trouvailles secondaires, de la catégorie vulgaire dans l’ordre qui est le sien. Pour mille raisons, nous préférons bien souvent même n’en pas faire état auprès des amis que nous avions naguère entretenus de nos recherches ou auxquels, dans notre enthousiasme passionné, nous avions eu la légèreté d’annoncer que nous avions réussi à mettre la main sur un exemplaire de choix.Sans doute notre aspiration à un ultime bouleversement que nous eût causé une rencontre exceptionnelle est-elle à incriminer ; nous avons cru de bonne foi que l’émotion qu’il nous a été donné d’éprouver à une ou deux occasions dans le passé pouvait miraculeusement se reproduire au terme d’une existence d’une certaine manière vouée aux éblouissements de la rareté.Contentons-nous des richesses que le hasard nous a allouées et, pour le reste, faisons en sorte d’oublier.

Je les écoute m’expliquer avec une abondance de détails et de précisions de quelle façon je devrais m’y prendre s’il advenait qu’un jour je fusse enfermé dans le labyrinthe.Je les écoute sans les interrompre, car, au vrai, que pourrais-je leur dire, sinon que ce labyrinthe est mon oeuvre et que, depuis trente ans bientôt, je ne cesse d’en perfectionner les dédales.

Louis Calaferte, Memento Mori.



tout a déjà été dit il y a bien longtemps







L’un des plus misérables travers et des plus indignes manèges de l’amour-propre, c’est d’affecter, en parlant de soi, une sincérité cynique et de mettre une sorte d’ostentation et d’honneur à révéler sa propre honte, soit pour faire dire qu’on a osé ce que nul autre n’avait osé encore, soit pour accréditer, par quelques aveux humiliants, les éloges qu’on se réserve, et par lesquels on se dédommage ; soit pour s’autoriser à dire impudemment d’autrui encore plus de mal que de soi-même. Observez attentivement celui qui emploie cet artifice ; vous verrez que dans ses principes il attache peu d’importance à ces fautes dont il s’accuse ; qu’il les fait dériver d’un fonds de caractère dont il se glorifie ; qu’il les attribue à des qualités dont il se pique et dont il s’applaudit ; qu’en les avouant, il les environne de circonstances qui les colorent ; qu’il les rejette sur un âge ou sur quelque situation qui sollicité l’indulgence ; qu’il se garde bien de confesser de même des torts plus graves, ou des vices plus odieux ; qu’en feignant de s’arracher le voile, il ne fait que le soulever adroitement et par un coin ; qu’après avoir exercé sur lui-même une vérité hypocrite, il en prend le droit de ne rien ménager, de révéler, de publier les confidences les plus intimes, de trahir les secrets les plus inviolables de l’amour et de l’amitié, de percer même ses bienfaiteurs des traits de la satire et de la calomnie ; et que le résultat de ses aveux sera qu’il est encore ce qu’il y a de meilleur au monde. Il n’y a point de succès plus assuré que celui d’un pareil ouvrager ; mais il ne laissera pas d’être une tache ineffaçable pour son auteur et il faut espérer que ce moyen d’amuser la malice humaine ne sera jamais employé deux fois.

Marmontel, décédé le 31 décembre 1799.



deux préambules

1/ On ne peut pas dire "je suis quelqu’un de bien" puisque ce serait s’affirmer contre le mal, ni "je suis quelqu’un de mal" puisque ce serait s’affirmer contre le bien. Si on affirme une valeur, on donne à la valeur opposée une valeur finalement supérieure à celle qu’on affirme. Par exemple, la vraie valeur de Sade, c’est le bien. Il n’existe que par l’opposition au bien, le bien est la condition sine qua non de son existence. De même, celui qui a besoin de chasser les démons se définit par rapport au mal et reconnaît implicitement que le mal lui est supérieur."
(une copine qui réfléchit beaucoup)

