lundi 1 mars 2021

C'était le bon temps des restaurants ouverts

Que sera notre futur ? d'après Mathieu Bablet,
pas très jouasse (à la surprise générale).

Planête Terre, vers la fin de l'an 1 du règne du Covid intersidéral, comme l'appelle affectueusement Alain Damasio dans la postface de Carbone et Silicium (une BD ambitieusement déprimante qui annonce notre date de péremption encore mieux que les yaourts, et l'avènement de la post-humanité des Intelligences Artificielles). 
Au bout d'un an, et si aucun proche n'a encore été atteint, on s'habituerait presque à cette apocalypse molle et larvée; cette semi-vie en animation suspendue, l'autre moitié toujours retenue en otage par l'infernal virus Gégène.
Un état de semi-vie ? dans une stase où je conserve une conscience et une capacité limitée à interagir ? Aurais-je basculé en me penchant sur un tiroir ouvert au funérarium de Herbert Schönheit von Vogelsang, dans le Ubik de Dick ? Ca expliquerait pourquoi l'inscription "Je suis vivant et vous êtes mort" ne cesse d'apparaitre en surimpression sur la faïence des toilettes, sans doute pour me faire penser à racheter de l'Ajax WC, mais j'oublie tout le temps. Mais Schönheit von Vogelsang, je ne m'en lasse pas, car ça veut dire "Beauté du chant des oiseaux", rappel utile, car quoi que nous fassions ou ne fassions pas, le printemps arrive. 
Le pêcher près du compost est plein de bourgeons, et le rouge-gorge juché dessus braille comme s'il était doté d'enceintes 150 Watts. Mais qu'on ne s'y trompe pas : simultanément, la bladerunnerisation de la société va bon train. Je t'en foutrai, moi, de la science-fiction.

Derrière chez moi, les voisins aussi sortent sans masque.
Le relâchement est général, car les Français en ont ras le bol.
Quand je veux entrer dans le futur, plus besoin de lire de la SF qui fait mal à la tête, je sors dans la rue avec un masque, et me voici téléporté dans un épisode un peu longuet de Black Mirror. Et quand je veux entrer encore plus loin dans le futur, et envoyer un message fort au gouvernement, je sors dans la rue sans masque, mais là c'est carrément de la fiction spéculative à long terme, sans date butoir. Une utopie échevelée. Et de toutes façons je ne fais que quelques mètres avant d'être arrêté par la maréchaussée, ou par des passants indignés par mon visage découvert, alors qu'ils n'ont même pas lu "Indignez-vous." Et même ça, c'est de la science-fiction, vu que j'habite à la campagne et que c'est pas les bestiaux dans le champ de Raymond qui vont me verbaliser quand je sors dans le quartier.
" Aah ça, y sont forts, les Arabes, d'avoir réussi à nous faire tous porter le niqab, même les mecs, et d'avoir collé ça sur le dos des Chinois. N'empêche que Hong Kong Soushi, là, en Birmanie, elle l'a bien dans le baigneur, ça me console un peu, même si ça nous rendra pas Steve
Allez, René, remets-moi un 51 ! Hein ? René ? t'es où ? Caisse tu fous ?" 

2021, l'année de la vache qui ne rit plus.
Mais ça fait déjà 6 mois que René s'est pendu dans l'arrière-salle de son bistrot désert. C'est pourquoi une quarantaine de députés de tous bords politiques demandent au premier ministre d’étudier la réouverture des restaurants « au déjeuner, pour ceux qui en font la demande », à partir du 30 mars et « avec les procédures sanitaires adéquates », dans une tribune publiée par Le Journal du dimanche.
Il y a aussi les rassuristes, cette nouvelle marque de complotistes plus ou moins scientifiques qui nagent à contre-courant pour affirmer que le coronavirus n’est pas aussi dangereux qu’on le prétend. 
Le mot rassurisme est plus poétique qu’effondrologue, mais tout autant inquiétant. Es tut mir leid, comme disent nos amis allemands. (mot à mot = ça me fait de la souffrance)
Tous ces gens ont tellement idéalisé le passé qu'ils ont oublié les catastrophes qui survenaient parfois, quand c'était soit-disant le bon temps des restaurants ouverts. Ils prétendent n'avoir jamais vu le sketch des Monty Python dit "The Dirty Fork Sketch", qui évoque sans tabou les périls de ces établissements engloutis avec cette époque à jamais révolue où l'on pouvait se restaurer sur place avant de retourner au bureau, en attendant de pouvoir retourner se confiner le week-end.


Les sous-titres sont livrés à part :
d'ailleurs en recherchant ce sketch (que j'avais vraisemblablement idéalisé) j'ai trouvé l'intégrale des sous-titres :
https://www.ibras.dk/montypython/justthewords.htm
et aussi l'intégrale des sketchs, qui me permet de m'y retrouver plus facilement que dans ma pile de fichiers .mkv :
Alors oui, ça c'était l'Age d'or, et oui, c'était mieux avant. C'est clair. Enfin, chaipas, moi. Peut-être que je surréagis (y'a pas à dire, overreact c'est mieux en anglais) à une situation amenée à évoluer lentement, sans toutefois pouvoir jamais revenir au monde d'avant puisque la vie n'est que flux, comme les disques de Steve Roach, et puisque selon le célèbre fragment d'Héraclette, nous ne mangeons jamais deux fois dans le même restaurant, surtout depuis qu'il est fermé et que je consomme le contenu de la barquette qu'il m'a vendue sur un banc public à côté du bureau de chômage.

