mardi 26 juillet 2016

L’orientation sexuelle à l’épreuve du djihad


Sur le territoire qu’elle contrôle entre la Syrie et l’Irak, l’organisation Etat islamique (EI) a pour coutume de précipiter les homosexuels du haut des immeubles. Si le Coran ne condamne pas explicitement l’homosexualité, la mouvance djihadiste, se fondant sur certains hadiths (des paroles rapportées du Prophète), tient la sodomie pour une « abomination » et accuse les démocraties occidentales, entre mille maux, d’avoir « légalisé » l’homosexualité.
L’EI vient pourtant coup sur coup de revendiquer deux attaques perpétrées par des « soldats » du « califat », qui se sont avérés avoir une sexualité peu en phase avec le rigorisme en vigueur à Rakka. Dans la nuit du 11 au 12 juin, Omar Mateen tue 49 personnes dans une boîte de nuit gay d’Orlando, en Floride, et prête allégeance à l’Etat islamique.
Dès le lendemain, l’organisation s’empresse de revendiquer cet attentat contre les « sodomites ». Peut-être un peu vite. Quelques jours plus tard, le témoignage d’un amant laisse entendre que le tueur était « 100 % gay ». Son homosexualité, « honteuse » au sens psychanalytique – c’est-à-dire vécue mais non assumée – semble l’avoir conduit à développer une haine contre ses propres penchants : « Il y avait définitivement des moments où il exprimait son intolérance envers les homosexuels », a témoigné son ex-femme dans les médias américains.

Un mois plus tard, le 16 juillet, l’EI revendique de nouveau une attaque perpétrée par un époux décrit comme « violent » qui fréquentait, lui aussi, des hommes : le soir du 14 juillet, Mohamed Lahouaiej Bouhlel a tué 84 personnes au volant d’un camion, à Nice. Si aucune trace d’allégeance n’a été retrouvée, le jeune homme s’intéressait de longue date à la propagande de l’Etat islamique. Là encore, les révélations sur sa vie sexuelle « dissolue », selon les termes du procureur de Paris, ne seront relayées par la presse qu’après le communiqué de revendication de l’organisation terroriste.

« Haine de soi »

Le profil de ces deux tueurs a jeté un doute sur la dimension djihadiste de leur acte. Ils constituent sans doute, chacun à sa façon, des cas limites, aux confins de la psychiatrie et de l’idéologie. « Les cas extrêmes peuvent paraître caricaturaux, mais ils permettent de penser les autres cas : ils opèrent un grossissement, comme au microscope, de ce qui n’apparaît pas à première vue chez d’autres », souligne Fethi Benslama, professeur de psychopathologie et auteur d’Un furieux désir de sacrifice. Le surmusulman (Seuil, 160 p., 15 euros).

« Dans le cas d’Orlando, ce n’est évidemment pas l’homosexualité qui est à l’origine du passage à l’acte, mais une haine de soi prise dans l’homosexualité. Il faut toujours inscrire la sexualité dans un cadre personnel, et sans doute ici pathologique. L’homosexualité d’Omar Mateen a pu lui apparaître comme une abomination qu’il a fallu traiter, par l’effacement de soi-même et de ceux qui l’incarnent. »
Au-delà des cas particuliers des tueurs de Nice et d’Orlando, la question de l’identité sexuelle est loin d’être marginale dans la sphère djihadiste. Selon les informations du Monde, plusieurs islamistes, dont l’adhésion à la doctrine est établie, ont eu des penchants homosexuels plus ou moins assumés.
L’exposition de leur cas n’a pas pour but de minorer la dimension politique du terrorisme, pas plus que le désir de transcendance d’une jeunesse engluée dans le matérialisme. Il ne s’agit pas davantage de proposer une lecture simpliste des ressorts psychologiques de l’embrigadement, qui sont aussi divers que les parcours.
La récurrence de ces profils particuliers tend néanmoins à révéler ce que la « grande cause » idéologique peut cacher de « petites causes » intimes. Les acteurs amenés à travailler sur les ressorts de l’embrigadement le constatent : ce qui demande réparation dans la radicalité relève souvent d’une construction défaillante de l’identité. Une identité bancale qui peut être culturelle, sociale mais aussi sexuelle.

