vendredi 10 septembre 2021

Vaccination pour tous (2)

 Il y a d'abord eu cet article dans Télérama.


Au moins, ils ont résolu le problème de la cyber-addiction. 
Ex-aequo avec les talibans, qui lapident les e-gamers qui n'ont pas fui à l'étranger.
Et admettons que les Chinois n'aient pas d'addicts au porno parmi leur population, jeune ou vieille, puisque leur Internet n'est qu'un gros Intranet d'entreprise, mais imagine, en Europe ou aux USA, un hologramme tout verdâtre de Macron qui jaillit de ton écran et qui vient te couper ta connexion quand tu te branles plus de cinq minutes sur un site coquin, qui te met une petite tape sur le cul et t'envoie gentiment au lit (il t'appelle par ton prénom puisqu'il t'a identifié grâce à la reconnaissance faciale.)
Les objecteurs de pass sanitaire auraient tôt fait de hurler à la mesure liberticide.
Je suggère vivement à tous nos lecteurs pornoïques de continuer à se branler comme des sourds tant que c'est encore possible (moi-même, je ne sais pas ce qui me retient, à part que j'ai les mains prises par la rédaction de cet article) parce que la reconnaissance faciale, j'ai vu des enquêtes sur Arte, c'est sûr qu'on y va aussi, même si on y va masqués vu que c'est encore un peu interdit par la loi mais que la techno est déjà là.
Justement, j'ai reçu récemment de la part d'un collectif de techniciens intermittents du spectacle (qui ignorent que j'ai un CDI depuis début juin) un message m'invitant à une insurrection polie mais révoltée et surtout juste.

"Nous nous sommes réuni·e·s hier soir pour une AG de lutte.
Beaucoup de sujets ont été inscrits à l'ordre du jour mais la question du pass sanitaire et de ses effets inhumains, liberticides et dévastateurs a occupé une importante partie du débat.
Beaucoup d'entre nous se sentent acculé·e·s face à cette mesure gouvernementale ; pris·e·s en étau entre la position individuelle, la nécessité de travailler et le besoin de faire front collectivement contre cette mesure inacceptable. 
Nous ne sommes pas dupes, le pass sanitaire est un outil du gouvernement pour contrôler nos vies, masquer les vrais sujets et mettre en place un système d'auto-flicage des citoyens.

Beaucoup de questionnements ont été soulevés :
Le pass nous permet-il d'exercer notre métier dans les conditions habituelles ?
Ça veut dire quoi ce pass dans ma vie ?
Ça veut dire quoi ce pass dans mon travail ?
Quels moyens on se donne pour agir ?
Acceptons-nous d'appliquer un pass qui permet à certain·e·s adultes d'accéder à une vie sociale démasquée pendant que nos enfants ont l'obligation d'être masqués à l'école du matin au soir ?

Plusieurs moyens d'action sont envisagés :
Interroger les programmateur·rice·s et directeur·rice·s des structures culturelles de l'agglomération nantaise qui pour la plupart ont mis en place le pass sans même un échange avec leurs salarié·e·s.
Boycott collectif
Se poser la question du pass revient à envisager la question de la grève.
Le recours juridique et la question du secret médical
Rejoindre le mouvement "contrôler n'est pas notre métier".
Créer un kit anti-pass
Mettre en place des brigades d'interventions anti-pass
Interroger les politiques en cette période pré-électorale"
Il me semble qu'ils s'acculent eux-même dans l'impasse. Que peuvent bien leur répondre les programmateurs de structures culturelles sur le sujet du pass, à part leur servir le brouet gouvernemental ? Que de violence verbale en perspective. Misère. Le plus affreux, bien sûr, c'est cette atroce écriture inclusive, Que Bernard Pivot nous en préserve.
Pendant ce temps, ce matin même, à l'autre bout de la planète, et quasiment en direct de notre envoyé spécial permanent en Nouvelle-Calédonie, où un reconfinement venait d'être décidé :

Bon ben ça y est, on est tombés dedans.

Découvertes des premiers cas locaux lundi, aux 4 coins du pays (premier cas sur l'île de Lifou !!), ce qui signifie que ça faisait au moins 3 semaines que le virus circulait, mais sans cas grave ni symptomatique, il est passé sous les radars le temps de bien s'installer un peu partout. Et c'est du Delta indien, de la bonne.

Ironie du sort, vendredi dernier avait été votée la vaccination obligatoire par notre gouvernement local, ce qui avait donné lieu à une manif le lendemain samedi de plus de 1000 personnes antivax (bonjour les contaminations) juste en bas de chez nous, devant le siège du gouvernement...