5 commentaires:

  1. Les rassuristes meurent comme les autres et même pour certains un peu plus vite que les autres. Ce n'est pas toi qui nous aurait parlé d'"Un influenceur meurt du coronavirus à 33 ans après avoir douté de son existence".?

    Elle s'annonce haute les troisième vague et je suis d'astreinte nuit la semaine prochaine.
    J'ai reçu un coup de téléphone ce soir d'un collègue d'astreinte ce week-end qui me demandait le code pour entrer dans une chambre funéraire alors qu'il a un covid dans le coffre. Je n'ai pas le code et il n'a pas les clefs. Je suis curieux de savoir ce qu'il va en faire... A sa place je l’emmènerais dans une autre chambre funéraire dont j'ai les clefs.

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  2. Il y a un an, le problème " d'entrer dans une chambre funéraire alors qu'on a un covid dans le coffre" aurait évoqué les Mystères d'égyptologues s'attaquant aux secrets de la Grande Pyramide. On s'adapte, quand même, contraints par la rapidité de réaction de la vérole cosmique.
    Mais nos bouées ne sont pas prêtes pour flotter en toute tranquillité à la surface de la troisième vague.
    Après bien des cafouillages, il semble que je reçoive ma première injection mardi prochain.
    A moins que d'ici là, je sois dans le coffre, ce qui est une autre manière de rêgler le problème.
    T'as été vacciné, toi ? tu fais partie d'une catégorie particulière de soignants.

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  3. Mouais la catégorie des soignants qui arrivent trop tard... Le bruit circule que dans le nord nous aurions des collègues vaccinés.
    Pour ma part je ne suis pas pressé de me faire vacciner. Je m'illusionne certainement sur mon invulnérabilité à toute épreuve.

    On a fait hier soir un covid à domicile, mise en bière immédiate dans un cercueil hermétique en partance pour le centrafrique. La covid n'est pas raciste et aime voyager visiblement. J'ai fini à 2h30 du matin. On a refusé de faire les suivants pour ne pas être hors la loi en terme de volume et d'amplitude horaire. On en laisse à nos concurrents. Aujourd'hui j'ai atteint les 10h à 20h. Ça repart à 0 à minuit. Mais c'est encore calme pour l'instant. Encore 15 jours pour être en haut de la vague.

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  4. - Un thanathopracteur m'a expliqué que même en arrivant toujours trop tard, en soignant les morts il soignait les vivants.
    Il y a eu la semaine dernière un documentaire sur France 2 "Des morts entre les mains" : Un jour et une nuit en immersion avec les techniciens de convois du dépôt des Services Funéraires de la Ville de Paris. Mais il n'est pas disponible en replay.
    - J'ai reçu une première injection d'AstraZeneca hier, j'ai du mal à m'en remettre. Je suis grippé. Faut dire que j'ai fait plus d'une heure de vélo à moitié à poil, après avoir réduit au silence une complotiste qui m'assommait avec Raoult et sa vitamine D.
    J'ai fait une blague pourrie, que sa culture anglo-saxonne n'a pas su dans quelle catégorie ranger, du coup elle m'a pris pour un monstre pédophile, et elle m'a fichu la paix. Qu'est-ce qu'y faut pas faire avec les complotistes, quand même.
    - Et demain j'ai ma chimio. Et je suis toujours à moitié blacklisté, dans l'attente du délibéré prud'hommal soi-disant en ma faveur.
    Je devrais en profiter pour écrire un nouvel article, mais j'ai la glu.
    On se revoit en haut de la vague.

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  5. La vague monte doucement. On en a fait deux covid hier.
    J'ai vu des extraits de ce documentaire... Heureusement, nous les housses, on ne les récupère pas pour les laver. J'ai l'impression que nous on rigole un peu plus que ce que j'ai vu dans le documentaire. Sinon c'est ça... le téléphone d'astreinte qui n'arrête pas de sonner pour des trucs que tu ne peux pas faire.
    - Je ne voudrais pas faire du mauvais esprit mais il parait que la deuxième injection est pire que la première en terme d'effets secondaires mais je ne pense pas que ce soit toujours le cas. J'espère que j'aurais le jonhson et jonhson en une seule injection.
    Les parents du copain à ma fille sont complotistes, une vraie catastrophe. Ma fille trouve ça insupportable.
    Bon courage pour la chimio. J'ai un ami cancéreux qui commence sa chimio la semaine prochaine. Lui c'est le colon, du coup il a une poche... brrr.

    A moitié blacklisté c'est toujours mieux que totalement

    Je vais arrêter la pompe pour reprendre les reportages photos. J'espérais un peu changer d'air mais le premier projet que je dois photographier est une maison funéraire d'une pompe concurrente.

    Take care.

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