Les « penchants homosexuels » de Chérif Kouachi

Le terroriste le plus célèbre à avoir eu une sexualité en contradiction avec la cause qu’il servait est Chérif Kouachi, un des tueurs de Charlie Hebdo. Alors qu’il est sur écoute et fait l’objet d’une surveillance physique, une note déclassifiée de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) relate sobrement : « Ses penchants homosexuels étaient également découverts à ce moment. » Les enquêteurs ont constaté qu’il avait un amant.
Chérif Kouachi commettra quelques années plus tard un massacre dans les locaux de Charlie Hebdo. Confronté à deux interdits – la sodomie et la représentation du Prophète –, le tueur semble avoir choisi de condamner à mort les transgresseurs du deuxième tabou, purifiant ses propres « fautes » par la grâce du martyr. « Les djihadistes sont souvent des transgresseurs qui cherchent à effacer leurs péchés », souligne M. Benslama.
« Les personnalités astructurées ont deux mécanismes de défense : le clivage – comme les djihadistes, ils sont binaires et départagent le pur de l’impur – et la projection, qui consiste à rejeter sur l’autre ce qu’on ne peut héberger en soi », explique la psychothérapeute de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) chargée de poser un diagnostic sur les signalements de radicalisation, qui a souhaité rester anonyme. « Ce mécanisme projectif, qui est au cœur de la paranoïa, revient à désigner des ennemis, abonde le psychiatre Serge Hefez. Pour Daech, ce sont les homosexuels, les juifs, les apostats, etc. »

« Je souhaitais me racheter »

Le parcours d’un jeune djihadiste converti, dont nous avons choisi de taire l’identité, illustre à quel point le puritanisme salafiste peut être une façon de gérer ses conflits intérieurs. A son retour de Syrie, M. est débriefé par les services de renseignement. Le policier lui demande pourquoi il s’est converti à l’islam. « A cette époque je n’étais pas croyant, je me sentais homosexuel (…) L’islam m’a paru vrai, j’ai compris que l’islam était fait pour moi, et depuis plus d’une année je ne me sens plus homosexuel. Je n’ai plus eu de rapport sexuel depuis. Par contre, je continue à chatter avec des homosexuels, notamment sur Facebook. »
Sa conversion semble avoir eu pour objectif de circonscrire des désirs vécus comme honteux. Mais le subterfuge n’opère pas. Peu après sa conversion, M. projette de rejoindre Gaza. L’enquêteur : « Vos projets à Gaza sont parfois présentés sous l’angle de fantasmes sexuels. Le 4 décembre 2012, vous déclarez à X que vous seriez heureux de vous faire violer dans les tunnels reliant Rafah à Gaza. Qu’avez-vous à dire à ce propos ? » Le converti : « Vous me lisez un extrait de ma conversation et il est vrai qu’avoir des rapports hard là-bas m’aurait intéressé. »
M. décide finalement de partir pour Rakka. Avant son départ, il discute sur Facebook avec un combattant sur place et tente de convaincre deux jeunes hommes de 17 ans de le suivre. « Peut-être que le djihad servait de prétexte pour entrer en contact avec ces gens, admet-il. Avec du recul, je me rends compte qu’il pouvait s’agir d’une forme de drague. » Il affirme que ses trois « compagnons de voyage (…) étaient au courant de [s] on passé homosexuel, déjà avant [leur] arrivée en Syrie ».
A peine arrivé à Rakka, le jeune homme est envoyé au cachot durant une cinquantaine de jours. La police islamique a découvert des photos compromettantes dans son appareil photo. Il échappera miraculeusement à la mort, et sera finalement autorisé à rentrer chez lui. L’enquêteur qui l’auditionne à son retour est interloqué par ce manque de prudence : « Je ne recherchais pas de danger, assure pourtant le jeune homme, je souhaitais plutôt me racheter pour ma conduite homosexuelle contraire à l’islam. »

« Etouffer » les pulsions

Si l’expérience de M. est sans aucun doute singulière, elle révèle des dynamiques à l’œuvre dans la radicalisation. « Des interdits aussi forts, aussi rigides, peuvent répondre à un besoin de structuration : ça contient, ça sécurise », explique la psychologue de l’Uclat. Sur la dizaine de signalements pertinents de personnes radicalisées qui remontent chaque jour via la plate-forme téléphonique mise en place en 2014, elle estime qu’environ un tiers des cas « présentent des difficultés à réaliser leur identité sexuelle, souvent en raison d’un traumatisme durant l’enfance ».
« L’engagement dans la religion permet de tenter de se débarrasser de ses pulsions homosexuelles, de les étouffer, complète Fethi Benslama. L’individu va être amené à exercer une forme de répression tout en éprouvant une plus grande culpabilité. Ce qu’il pense être un traitement devient un calvaire. Les grandes figures chrétiennes ont été confrontées à ce genre de processus. Cette idéologie ne fait qu’aggraver leur volonté de purification. Chez des personnalités perturbées, elle peut se lier à de l’agressivité, vis-à-vis de soi-même et des autres. »
Dans un dossier d’instruction de filière djihadiste, les enquêteurs ont mis la main sur le disque dur d’un candidat au départ qui illustre l’importance de ces pulsions contraires. Une quantité impressionnante de matériel pornographique a été saisie. « Constatons la présence de 33 641 fichiers photographiques. Il s’agit en grande majorité d’images copiées via Internet, photos de charme ou pornographiques hétérosexuelles, homosexuelles ou lesbiennes », relève le procès-verbal.
« Il y a mille façons de se radicaliser, mais j’en ai en effet vu un certain nombre pour qui cette question de l’homosexualité honteuse est très présente », confirme Serge Hefez, qui suit une quinzaine de jeunes radicalisés. L’un de ses patients particulièrement radicalisés alterne, à en croire ses données de connexion Internet, la consultation de sites djihadistes violents – notamment des vidéos de décapitations – avec des sites pornos gays
.
« Ta main sur ma poitrine »