Et de fait, on part sur les chapeaux de roues : 3 cas avérés lundi, 9 mardi, 66 mercredi, 117 jeudi (au total).  7 cas sont en réa, et premier décès ce matin. (le monsieur était certes porteur de nombreuses comorbidités et âgé de 75 ans... mais il était aussi vacciné depuis le mois de mars ! ) C'est la ruée sur les vaccinodromes généralisés depuis 2 jours partout et sans rendez-vous, 5000 doses ont été injectées dans la seule journée d'hier. Il était bien temps, mais il est déjà trop tard. Avec 26 % de vaccinés seulement et 70% de la population en surpoids ou obèse, ça va être le scénario polynésien (pire qu'aux Antilles), un vrai carnage, ça sent la fosse commune.

On prévoit d'ici 15 jours la saturation totale de l'hôpital et des cliniques qui étaient déjà en déficit de personnels depuis des mois avec le départ de nombreux toubibs rentrés en métropole (on a perdu 10.000 habitants ces 5 dernières années, et ce ne sont pas des kanaks de tribus...) que notre gouvernements ou les institutions idoines ont été incapables de faire remplacer. On est donc très mal préparés, je dirais même plus : très mal tout court.

Les gens sont assez négligents ici : peu de vaccinés depuis février malgré les fortes incitations par l'assurance que le bouclier sanitaire ne tiendrait plus longtemps face au delta ; malgré les mises en garde par rapport aux taux d'obésité et de comorbidité d'une population gavée de malbouffe, d'alcool et sans aucune hygiène de vie ; malgré l'exemple catastrophique des cousins tahitiens ; malgré l'info qu'une douzaine de connards avait fait annuler leur septaine obligatoire à leur retour de métropole par la justice alors qu'on sait que même vaccinés on peut être porteur, malgré, malgré, malgré... Rien n'y a fait.

En revanche, ils sont aussi très obéissants : tout le monde respecte le confinement strict, les masques sont partout, les rues désertes, etc... La peur a remplacé d'un seul coup le "casse pas la tête"; comme les enfants... La communauté kanake chez qui les cérémonies coutumières de deuil durent un mois va être particulièrement affectée.

Ce qui est sûr, vu le départ en flèche de l'épidémie, c'est que nous ne redeviendrons certainement plus jamais "covid free", c'est mort de chez mort comme me disait mon garagiste parlant de l'embrayage, et qu'on est encore moins près de partir en vacances. On attend des annonces concernant un report éventuel du referendum du 12 décembre...

Nos zélus/crétins ont déjà demandé des bataillons de personnels médicaux en renfort à la métropole... Vive l'indépendance !

C'est la Kanakpanik ! 

PS/ j'oubliais : nous avons dans ce pays de magnifiques spécimens de chauves-souris particulièrement efficaces pour créer des variants bien mortels (genre Nipah, cf un de mes mails en 2020), on vous renvoie le variant kanak dès que c'est prêt...

A noter donc que la vaccination obligatoire votée par le gouvernement local entraine une manif des antivax ET la ruée vaccinale simultanée. Si ça se trouve, c'est les mêmes, qui sont farcis de défiance à l'égard du Pouvoir, et qui vont se faire vacciner quand ils y sont contraints. Puis retournent manifester contre les mesures liberticides. Putain, ça y est, je suis mûr pour regarder Zemmour. L'étanchéité aux faits des réfractaires au vaccin est à pleurer, mais faudrait surveiller le taux de conversion des antivax une fois qu'ils sont contaminés. Les sombres Tristus ne deviennent sans doute pas des Rigolus pour autant, mais ça doit quand même leur en mettre un coup au moral.
En France il s'est publié d'excellents podcasts sur les mécanismes du complotisme et de la malveillance supposée des gouvernants et des soignants, sur la 5, France Inter et/ou France Culture, je ne sais plus mais je vais les coller sous ce paragraphe dès que je les aurai retrouvés... le problème c'est que les complotistes ne sont pas très clients de podcasts expliquant le complotisme, puisque les journalistes sont les valets du pouvoir à la solde des media mainstream...








Ecouter des podcasts sur le complotisme, j'y passerais ma vie, mais qui s'occupe trop de clés devient serrure (proverbe soi-disant turc, lu sur un forum de pornodeps en 2006)
Pour ma part, j'ai involontairement contribué à l'éradication des vecteurs de la pandémie (& de la dictature numérique associée) en réinventant bien malgré moi le piège à frelons asiatiques, ces damnées faces de citron comme les appelait affectueusement Buck Danny (en fait il parlait des Japonais, mais chut !)
J'avais vidé au compost une trentaine de pots de confiture périmés, et guêpes, abeilles, mouches et frelons sont venus en toute amitié y butiner pendant quelques jours; j'avais laissé les pots dehors, les insectes les nettoient aussi. Là-dessus, une petite pluie est tombée, et seuls les frelons asiatiques se sont retrouvés noyés dans les bocaux, dans trois centimètres de vieille confiture réhydratée à l'eau de pluie. J'ai bien retrouvé une trentaine de cadavres. Alors qu'il y a trois jours, j'avais médité un coup de pelle sur ces avatars du péril jaune, mais c'est clair que j'en aurais tué deux, puis aurais été piqué par dix, or je suis allergique. Ca se serait pas bien mis. Alors que là, responsable d'un génocide par hasard et à la tête d'un charnier d'insectes que j'exècre, j'exulterais presque. 
Vous allez me dire, j'ai le triomphe facile. 
On se la pète avec ce qu'on peut.



