J'envoie à Papa des photos de notre week-end à Lille, très constructif sur tous les plans de nos existences à vitesse variable. Parfois, des mois entiers se passent sans changement notable, là c'est plutôt intense et rapide.
Et je ne peux pas tout mettre sur le dos du Seroplex®, qui ne fait qu'activer des ressources qui étaient sans doute présentes, mais j'avais perdu le mode d'emploi depuis un bon moment.
Je fais pas gaffe, sur une des photos prises par mon frère, descendu spécialement de Bruxelles pour l'occasion, y'a Hugo avec la clope au bec.
Papa n'est pas censé être au courant que son petit-fils fume, avec modération, d'ailleurs, depuis plusieurs années. Et il me fait suffisamment la guerre depuis que j'ai repris, après 4 ans d'abstinence heureuse, hormis les premiers mois toujours délicats pour s'arracher à la gravité de la planète Klopos.
l me fait la guerre, mais c'est la sienne : en gros il m'a fait comprendre qu'avec toutes les emmerdes qu'il avait, il n'avait pas besoin que son fils chope un cancer.
Vachement motivant.
Alors il me dit :
"c'est quoi ce truc dans la bouche d'Hugo, on dirait une cigarette... C'est quoi, en fait ?"
Et moi, lassé de ces omissions mensongères, j'y réponds, aussi surpris que lui :
"ben oui, c'est une cigarette." Après tou, le fiston a 19 ans révolus, et n'a plus besoin que je le surprotège. Il se démerdera avec son grand-père.
Mais comme c'est un truc que papa ne peut pas entendre, il embraye, comme s'il n'avait pas entendi ce que je viens de lui dure :
"...ça doit être une ficelle qui dépasse de son blouson ou de sa chapka, peut-être le fil de l'étiquette"
Incroyable.
Il a tordu sa vision objective et visuelle pour conforter Son Monde dans lequel Hugo ne fume pas, n'a jamais fumé et ne fumera pas.
Comme me l'a dit la veille Ursula Mulinu, la réalité n'est pas un truc là dehors, mais ce qu'on en pense, et comme on pense sans arrêt.....
Et tous les actes de provocation que j'ai pu balancer à la gueule de mes parents lors d'une adolescence épineuse me reviennent : quand je smokais du shit dans ma chambre, ma mère en me voyant me disait "hou, tu as des petits yeux" et c'était tout.
C'était un rituel verbal codifié, mais qui ne disait rien, une fausse complicité puisqu'elle reconnaissait ma stupeur haschichine sans la nommer, et sans provoquer le dialogue. De toutes façons, ils étaient très mal informés sur les drogues, et savaient que je n'en faisais qu'à ma tête, et que toute tentative de prévention ne ferait que renforcer mon comportement stupéfiant et pseudo-marginal, puisqu'au fond je restais un bourgeois qui s'encanaillait.
A mon tour de faire preuve de vigilance tardive et de balayer devant ma porte : de passage à Lille, j'en ai profité pour provoquer une rencontre physique avec un des dinosaures du premier forum de dépendants sexuels, nous nous côtoyons par mail depuis 5 ou 6 ans, mais on ne s'était jamais vus ailleurs que dans le corridor à fantômes du Net. Et dès que l'occasion se présente, je suggère la confrontation, histoire de savoir à qui j'ai affaire.
Je n'avais pas fait attention, en prenant dans ma poche en partant, à la carte de visite du restaurant où on a très bien mangé le samedi soir par hasard et où l'on est retournés enthousiasmés par la gastronomie flamande le dimanche midi, je n'avais pas fait gaffe, donc, ni au nom du restaurant, ni à l'illustration de la carte, qui n'a attiré mon attention que tout à l'heure :
Le mauvais esprit m'inonde dans la bonne humeur :
ce qui est rassurant dans l'image, c'est que les moules une fois consommées, on les jette, on appelle le camion poubelle et on passe à autre chose, bref je prends ça comme un message d'espoir.
D'ailleurs si on en mange trop souvent, on commence à faire des selles molles, et on s'en détourne, sauf si on est moulo-dépendant, celui qui jouit et pâtit d'une absence de tempérance, tel le diabétique et le chocolat.
Bref.
La meilleure, c'est qu'ils ont un site internet :
Au Royaume des aveugles, ma mère était une Reine.