D’autres djihadistes semblent vivre leur homosexualité de façon plus assumée. C’est le cas de ce recruteur, dont la conversation téléphonique avec une recrue a été interceptée par les enquêteurs. Les deux hommes reviennent sur leur dernière réunion préparatoire avant de partir en Syrie. Ils ont passé la nuit dans une maison. La recrue : « J’ai senti, tu m’as fait un bisou sur le front… Tu as passé ta main sous mon tee-shirt, tu t’es retrouvé avec ta main sur ma poitrine… » Le recruteur : « Je fais de l’apnée du sommeil et du somnambulisme (…). J’espère que tu ne te fais pas des films et a une mauvaise image de moi. »


Après un an passé en Syrie, ce recruteur repasse la frontière turque et décide de se rendre. Il contacte les autorités françaises, qui demandent aussitôt à leurs homologues turques de l’intercepter. Son interpellation rocambolesque est relatée par un membre des services de renseignement français : « Après l’avoir filoché en train de faire la tournée des bars gays d’Istanbul, les Turcs ont fini par nous rappeler : Vous avez dû vous tromper. On a dû les convaincre que c’était bien lui. »
Ce djihadiste n’avait pas l’intention de se faire exploser à son retour en France. Mais comment expliquer qu’il ait décidé de passer un an en Syrie sous la férule d’une idéologie qui le condamnait théoriquement à mort ? « Certains homosexuels honteux peuvent rechercher le contact d’autres hommes dans le cadre d’une camaraderie virile afin de sublimer des désirs dissimulés », explique la psychologue de l’Uclat. « Il y a une fascination par rapport à la figure du soldat viril, avec la création d’un entre-soi masculin, un univers étanche à la femme », interprète Serge Hefez.

« Les crises d’identité menant à la radicalité peuvent être multiples, résume un responsable de la lutte contre la radicalisation. La religion est une sublimation. La verticalité permet de gérer ses frustrations : on se marie avec Dieu. » Ce qui ne manque pas d’induire des contradictions fortes chez certains candidats au djihad.

Soren Seelow
Journaliste
LE MONDE | 26.07.2016 à 06h42 • Mis à jour le 26.07.2016 à 10h03 |

samedi 23 juillet 2016

Comprendre le Proche-Orient


Le traitement au lithium que je suis depuis 3 mois pour troubles de l’humeur est une vraie réussite. J’ai à nouveau la liberté de choisir mes pensées, en tout cas je m’en suis vanté auprès de mon psy et il m’a cru, à tel point qu’il m'a mis dans la confidence qu’il n’y avait aucune prédictabilité du succès d’un tel traitement; je l’ai alors félicité de ne pas me l’avoir dit avant.
Choisir mes pensées, lesquelles suivre et lesquelles laisser passer sans monter dedans, c’est pas du luxe, mais je n’en étais plus capable depuis plus d’un an, suite à des dépressions à répétitions que j’attribuais un peu masochistiquement à la transgression de règles que je m’étais fixées.
Quel soulagement, et quelle détente soudaine dans les rapports Nord-Sud : il y a quelques semaines encore, un évènement récent comme la Journée de la Malveillance Automobile (sous le patronage du Ministère de la Peur et de la Terreur) par un Arabe à Nice aurait fait sortir Blasphémator® du bois, et on en aurait eu pour des mois.
Ah là là. 
Alors que là, je me dis simplement que s'ils allaient passer leurs vacances dans un camping naturiste musulman, les Arabes ils seraient moins coincés du Q et pêteraient moins les plombs.
Alors évidemment, ça va pas mettre du lithium dans mon sexe a piles, mais je me sens assez ragaillardi pour espérer comprendre un jour le Proche-Orient, avec mon nouvel ami Jean-Pierre Filiu.