dimanche 5 septembre 2021

Vaccination pour tous et remèdes de grand-mère : le point sur la recherche

Ma sœur possède deux chevaux, à qui elle donne de l'ivermectine pour les débarrasser des parasites. Ca ne lui viendrait pas à l'idée d'en prendre elle-même pour se vermifuger de la Covid-19, après en avoir entendu parler sur les réseaux sociaux. Moi qui vis à la campagne et qui n'ai ni twitter ni facebook, sinon je ne ferais sans doute que ça, j'apprends en léger différé que ce médicament issu de la médecine vétérinaire fait l'objet de recherches thérapeutiques ciblant l’hôte, ce qui est une des stratégies visant à désarmer le virus, en même temps que tout un tas d'autres molécules, comme c'est expliqué ici.


Il fait aussi l'objet d'une foire d'empoigne sur Internet et dans les media, un baston perpétuel à la violence virtuelle inouïe, et potentiellement fratricide dans la Réalité Réelle Ratée, entre adversaires irréconciliables : ceux qui croivent encore en la Science, et qui attendent les résultats des recherches pour s'autoriser à en penser quelque chose, et ceux qui croivent que leur sachoir issu des réseaux sociaux est une arme contre ceux qui croivent encore en la Science.

Emile Zola, taille 44.

Par exemple, mes voisins d'en face : certes, ils ont 163 ans à eux deux; certes, Françoise a toujours été très portée sur la médecine naturelle et la radiesthésie. Et Jean-Pierre, lui, barre quelque peu en sucette, en nous laissant son corps et des fragments de sa personnalité passée en gage, il fait un début d'Alzheimer, tout en restant discret et gentil, sans violence ni démence, juste un effacement progressif de sa mémoire immédiate ET à long terme. Mais quand j'apprends lors d'un dîner improvisé chez eux qu'ils refusent de se faire vacciner et prennent eux aussi de l'ivermectine en prévention de l'infestation au Covid_19, je fais un pronostic plutôt pessimiste, si le virus emprunte la route qui sépare chez eux de chez nous, habilement dissimulé dans une voiturette Google Maps et faisant semblant de cartographier le paysage périurbain. Et le variant indien a l'air de se sentir chez lui partout, mais surtout dans l'être humain. Même vacciné. Et puis lui, je veux dire Jean-Pierre, mon voisin d'en face, c'est vrai qu'il est un peu parti, la laissant seule aux commandes de la politique sanitaire du foyer, et quand il nous raccompagne à la grille de sa propriété, il me demande où on s'est garés, parce qu'il a oublié qu'on habitait en face depuis 22 ans, alors je sais pas si la Science les retiendrait comme échantillon significatif. Elle est chiante, pour ça, la Science, elle a des protocoles inamovibles, et des expériences en double aveugle randomisées, elle prétend que c'est le prix de la validité de ses résultats. En fait, la vérité scientifique est très relative, elle vient toujours amender l’ignorance précédente. Ainsi de nos connaissances sur le Covid, qui ont quand même permis d’élaborer un vaccin, dont les vertus sont très contestés par ceux qui ne croient plus en la science suite aux abus de pouvoir du Pouvoir. Jusqu'au jour où ils se retrouvent contaminés, et là ils croivent que c'est la faute à pas d'bol. Disant cela, je suis certainement de parti pris : la science vient de me guérir d'un cancer. Je ne vais pas cracher dans la soupe, surtout si c'est pour la reboire après. 
Et puis, il y a aussi l'aspect dictature sanitaire, tout aussi désagréable. J'avais totalement oublié de m'en scandaliser, avant de tomber sur ceci :

 

Dictature numérique et sanitaire :
Les Gauchistes ont la Peau dure
et Les Idées Longues,
puisque le livre date de 2007.

 "Bienvenue en Chine occidentale ! L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que les États s’emploient à convaincre de l’utilité - incontestable - du vaccin contre le Covid-19 plutôt que d’user de la contrainte. Mais M. Emmanuel Macron en a décidé autrement. Ce président qui ne cesse de pourfendre l’« illibéralisme » ne conçoit les libertés publiques que comme une variable d’ajustement. D’ailleurs négligeable, et destinée à s’effacer derrière toutes les urgences du moment - médicales, sécuritaires, guerrières. Interdire à des millions de personnes de prendre le train, de commander un plat en terrasse, de voir un film en salles sans avoir prouvé qu’elles n’étaient pas infectées en fournissant le cas échéant, dix fois par jour, une pièce d’identité que le commerçant devra parfois vérifier lui-même nous fait entrer dans un autre monde. Il existe déjà. En Chine, précisément. Les agents de police y disposent de lunettes de réalité augmentée qui, reliées à des caméras thermiques placées sur leurs casques, permettent de repérer une personne fiévreuse dans une foule. Est-ce cela que nous voulons à notre tour ?" Ce n'est pas un fleuron de la mouvance antivax qui débagoule, c'est le patron du Monde Diplomatique, Serge Halimi, qui s'énerve un peu contre la Dictature numérique, et s'insurge de la méthode employée par le gouvernement pour hâter l'amélioration de la couverture vaccinale dans le pays. La fin justifie-t-elle les moyens ?


