mardi 31 octobre 2006

Champignons


31 octobre 2006



Ce champignon s’appelle Phallus Impudicus (satyre puant) et quand j’étais petit, ma maman n’avait pas besoin de me mettre en garde contre : il puait horriblement.

Si vous projetez une sortie en forêt avec la ferme intention d’en ramener des champignons, autant aller quérir un initié. Un amical voisin qui arpente ladite forèt dans ce but depuis plus de 40 ans fera l’affaire, même s’il n’est pas facile à dénicher car les vrais amateurs préfèreraient partager leur appartenance à la Confrérie des Dépendants Sexuels plutôt que leurs meilleurs coins de cueillette. Arrivé sur les lieux, vous le suivrez pas à pas : il connait chaque parcelle domaniale et conserve la mémoire des espèces et des quantités récoltées en chaque lieu. Ca ne vous prémunira pas d’éventuelles trouvailles, telle cette éclosion de pieds de mouton non répertoriée sur ses cartes mentales, fruits d’une mystérieuse migration mycélienne. Mais en compagnie d’un tel guide, si vous rentrez bredouille vous pouvez être certain que de champignons dans cette forèt, pas plus que de beurre en broche il n’y a. Il vous indiquera d’un index nonchalant le chène situé à 400 mêtres de là en direction du nord-nord-est (et que vous êtes bien infoutu de discerner, tant il est parfois vrai que la forêt cache l’arbre) et vous dira “tiens là-bas il y a des chanterelles.” Vous franchirez l’espace qui vous sépare du chène dans vos bottes crottées d’incrédule, et vous tomberez sur les chanterelles. Il vous faudra vous baisser, car à l’oeil nu et à hauteur d’homme, rien ne distingue la chanterelle de la feuille morte, relativement abondante sous la futaie d’automne. Vous rapprochant du sol et retrouvant pour un instant le regard de l’enfant, vous accommoderez comme si vous vouliez décoder un stéréogramme et les champignons seront là. Ils y ont toujours été, en fait, mais vous n’étiez pas prèt. Par contre, au bout de quelques expéditions de cette nature, macache pour se ballader en forèt sans se surprendre à dévisager les feuilles mortes pour y surprendre la trompette des maures ou la girolle, même au printemps. C’est un peu la même chose qui arrive aux dépendants sexuels en sevrage : l’écran d’ordinateur est une réserve de femmes à poil, et qu’elles n’apparaissent plus engendre un malaise impalpable (en aucun cas merci).
Bref, vous voilà conditionné à un regard utilitaire sur la forêt, qui vous interdit l’accès au romantisme. De toute façon, le romantisme est une illusion engendrée par des voiles émotionnels non purifiés.
Je suppose qu’à côté de ça, un stage de préliminaires bouddhistes équivaut à regarder la carte de la forêt à la maison avec le voisin, si tant est qu’on ait des voisins tibétains octogénaires, ce qui n’est finalement pas plus dur à trouver que des amateurs de champignons prêts à vous faire partager leurs découvertes.

Commentaires

  1. >> l’écran d’ordinateur est une réserve de femmes à poil, et qu’elles n’apparaissent plus engendre un malaise impalpable.

    Mouais… Apparemment les ballades en forêt t’inspirent aussi, vu la photo qui illustre l’article.

    >> De toute façon, le romantisme est une illusion engendrée par des voiles émotionnels non purifiés.

    Non, non, désolé d’entrer dans une querelle de textes, mais le romantisme est absolu. C’est bien dit dans La Vie d’Einstein, du lama Goossens Rinpoché.

    Mais pour en revenir à ton article, j’ai eu l’occasion il y a un mois de faire une chasse aux champignons avec le beau-frère d’un ami, qui connaît parfaitement les bois au dessus de sa ferme. Ca ressemble tout à fait à ta description, en particulier le coup du grand chêne qui reste invisible tant qu’on est pas dessous. J’ai été très surpris de voir que les repères étaient surtout des arbres, comme s’il était plus ou moins admis admis que c’étaient eux qui pondaient les champignons.

  2. Et pour peu qu’on “leur” abatte l’arbre qui servait de repères à leurs déplacements, les devins mycologues redeviennent borgnes au pays des aveugles.
    Bien fait.

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