mardi 19 juillet 2016

Le mot du jour

Un mot dont j'ignorais l'existence, décrivant un phénomène non inconnu de nos services : "résipiscence". (Reconnaissance de la faute avec retour au bien)

Lu dans un article du Monde ce matin :

C’est un nouveau coup, violent et sournois, porté aux droits des femmes au Pakistan. Vedette des réseaux sociaux, sur lesquels elle était suivie par des dizaines de milliers de personnes, Qandeel Baloch – Fauzia Azeem, de son vrai nom – a été tuée en fin de semaine dernière par son propre frère au Pendjab (Nord-Est) dans ce qui s’apparente à un nouveau « crime d’honneur ». Quartz

Arrêté par la police, son frère a reconnu les faits, affirmant qu’il avait drogué puis étranglé sa sœur de 26 ans pendant son sommeil, au domicile de leurs parents, au motif que celle-ci aurait souillé le patronyme familial en postant des photos « osées » d’elle, notamment sur Facebook. USA Today

Loin de venir à résipiscence, Muhammad Wasim a admis qu’il lui avait donné un comprimé avant de commettre son macabre forfait. Dimanche, il a assuré qu’il n’éprouvait aucun remords, allant même jusqu’à ajouter que le comportement de sa défunte sœur, connue pour son aplomb et sa liberté de ton, était « complètement intolérable ». The Wall Street Journal, Al-Jazira

D’après la commission des droits de l’homme au Pakistan, un organe indépendant, plus de 1 000 femmes ont perdu la vie l’an dernier au Pakistan en raison de prétendus « crimes d’honneur », reflets de la tradition patriarcale et phallocrate qui prévaut dans le pays.
La mort de Qandeel Baloch a suscité des réactions très contrastées, certains dénonçant un meurtre sauvage, d’autres se réjouissant de cette « bonne nouvelle ». Une césure qui montre combien la question des femmes, surtout celles qui assument leur indépendance et leur sexualité, pose problème à la frange la plus conservatrice de la société (laquelle les qualifie d’ailleurs de « femmes immodestes »). BBC

Indigné par cet assassinat, qu’il condamne en des termes sans équivoque, le quotidien pakistanais Dawn exhorte les législateurs à réagir avec la plus grande fermeté. « Quand le Parlement sortira-t-il de sa léthargie pour adopter la loi sanctionnant les crimes d’honneur ? », s’interroge-t-il, enjoignant aux autorités de mieux protéger les femmes qui cherchent à « briser le plafond de verre ».

Elle était « drôle, intrépide et libre », rappelle un autre quotidien, The Nation, en forme d’hommage à une (forte) personnalité aussi adulée que haïe. Des mots qui n’effacent pas la colère. Et le journal de lancer, en conclusion : « Sommes-nous à ce point mesquins et amers que l’on préfère tuer quelqu’un que nous n’apprécions pas ou avec qui nous sommes en désaccord plutôt que de le tolérer ? »


J'ai d'abord cru que la photo de la pauvrette était celle d'une femme à moitié brûlée vive dans un bus suite à une agression sexuelle avortée un soir de crue de la pulsion sexuelle, un 14 juillet où tu peux même pas te défouler en organisant un remake de Death Race 2000 sur les boulevards de Lahore, comme le font parfois les gens de ces contrées lointaines, et contrainte de masquer ses stigmates par des foulards, des cheveux longs et des raybans. Apparemment non, elle avait sciemment choisi de ressembler à Michael Jackson dans sa période "Enfin blanc, mais mon opération a eu une petite complication"(en référence au film Brazil, revu ce week-end, de moins en moins dystopique et de plus en plus réaliste au fur et à mesure que le temps lui passe dessus comme un camion sur les salades niçoises).
Ca n'excuse pas son frère, mais c'est une circonstance atténuante.

mercredi 13 juillet 2016

haïku trop long de l'escabeau trop court

14 douillet, 
14 où t’es ?
danny verseur de la vérolution
j’espère qu’elle est prise ta bastille
au soir du 13  
pétards mouillés
divas rouillées
pas de feu d’artifesse
entre mes cuisses
juste le manche
de mon couteau de peintre du dimanche


juste un reste de papier peint
celui qu’tu voulais que j’t’arrache
il pleut comme vache qui pisse 
dans les toilettes je détapisse
80 joints dans le cornet
avec mon shilum en laiton


mais où c'est qu'elle se planque-t-on
cette maudite vanne de purge de la chaudière ?

que je puisse démonter mes radiateurs 
pour enlever le papier peint qu’est derrière ?

mon chat n'en revient pas 
que je sois si poète
dans les gravats du salon
pendant qu'les filles
s'dorent la pilule en Italie


ah elles sont loin mes vacances en thaïlande
avec des filles et des garçons
tontaine tonton






lundi 20 juin 2016

Horreur vieillotte, horreur moderne

Au départ, je voulais juste relire les Hellblazer #180 - 193 au soleil dans ma chaise longue, fascicules qui manquent à ma collection des 150 dernièrs épisodes des aventures de John Constantine en v.o.