Il est de bon ton, parmi les gens comme moi et mes amis, vieux quinquas ou jeunes sexagénaires doublement vaccinés et bien nourris, de s'indigner du vent de mesures liberticides qui s'est levé cet été, et qui les empêchent d'accéder aux expositions temporaires d'art décadent et aux terrasses des restaurants quand ils ont oublié leur téléphone à la maison avec leur QR Code dedans. 
Le 15 juillet, Emmanuel Macron a condamné à la marginalisation sociale tous les Français non-vaccinés dès le mois d’août, alors qu'il était jusque-là impossible à des gens normaux (non-à-risques, non-prioritaires, non-vieux...) d'accéder au vaccin, et que tout le monde était parti en vacances, c'était malhonnête, expéditif et pour tout dire indigne d'une démocratie, malgré le bien-fondé de la cause sanitaire. Et depuis qu'il a pissé dedans au nom de l'intérêt général, le puits démocratique est empoisonné, et le débat malaisé à organiser : les antivax sont stigmatisés comme préférant l’intérêt individuel à l’intérêt général. Bouhouhou, au ban les vilains garnements; pourtant, on peut ergoter sur la manière de faire, mais pas récuser l'impératif vaccinal, le seul truc qui pour l'instant marche face au virus.
« Entendre parler de liberté individuelle alors que dans la balance se trouve la vie de milliers de personnes est assez dérangeant, estime Stéphane Hergueta. [...] Au lieu de critiquer des décisions difficiles, dans un contexte impossible, il serait temps de soutenir les actions en faveur de la survie du plus grand nombre. »  


Ou, comme l'explique le sociologue Jean-Claude Kaufmann, sans doute soudoyé par le lobby des feux rouges : 
« Dans de nombreux pays, et particulièrement en France avec les nouvelles manifestations du samedi, des oppositionnels se regroupent autour d’un slogan clair et mobilisateur : la défense de la liberté, supposée menacée par la montée d’un autoritarisme étatique, voire, pour certains, d’une dictature sanitaire. « J’ai le droit de ne pas me faire vacciner, c’est ma liberté ! » Face à cette importante minorité ancrée dans ses convictions, médecins, scientifiques, journalistes ou politiques, malgré la solidité quasi irréfutable des arguments en faveur du vaccin, non seulement ne parviennent pas à convaincre ceux qui ne veulent rien entendre, mais de plus sont eux-mêmes envahis par un malaise qui rend parfois leurs propos hésitants. Car il n’est jamais aisé de prendre position contre la liberté individuelle dans une société qui l’inscrit comme un principe fondateur. Nous sommes tellement grisés par notre sentiment d’autonomie individuelle que nous refusons de voir qu’il se déploie à l’intérieur de cadres de plus en plus contraignants, spécialement pour tout ce qui touche à la santé ou en cas de crise (ce que nous sommes en train de vivre résumant les deux). Les mesures disciplinaires actuelles n’ont donc rien de surprenant ; elles s’intègrent dans un irrépressible mouvement historique.Se positionner abstraitement pour la liberté n’a donc aucun sens, de même qu’il est ridicule (et dangereux) de revendiquer le droit de rouler à gauche ou de passer au feu rouge plutôt qu’au vert. « C’est ma liberté ! » ne peut s’appliquer n’importe quand et n’importe comment. Pour savoir si la revendication est ou non recevable, il est nécessaire de définir précisément le contexte et d’analyser l’impératif supérieur qui, au nom du bien commun, impose une restriction des libertés. [...]  Ici, le débat doit effectivement s’ouvrir, car de nombreuses dérives autoritaires sont possibles, des instrumentalisations du risque pour intensifier abusivement une contrainte disciplinaire facilitant l’exercice du pouvoir. Nous avons à la fois besoin d’un intense débat démocratique, et d’un débat précis, argumenté. La liberté pour l’essentiel se gagne à petits pas, dans les détails.
Hélas, les nouvelles conditions du débat dans la société des convictions personnelles portent au contraire à des prises de positions extrêmes, intransigeantes et passionnées, spécialement dans les mouvances complotistes antisystème. Or ceux qui croient ainsi lutter au nom de la liberté ne font qu’accentuer les clivages et renforcer les tenants d’un autoritarisme plus marqué. Il serait sans doute urgent de comprendre que ce si beau principe de la liberté individuelle s’exerce en fait dans un périmètre infiniment plus étroit que ce que nous imaginons ; il faut arrêter de rêver et regarder la réalité en face.»  