2/ Lorsqu’on veut renoncer à quelque chose, on lui reste attaché pour toujours. Tant que nous luttons contre une chose, nous lui donnons plein pouvoir sur nous-mêmes, autant de pouvoir que celui qu’on utilise pour lutter contre elle. Le seul moyen de s’en défaire n’est pas d’y renoncer mais de voir clairement cette chose. Si vous arrivez à connaitr sa valeur réelle, elle se détachera tout simplement d’elle-même. Mais si vous ne comprenez pas cela, si vous restez hypnotisé par cette chose au point de croire qu’il n’y a pas de bonheur sans elle, vous resterez son prisonnier (…) Ce que je veux dire c’est que vous devez "accueillir" vos démons car lorsque vous luttez contre eux vous leur donnez plein pouvoir sur vous-même. Si vous comprenez, autrement dit si vous vous réveillez, vous perdrez tout simplement le désir de ces choses"…
(Anthony de Mello, mort d’autre chose)

un début : nouveau blog sur la dépendance sexuelle

Je vais essayer de pas trop me prendre la quiche ni perdre de temps sur ce nouveau blog qui autorise enfin les commentaires pour complaire à Flo, de façon à pouvoir créer des liens entre nous. Car l’homme vit de liens avec ses semblables; on a dit des liens, pas des câbles !
Coucou ! vous me reconnaissez ? hé oui, je suis un "ancien" du forum d’Orroz, consacré à la dépendance au sexe virtuel.
Celui qui est/va être/fut "gelé", selon le moment où vous découvrirez ce lien. J’avais un blog, qui me satisfaisait très bien, et qui répondait à mes "petits" besoins : prendre des repères au jour le jour sur mon addiction cyber-sexuelle. Et puis un jour il a fallu pousser les meubles : Orroz a plié les gaules, trop crevant d’entretenir le mur des lamentations/de la honte/de l’espoir et de la renaissance.
Alors nous, ses enfants perdus, on a essayé de faire ce qu’on pouvait pour accueillir les nouveaux arrivants, dépités de trouver la porte close au début de leur aventure qui n’est que la continuation de la notre. Ce n’est pas une course de vitesse ! Au contraire, l’endurance et la patience sont des facteurs-clés dans le rétablissement.
D’abord il faut que j’vous dise que j’ai perdu la liberté de surfer sur les sites de cul.
Ca c’est clair.
Me voilà sympathisant non pratiquant - pornographe abstinent, quoi ! putain je cherche une dénomination plus reluisante - bien que loin de moi l’idée de me faire reluire, Dieu me tripote ! et n’en trouve point pour l’instant…
C’est pas censé me rendre triste, mais ça ne fait que 5 semaines et demie que je m’y tiens, et mon équilibre est branlant :
"ça peut pas me tuer d’arrêter le porno, alors que si je continue, rien n’est moins sûr."
Bon. Il y a sans doute des gens à qui les "sites de charme" permettent de passer un bon moment
entre deux activités de leur journée bien remplie. Ca les détend de se rincer l’oeil, et puis ils passent à autre chose. Il y aurait beaucoup à dire sur cet usage kleenex de la foire au corps, mais ce n’est pas mon propos : manifestement, je ne suis pas de ceux-là.
Le drame du tox de cul, c’est qu’il prend l’image pour la chose…Par contre, j’ai gagné la liberté de ne pas perdre mes journées à fantasmer sur des corps virtuels, à pleurer de ne pouvoir les atteindre, de ne pas subir ma colère et mon apitoiement subséquents à cette activité peu féconde, de ne pas avoir envie de mourir pour en finir et échapper à la souffrance et à la honte, de pouvoir me regarder dans la glace sans vomir ou faire la gueule, de modifier mes comportements un jour à la fois….
Lorsque quelqu’un cède à une tentation c’est toujours le même mécanisme quel qu’il soit : la jouissance immédiate qui en est retirée est supérieur à tous les autres impératifs. C’est mécanique. Si les autres impératifs deviennent supérieurs, alors la complaisance cesse.
La question utile à me poser chaque jour, c’est donc “suis-je honnête dans ma démarche ?”
Quand je fais le constat que mon intellect m’arnaque, c’est pas en me foutant une baffe d’un bras vengeur que je vais y changer quelque chose.
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