P'tain, y'a un trou dans ma collèque.

John Constantine est un ancien musicien punk reconverti dans la magie noire. Il croit toujours qu’il peut blouser le diable. Il y a un prix à payer, évidemment, et ce sont ses proches qui trinquent, et trépassent à tour de bras. Il culpabilise un peu, puis repart comme si de rien n'était.
C’est un personnage antipathique et désagréable, tantôt irascible, voire méprisant envers ses semblables. Sa consommation abusive de tabac le destine à une mort prochaine et probablement à un séjour éternel en enfer, où Satan l’attend de pied ferme.
Son attitude de cogestion de sa propre agonie me rappelle la théorie du masochisme de Theodor Reik :
"Le masochisme est plus répandu que nous ne l’imaginons car il prend une forme atténuée. La dynamique de base est la suivante: le sujet perçoit quelque chose de mauvais dont la venue est inévitable. Il ne peut rien faire afin d’interrompre le processus; il est réduit à l’impuissance. Le sentiment de son impuissance engendre chez lui le besoin d’exercer quelque contrôle sur cette souffrance imminente - n’importe quelle forme de contrôle fera l’affaire. C’est logique: le sentiment subjectif de sa propre impuissance est plus douloureux que la souffrance à venir. Aussi le sujet a-t-il recours, pour se rendre maître de la situation, à la seule voie qui lui reste ouverte: il concourt à hâter la venue de ce malheur prochain."

Quand je vais bien, un peu d'épouvante littéraire est un luxe de l'esprit un peu douteux, mais un luxe voluptueux.
C'est ma petite-bourgeoisie à moi.






Léti pas mignon, le faux Sting à sa mémère ?


Les épisodes #180 - 193 s'insèrent dans son interminable saga de Super-Loser entre Le Sépulcre rouge (#175-180, 2007) et Chemin de croix (#194-199, 2009), et sont regroupés dans les recueils aussi gros que des Picsou Magazine Les Fleurs noires (#181-186, 2008) et Droit dans le mur (#187-193, 2008).
Sur Amazon.fr on ne les trouve qu'à des prix prohibitifs, alors je vais voir sur Amazon USA, woualou ils sont à $6 chacun !!! mais quand j'ajoute les frais de porc, c'est encore pus cher qu'en France. Bande de voyous capitalistes.
Ma vie est passionnante, hein ?
Alors je me résouds, la morue dans l'âme, à les télécharger, pour comprendre comment Constantine déboule dans le #194 en ayant totalement perdu la mémoire.
Comme si je n'avais pas eu mon content de passions humaines engendrant des monstruosités, rien qu'en rappelant l'an dernier une gonzesse que je m'étais interdit de recontacter pendant 25 ans.
Bref.
A force de relire ces vieux Hellblazer, l'autre soir j'ai rêvé d'un succube femelle avec une bite.
Moi ça me branchait moyen, mais mon inconscient avait l'air de trouver ça chouette.

Alors, j'ai relu un peu de Lovecraft, mais le coeur n'y était plus : horreur vieillotte.
Finalement, sa vie fut le plus épouvantable des cauchemars.
J'ai rematé sa bio pour m'en convaincre, et comme elle n'était plus en ligne je l'ai remise.


Le Cas Howard Phillips Lovecraft partie 1 from john warsen on Vimeo.

Le Cas Howard Phillips Lovecraft partie 2 from john warsen on Vimeo.

Le Cas Howard Phillips Lovecraft partie 3 from john warsen on Vimeo.

"Mais vous n'aimiez pas ça, la vie, de toute façon"


Voulant m'encanailler avec des démons plus consistants, j'ai cherché dans l'horreur moderne.
Le Providence d'Alan Moore ?
Quel hommage compassé, et quel ennui (à part la séquence de transfert de conscience de l'épisode #6)


La bonne blague.


Survivor's Club ? Bon pour les ados, grandis à l'ombre des jeux vidéos en l'absence de leurs parents et éducateurs.
Clean Room ? bof. Y'a des idées sympas, mais beaucoup de poncifs poncés.
Unfollow ? c'est pas mal, mais ça tient plus du thriller et de la fable sociale.