C'est bien joli, tous ces rappels au bon sens, mais une fois qu'on a dit ça, comment faire entendre raison à ceux qui nous ont justement contraint à prendre des mesures liberticides et socialement handicapantes pour les inciter à aller se faire vacciner, et plus vite que ça, parce que c'est pas bien de ne penser qu'à soi ?
Il faudrait aussi sortir de l'hystérie de l'anathème complotiste concernant les antivaccins, ne pas leur balancer du hashtag infâmant et clivant, écouter leurs arguments (quand ils en ont) et établir le dialogue avec eux quand le hasard nous en fait croiser. Sinon, on réussira juste à se coincer la crispation identitaire dans le tiroir du bureau.
Et justement, une collègue de bureau avec qui j'ai pris le temps d'en discuter cinq minutes m'envoie sur ma demande un bouquet de liens pleins d'infos soi-disant décapantes, à tester. Alors je teste. Quitte à rendre cet article illisible. Même en se prenant pour un aventurier du cyber de l'extrême, ce qui n'est plus mon cas, et sans aller mettre le pied sur le champ de bataille des réseaux sociaux, j'hésite à m'aventurer sur le terrain du débat sanitaire sans biscuits, tant le terrain est miné, et tant que je ne suis pas malade du virus,  qu'est-ce que ça peut me faire de montrer mon QR_Code au restaurant ?  Pourquoi aller chercher plus loin ? Ces histoires de vax et d'antivax, c'est la jungle, avec très peu de signalétique urbaine. Mon premier réflexe, et souvent mon seul décodeur, c'est le Monde, parce que je suis abonné, et que j'ai accès à l'intégralité des articles. Ils n'ont pas la science infuse, mais les infos sont censées être recoupées; En principe. Est-ce que ça va me suffire pour intelliger tout ça ? me le rendre compréhensible ? On verra bien.
Allez, j'attaque la pile de liens transférés par ma collègue, et je les passe au tamis de ma jugeote biaisée par mes parti pris.
Et je mets en rouge le nom des médicaments, ça fera plus joli.

Lien 1

bon là, c'est facile, le site est amateur et mal mis en page, et la question « Est-il « complotiste » de dire qu’on nous prive de traitements qui marchent ?" dégage un parfum de biais cognitif bien chelou, et c'est le Professeur Perronne qui est à la manœuvre.

Feu Charb aurait pu faire la même blague
en mettant le complotisme à la place du racisme.
Toi y en a comprendre ?

En 3 clicks je suis renseigné :

Facile à débusquer. Éliminé. Il faudra quand même surveiller les études sur l’ivermectine, quand il s'en publiera de sérieuses. Je veux bien tout entendre sur des médicaments efficients occultés par les labos qui ont vendu le vaccin, mais que les études soient des vraies études et les chiffres des vrais chiffres.
Allez, un autre.

Lien 2
https://www.20minutes.fr/sante/2972239-20210208-coronavirus-certains-antidepresseurs-pourraient-proteger-contre-formes-graves-covid-19?fbclid=IwAR10BfNB8m4UTn3sVskRRf3FHWyOxOhQUL-K_xow8KDEjBlfBS1siPPUrzg


Résumé : un psychiatre français, Nicolas Hoertel, s’est étonné de voir, dès la première vague, ses patients en psychiatrie à l’hôpital Corentin-Celton (AP-HP) peu touchés par l’épidémie. Après étude observationnelle sur plus de 7000 patients, il observe que les patients sous antidépresseurs font moins de formes graves. Réduction du risque entre 42 % et 78 % pour cinq antidépresseurs – fluoxétine (Prozac), paroxétine, escitalopram, venlafaxine et mirtazapine. Pour d’autres antidépresseurs en revanche, il n’y a pas d’effet protecteur. 
Selon le Figaro, qui recoupe l'article de 20 Minutes, un essai clinique a été lancé par l'AP-HP avec plusieurs centaines de patients et l'emploi du Prozac.... sans compter que ça plairait à Macron, de mettre tout le monde sous Prozac avant 2022... nan, je déconne, mais quand même, cette piste de traitement alternatif est curieuse.

Lien 3

https://www.larevuedupraticien.fr/article/covid-un-effet-protecteur-des-antidepresseurs?fbclid=IwAR0K0SmcwnPiem-ccb5RX1orGqMxkJ7oEfd-kkVS3K9NaMg36NGNjtw_fu8


La même, version "Revue du praticien". Je ne sais pas si ça accroît la crédibilité de l'info. C'est quand même souvent beaucoup de bruit pour rien, ces essais cliniques qui sont "en cours", ces médicaments pour autre chose qui se révèlent soudain "prometteurs" comme pouvait l'être l'hydroxychloroquine.
D'ailleurs même France Culture s'y intéresse sous cet angle. C'est pas un gage d'anguille sous roche, ça ?


https://www.franceculture.fr/emissions/radiographies-du-coronavirus/deux-nouvelles-molecules-prometteuses-contre-le-covid


Lien 4

https://www.lepoint.fr/sante/covid-19-un-anti-inflammatoire-teste-pour-contrer-les-formes-graves-16-08-2021-2439054_40.php?fbclid=IwAR0J-enhivwpVTSM78GJ-GG4u8E16loumOeTt_ejEVX34bd5JMhPZfnpe6Y


Test en cours du Roactemra, un anti-inflammatoire, pour contrer les formes graves. Pourquoi pas ? sans doute moins d'effets secondaires qu'avec le Prozac. Recherche en cours, premiers résultats en octobre.

Lien 5

https://cebedia.co/etude-cbd-inhibe-replication-covid-19/?fbclid=IwAR2oc9k1iOdE7Yx_aUS4WouXR_vaY_RtA2ssOxo2n8ZouApooh0Tebg_tWo


Etude en cours : le CBD inhiberait la réplication du SARS-CoV-2 (Covid-19) dans les cellules pulmonaires humaines. Personne ne m'avait 'spliqué que l'acronyme du CBD (que je prenais jusqu'ici pour de la fausse beuh pour gogos puisque sans THC) était là pour cannabidiol, un des nombreux cannabinoïdes du cannabis.
Les chercheurs ont prétraité des cellules de carcinome pulmonaire humain A549 exprimant ACE-2 (A549-ACE2) avec 0-10 μM de CBD pendant 2 heures avant de les infecter avec le SARS-CoV-2.
L’analyse des cellules 48 heures plus tard a montré que le CBD avait fortement inhibé la réplication virale dans les cellules.
Ils préconisent des essais cliniques contrôlés par placebo soigneusement conçus avec des concentrations connues et des formulations hautement caractérisées afin de définir le rôle du CBD dans la prévention et le traitement de l’infection précoce par le SRAS-CoV-2.
Nous aussi. N'hésitez pas à mettre un peu de skunk avec, si ce n'est pas assez probant. Faut ce qu'y faut, et des fois je refumerais bien un stick d'herbe en écoutant Steve Roach, si je n'étais pas certain que ça me ramènerait directement au tabac.

Lien 6

https://www.pasteur.fr/fr/espace-presse/documents-presse/ivermectine-attenue-symptomes-covid-19-modele-animal

https://www.lefigaro.fr/sciences/covid-19-l-ivermectine-traitement-miracle-ou-enieme-fausse-piste-20210715


C'est clair que l’ivermectine (un antiparasitaire) atténue les symptômes de la covid-19... chez les animaux. Chez les humains, résultats non significatifs. Ou plutôt, foire d'empoigne des antivax sur ce médicament, qui aurait été utilisé massivement en Inde en prévention, avec des résultats spectaculaires.

Et que dit Le Monde ?


https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/04/13/l-ivermectine-traitement-miracle-contre-le-covid-19-ou-mirage-therapeutique_6076630_4355770.html

L’antiparasitaire fait l’objet d’un regain d’intérêt dans la lutte contre l’épidémie due au SARS-CoV-2. Mais son efficacité reste encore à prouver. Et ses défenseurs sont issus de tout ce que la fachosphère et l'ultradroite produisent de sportif et de sain. Je ne sais pas si vous avez accès à l'article, mais c'est croquignolet. Ca ne jette pas le discrédit sur le produit, mais l'ivermectine gagnerait à se trouver de meilleurs défenseurs. 
Commentaire d'un lecteur du Monde, les articles sont autant trollés qu'ailleurs mais c'est parfois de bon niveau :
"Dans l’article, la présentation de l’ivermectine n’est pas exacte. Elle a d’abord et avant tout été utilisée contre de graves parasitoses tropicales, les filarioses et ensuite seulement contre la gale, maladie parasitaire universelle de l’insalubrité. L’indication contre le paludisme (due là encore à un parasite) n’en est qu’aux essais. Je ne sais pas si l’ivermectine est efficace ou pas contre le Covid, ni par quel mécanisme précis elle agirait, mais l’ivermectine est peu toxique (ce qui n’est jamais dit dans l’article) car agissant sur une cible du parasite absente chez l’Homme. Comme toute l’histoire de l’ivermectine (qui a valu le Nobel de médecine 2015 à ses découvreurs) est presque un conte de fées (cf le livre Drôles d’histoires de médicaments d’origine naturelle), on aurait envie d’y croire dans le Covid. Alors, oui à de nouvelles études sur cette molécule permettant enfin de trancher sur son intérêt ou pas dans le Covid et on se fout des populistes et des complotistes."
Polémique sans fin aussi sur les blogs de Mediapart, qui n'engagent pas la rédaction du journal :