Ah oui, quand même, le récit de NGC-2264 qui prétend s'être fait dépouiller par des entités, c'est du Lovecraft moderne.
Bien plus imaginatif que les couillons qui tagguent l'hôpital psychiatrique polonais en déréliction.
Et j'envisage de revoir Ne vous retournez pas, le film de Nicolas Roeg qui se passe dans une Venise glauquissime.

Après m'être gavé de ces mièvres sucreries, je me dis "non mais t'es con, ou bien ?"
L'horreur, la vraie, elle est dans le Réel :
c'est un samedi après midi en salle de montage à France 3 quand il n'y a aucun sujet à monter.
c'est ton premier concert au Bataclan, et c'est aussi le dernier jour de ta vie.
(variante : c'est ton premier jour au GIGN et tu vas entrer dans le Bataclan pour y découvrir un charnier.)
c'est les filles de J.G qui rentrent chez elles le plus tard possible après le collège, depuis bien avant la mort de leur père, parce que leur mère s'est remise à picoler de plus belle et que tu ne trouves rien à lui dire quand elle t'appelle en larmes, parce qu'elle se mure dans son désespoire Williams.
c'est les couvertures du Nouveau Détective.
c'est Dominique Strauss-Khan en peignoir.
c'est les films de chtrouille. (mais je refuse d'en voir, rien que les scénarios me suffisent largement)
c'est le cancer incurable qu'on te découvre et qui te laisse 8 jours d'espérance de vie alors que tu n'as pas mis ta maison en ordre.
c'est ta femme à qui tu ne sais plus dire je t'aime (et quand tu lui disais tu sentais combien c'était faux)
c'est l'agonie cogérée de Fukushima.
c'est le martyre des fous enchaînés du mausolée de Bouya Omar.
C'est le drone aveugle qui enregistre sans le voir ce qu'il reste de la ville de Homs.
C'est le calvaire des migrants noyés au large de l'Italie ou de la Lybie, et en plus je ne trouve même pas de vidéo correcte.
Franchement, je ne sais pas ce qu'il te faut.

Finalement, la meilleure histoire de Constantine, c'est peut-être le #27, dénuée de démons, juste l'histoire d'un pauvre clodo mort de froid qui revient en épouvantable fantôme puant et qui veut juste que quelqu'un le serre contre lui.


Allez, tu es parvenu à la fin de l'article, 
c'est bien, c'est courageux, 
et tu as gagné le droit de lire cet épisode.

dimanche 19 juin 2016

Penser autrement

Les perturbateurs endocriniens vont finir par nous rendre idiots
  • Weronika Zarachowicz - Illustrations Singeon pour “Télérama” Publié le 12/06/2016.

On savait que les perturbateurs endocriniens, ces polluants omniprésents dans notre environnement, affectaient la fécondité, augmentaient les risques de développer des maladies comme le cancer ou le diabète. Et s'ils avaient aussi des effets sur la formation de notre cerveau, et diminuaient notre intelligence ? Telle est la thèse du Cerveau endommagé, état des lieux aussi rigoureux qu'effarant sur les conséquences de la contamination chimique.
Son auteur ? Barbara Demeneix, spécialiste des hormones thyroïdiennes, directrice du département Régulations, développement et diversité moléculaire du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) de Paris. Alors qu'à Bruxelles la Commission européenne bloque les efforts de réglementation des perturbateurs endocriniens et qu'à Paris le Sénat s'acharne à reporter l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes, lire Barbara Demeneix est simplement indispensable.

Pourquoi vous être intéressée aux effets de la pollution sur nos cerveaux ?
En 2001, on m'a demandé de représenter la France à l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) pour évaluer le dépistage des substances chimiques pouvant perturber le fonctionnement du système endocrinien, et notamment des hormones thyroïdiennes. Je travaillais sur ces hormones depuis vingt-cinq ans et venais de développer, avec mon équipe du Muséum, une méthode pour pister l'activité thyroïdienne chez les têtards, par un procédé de « mouchards » fluorescents.
En effet, ce sont les hormones thyroïdiennes qui orchestrent la mue du têtard en grenouille, mais aussi elles qui permettent au cerveau humain de se développer et de fonctionner correctement. Elles régulent notre métabolisme énergétique, contrôlent notre poids, et les fonctions de nombreux organes, d'où leur importance cruciale.
J'ai découvert en 2001 que les tests pratiqués étaient obsolètes. Quel choc ! J'ai donc proposé au CNRS et au MNHN d'en élaborer de plus performants. Et, en 2005, nous avons breveté notre technologie permettant d'observer in vivo l'influence d'une substance dans l'organisme. J'ai découvert la complexité de la perturbation endocrinienne et l'ampleur de la pollution. Et je me suis dit que je devais alerter les pouvoirs publics et l'opinion. Aujourd'hui, j'y consacre 80 % de mon temps.