Rhhhôôô... Si le Monde est entaché de biais cognitifs, où va le Monde ? L'argumentation de ce monsieur Enzo Lolo est intéressante, et cohérente. Mais c'est un défenseur acharné de l'ivermectine. Vais-je pour autant confier les clés de ma santé à un type qui prétend s'appeller Enzo Lolo, et qui me suggère de renoncer aux vaccins, qui pour l'instant marchent bien, contre un antiparasitaire pour chevaux dont la seule légitimité est assise sur celle d'influenceurs auto-proclamés ? L'influenza, c'est une grippe causée par certains virus ARN. Qui touche les oiseaux et certains mammifères dont le porc, le phoque et l'être humain. Moi, ça ne me dérange pas, d'être en si animale compagnie. Arf. Ici, je ne cultive d'autre prétention que celle de m'influencer moi-même, ou de témoigner de réflexions pouvant mener à des modifications comportementales intimes. Mais Enzo Lolo, qui mime la Raison Pure et la Revue Médicale, alors que c'est un bloggueur sous pseudo ? Son organe de presse est plein d'articles intéressants, où il pourfend les fake news des médias mainstream, quand ceux-ci usent des mêmes arguments que les moulins à bobards. Et comment vérifier les infos qu'il diffuse ? Sur l'Inde par exemple, je n'ai pas lu grand-chose d'aussi instructif que chez lui. Si c'est avéré, bien sûr. Et par qui ? Il faut que ça soit validé par Le Monde, ou Wikipédia pour que t'y croies ? Si oui, tu ne vaux guère mieux que les cyber-cerbères, d'un côté ou de l'autre de la barrière vaccinale. Hormis les arguments issus de l'exercice de l'entendement. Il faudrait approfondir les recherches, encore et encore. Journaliste de contagion, c'est vraiment un boulot à plein temps. Envoyez des sous, sinon je passe à autre chose.


Par exemple, faudrait comparer avec le wiki : "Controverse autour des traitements à l'hydroxychloroquine ou à l'ivermectine contre la Covid-19" qui fait un chouette résumé factuel des bastons en cours.

 
Et sinon, ma collègue me balance aussi ça : 

Lien 7

" L’Inde pourrait être le premier pays à poursuivre en justice un scientifique de l’OMS pour avoir déconseillé l’Ivermectine contre Covid-19". Article assez mal écrit et invérifiable. Et qu'est-ce que ça prouve ? Suspicion de complot de la part de l'OMS, qui supprimerait des données importantes relatives au traitement de Covid19. Ouhlàlà, c'est trop tordu pour moi. Je vais regarder comment se porte l'infection en Inde.
La science avance. Mais la vérole cosmique pandémique aussi.
Pour en savoir plus sur les causes, lisez "La fabrique des pandémies".
Pour en savoir plus sur les traitements qui marchent, 
on a écrit des bibliothèques entières sur les vertus de la prière.  


Donc, l'Inde, c'est vrai qu'ils ont morflé au printemps 2021, mais que dans les média mainstream, une information chassant l'autre, on n'en a plus entendu parler, parce que quand même, c'est loin, et que c'est pas des gens comme nous. Comment ont-ils jugulé l'épidémie, si ce n'est pas en se bourrant d'ivermectine ? Mmmmh ? Bien malin qui le saura sans aller enquêter sur place.

Autre chose nous est proposé :

Lien 8

https://www.santemagazine.fr/traitement/medicaments/ou-en-est-la-recherche-de-traitements-contre-la-covid-19-879025


Santé Magazine fait le point sur tous les médicaments en cours de tests. C'est vertigineux. Il ne manque que la chnouffe et la Badoit. Aah non, la chnouffe on l'a faite, entre le Prozac et le CBD.

Lien 9

Encore un article élogieux sur un médicament générique hypolipidique, le fénofibrate.
Je n'en pense rien, continuez les recherches, les gars, et je m'informe sur la source, car j'ai vécu jadis à Belleville, juste au dessus de la synagogue, et les intégristes loubavitchs me fatiguaient avec leur racisme antigoy, mais Les décodeurs du Décodex ne pensent rien de i24news.tv, sinon que c'est une chaîne de télévision israélienne d'information en continu, diffusée à l'international, propriété du milliardaire Patrick Drahi. Objectif revendiqué en 2012 par ce dernier : « Montrer le vrai visage d'Israël au monde, sans être un instrument de propagande. » Dans les faits, certains observateurs jugent la ligne de la chaîne plutôt déséquilibrée en faveur d'Israël.