Quelle est cette pollution ?
Mon travail ne porte pas sur les particules fines mais sur les innombrables molécules de synthèse que nous respirons, ingérons ou appliquons sur notre peau, quotidiennement : crèmes, plastifiants, pesticides, dioxines, retardateurs de flammes (dans les voitures, les téléphones portables, les ordinateurs...), etc. Depuis le siècle dernier, des myriades de substances ont été mises en circulation. Aux Etats-Unis, le Toxic Substances Control Act en répertorie quatre-vingt-quatre mille. Et encore, cet inventaire ne comprend pas les pesticides, les additifs alimentaires et les cosmétiques !

Notre environnement est désormais envahi par des molécules dont la structure ressemble à celle des hormones thyroïdiennes, et qui interfèrent avec les processus de régulation que l'évolution a mis tant de temps à façonner. Certaines se mettent à remplacer les hormones, d'autres amplifient leur action. D'autres encore la bloquent, par exemple lorsqu'elles empêchent l'absorption d'iode par la thyroïde, alors que l'iode est indispensable au développement cérébral du fœtus et de l'enfant, comme au fonctionnement du cerveau adulte.
Ces polluants nous font « perdre la tête », pour reprendre le titre de votre ouvrage en anglais (Losing our minds) ?
Des scientifiques ont démontré que les perturbateurs endocriniens affectent la fécondité, altèrent le développement fœtal, augmentent les risques de cancer, de diabète ou d'obésité. Mais durant la dernière décennie, de nouveaux signaux sont apparus sur nos écrans radars : les augmentations de l'hypothyroïdie, du trouble du déficit de l'attention/hyperactivité, ainsi que des troubles du spectre autistique.
Aux Etats-Unis, le nombre d'enfants hyperactifs a crû de 22 % entre 2003 et 2007 (5,4 millions aujourd'hui), sans modi­fication des méthodes de diagnostic. Quant aux chiffres sur l'autisme des centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies, ils sont exponentiels : un enfant sur 5 000 en 1975, un sur 500 en 1995, et un sur 68 en 2014 (un garçon sur 42 !).

Cette augmentation de l'autisme ne s'explique-t-elle pas par des diagnostics plus efficaces ou le recul de l'âge des parents au moment de la conception ?
30 % de cet accroissement peut être attribué à ces facteurs. Mais le patrimoine génétique n'a pas changé ; l'environnement est certainement en cause. Selon l'hypothèse la plus probable, chaque catégorie de maladie a de multiples causes, à la fois génétiques et environnementales — accompagnées de facteurs combinatoires gènes-environnement aggravants. Ainsi, l'organisme a besoin des hormones thyroïdiennes pour réguler les gènes impliqués dans le développement cérébral.
Or, étude après étude, nous découvrons combien ces hormones réagissent à de nombreux contaminants. D'où le défi actuel : sachant qu'une partie des polluants traditionnellement associés à la déficience intellectuelle — plomb, mercure — disparaissent, quelles sont les substances récentes qui interagissent avec les régulations physiologiques et génétiques ? Des centaines de milliers de produits étant rejetés dans l'environnement (sans — ou avant — qu'on teste leurs effets), il est difficile de savoir par où commencer pour percer la complexité de leurs interactions.

Notre laboratoire travaille à partir des cinquante substances chimiques les plus souvent détectées dans le liquide amniotique. Nous avons plongé nos têtards dans les quinze produits présentant les taux les plus élevés chez les femmes américaines, suédoises ou chinoises. Les résultats démontrent des effets conséquents sur le développement neurologique, physiologique...
Un autre chiffre m'inquiète : la forte proportion d'enfants autistes diagnostiqués aux Etats-Unis ayant un QI inférieur à 85, limite de la déficience intel­lectuelle. Si cette tendance est aussi perceptible dans le reste de la population, nous faisons face à un problème plus global d'attaque des facultés intellectuelles, ce que de plus en plus de travaux commencent à indiquer.
L'augmentation de l'autisme ne serait qu'un symptôme parmi d'autres ?
Je suis de près des études sur l'érosion du quotient intellectuel, dont une sur la population finlandaise. La Finlande est intéressante à plusieurs titres. Son système éducatif est l'un des plus performants. Elle organise les mêmes tests de QI depuis des années auprès des appelés au service militaire. Or que voit-on ? Une baisse du QI de deux points en dix ans (entre 1997 et 2006).
Six pays occidentaux enregistrent la même chute, dont la France, avec une érosion du QI chez les adultes entre 1998 et 2006. Une étude de l'université de Columbia a aussi montré que des enfants exposés in utero à des niveaux élevés de phtalates (utilisés dans les textiles, les cosmétiques) présentent un QI inférieur de six points en moyenne à celui d'enfants moins exposés.
Voilà trente ans que les scientifiques nous alertent. Pourquoi avance-t-on si lentement dans la prise de conscience ?
On peut même remonter aux années 1960, avec Rachel Carson et son Printemps silencieux sur les ravages des pesticides sur la biodiversité ! Elle concluait sur cette interrogation : que seront leurs effets sur les humains ?
Aux Etats-Unis, on peut commercialiser une substance en trois mois, mais son retrait peut prendre des dizaines d'années ! Et puis, la recherche prend du temps. Prenez les molécules associées au diabète, au cancer, à l'obésité : il faut une cinquantaine d'années pour vérifier que ces maladies sont favorisées par une exposition maternelle à ces substances.
Aujourd'hui, nous savons. Une étude publiée l'été dernier démontre que les femmes dont les mères furent exposées lors de leur grossesse à du DDT (le fameux pesticide décrit par Rachel Carson) ont quatre fois plus de risques de développer un cancer du sein, cinquante ans plus tard.
Dans le cas du Distilbène (oestrogène de synthèse prescrit aux femmes enceintes jusqu'en 1977), on n'a attendu « que » vingt ans pour comprendre la forte incidence de cancers chez les enfants nés de ces grossesses... Chaque année, les pathologies dues aux perturbateurs endocriniens coûtent 157 milliards d'euros à l'Union européenne (selon une étude de 2015).
C'est sur les troubles du développement neuronal que les scientifiques détiennent les faits les plus solides. Ce sont aussi ceux qui coûtent le plus cher — 150 milliards. Et encore n'avons-nous tenu compte que de trois produits : un pesticide organophosphaté, un plastifiant et un retardateur de flammes...
Vous dites aussi que la recherche se focalise sur les causes génétiques au détriment de l'environnement...
Depuis dix ans, le financement des travaux consacrés aux origines génétiques des troubles autistiques a été deux cent cinquante fois supérieur à celui de la recherche sur leurs causes environnementales. Plusieurs raisons l'expliquent : la réduction des coûts du séquençage et de l'analyse du génome, la preuve de l'héritabilité de certains troubles, le déterminisme génétique en vigueur chez les scientifiques et les politiques...
Pour les décideurs, il est tellement plus facile de dire que l'autisme a une origine génétique. Car ce n'est plus un problème collectif... Pourtant, les avancées de l'épigénétique [qui montre que l'expression des gènes, c'est-à-dire la façon dont sont synthétisées les protéines, peut être durablement modifiée par des facteurs environnementaux — chimiques, physiques, microbiens, NDLR] devraient nous pousser à nous intéresser bien plus aux interactions gènes-environnement.
Que peut-on faire ?
Agir à plusieurs niveaux, de l'individuel au global. Modifier, même légèrement, nos comportements peut limiter notre exposition : s'assurer qu'aucune femme enceinte ne soit carencée en iode, éteindre les ordinateurs en veille, consommer du sel iodé et des aliments bio...
Comme le disait Lin Ostrom, première femme Nobel d'économie et militante du mouvement Penser global, agir local, l'utilisation abusive des ressources communes est à combattre collectivement ; les individus doivent agir au niveau de leurs communautés et pays pour changer et faire respecter les lois. Nous devons faire pression sur l'industrie et les régulateurs pour qu'ils agissent. Et il nous faut une sorte de Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) pour la pollution chimique !
L'intelligence et l'ingéniosité humaines ont produit ces substances potentiellement dangereuses. En toute logique, elles devraient nous permettre de les contrôler et d'éliminer leurs conséquences déplorables. Sinon, les générations à venir pourraient se trouver incapables de le faire : il leur manquera l'intelligence — à tout jamais.

BARBAR DEMENEIX
1949
Naît à Luton, Grande-Bretagne.
1970 à 1979
Travaille six ans en Afrique (deux ans en Afrique de l'Est, 1970-72, et quatre ans au Maroc, 1975-79).
1995
Intègre le Muséum national d'histoire naturelle, chaire de physiologie.
2005
Cofonde la start-up WatchFrog, qui crée des têtards fluorescents, sentinelles de la pollution environnementale.
2014
Obtient la médaille de l'innovation du CNRS.

À lire
Le Cerveau endommagé. Comment la pollution altère notre intelligence et notre santé mentale, de Barbara Demeneix, éd. Odile Jacob, 414 p., 39,90 €.