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Bon, comme promis, j'ai réussi à rendre cet article illisible en moins de trois quatre six heures, c'est cool. on ne m'ôtera pas de l'idée que beaucoup de gens cherchent de vieux remèdes à de nouvelles maladies, comme si "on" leur avait caché la panacée universelle, et cherchent la petite bête aux vaccins rien que pour faire chier. Les enjeux politiques mettent un bazar monstrueux dans les débats. Avec les variants, qui vont continuer à muter et à devenir de plus en plus costauds, s'il faut se revacciner tous les 9 mois, peut-on encore parler de protection vaccinale ? on est vraiment dans de l'inédit, du disruptif. De l'intersectionnel.
Une tribune dans le Monde, l'autre matin : le démographe Hervé Le Bras prend un peu malgré lui la défense du sociologue de la criminalité Laurent Mucchielli, réputé sulfureux sur les questions Covid, à la suite d'une controverse lancée par celui-ci :
Selon les rapports de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), les professionnels de santé ont constaté entre janvier et juillet 2021 un millier de morts en France parmi les personnes ayant subi des troubles à la suite de l’injection de l’un des quatre vaccins contre le Covid-19.
Mucchielli estime que l’ensemble de ces morts a été causé par les vaccins. Tout le CNRS lui tombe dessus en lui reprochant de sortir de son champ de compétences.



Hervé Le Bras : "La pandémie ayant déjà tué 120 000 personnes en France, ce qui représente au minimum 12 millions de contaminés, les projections estiment que la majorité des non-vaccinés seront atteints par le Covid-19. En supposant toutefois que 50 % échapperaient à la contamination, le risque d’attraper la maladie puis d’en mourir serait seulement divisé par deux, donc encore 250 fois supérieur au risque couru à cause de la vaccination."
Toujours le même argument, que le bénéfice l'emporte sur le risque ? in fine, oui, et c'est un bon argument en faveur du bien commun, n'en déplaise aux familles des victimes du vaccin (l'étudiant en pharmacie décédé de thrombose à 26 ans est le plus cité) à qui nous adressons nos sincères condoléances.
Apparemment, ce monsieur Mucchielli roule pour le gang des rassuristes, un sous-groupe de conspirationnistes pas aussi rassurants qu'ils le souhaiteraient. Ils minimisent l'impact de la pandémie. Dans quel but ? il faudra que j'approfondisse.


Mais qui s'occupe trop de clés devient serrure, dit-on en Turquie.


Tiens, les gars de Conspiracy Watch le tiennent aussi à l'oeil.


Et c'est moi qui ai dit qu'il ne fallait stigmatiser personne ? Me v'là beau. Heureusement qu'on reconnait un article de blog complotiste au fait qu'il est truffé d'hyperliens bourrés (complètement) d'infos invérifiables (au moins par leur suffocante surabondance) et qu'on n'a pas envie de le lire; je reconnais qu'à ce titre, le mien est gratiné. Même en insérant des blagues dedans, ça nous ramènera pas Steve (celui qui s'est noyé dans la Loire) car les blagues protègent encore moins que le vaccin. C'est peut-être ce que je voulais démontrer.
A vous les studios.

Doublement vaccinée dès 6 ans 1/2 de la main même de Stéphane Blanquer à la sortie de l'école, 
Sophie G. a attendu toute sa vie d'être contaminée par le variant indien
pour voir si ses anticorps la préservaient des formes graves.
Au soir de sa vie, la déception est immense de n'avoir pas été touchée par l'infection.

mercredi 25 août 2021

L'été où est-il ?

Où est-il l'été? L'été où est-il?
Boby Lapointe

J'ai attendu l'été tout l'été, mais dans mon coin de Loire-Inférieure dont je n'ai pas bougé, je vois bien qu'on est déjà fin août, et je commence à croire qu'il ne viendra plus, comme la Madeleine de Proust dans la chanson de Jacques Brel, et qu'il a sans doute été annulé en catimini par le gouvernement liberticide. Aaah, les salopiots. Et combien de temps vais-je regretter cet été mort-né, alors que de toute façon je ne peux plus m'exposer au soleil qu'avec des habits anti-UV, des chapeaux à la con et autant de crème solaire que si j'étais Coréen ? Après un an de traitement, me voici officieusement en rémission, mais condamné à vivre dans l'ombre de mon cancer de la peau, après l'épisode infection pulmonaire qui a bien failli avoir la mienne, mais qui n'était qu'un effet secondaire de l'immunothérapie, dont les soignants m'ont sauvé en interrompant le traitement et en me mettant sous corticoïdes, les mêmes que Pompidou, et ça fait du bien de revivre, et pas comme dans la chanson éponyme de Gérard Manset, bien que les corticoïdes aient un effet un peu excitant, c'est appréciable de n'être plus fatigable du matin au soir ni épuisé du soir au matin après toute une année énergétique en basse tension.
Et quand je pense à tous les autres trucs que je regrettais déjà avant l'été abrogé, et tous ceux dont je chérissais le regret, ici même, en ce non-lieu où j'ai poursuivi tant de chimères sans en rattraper aucune, pour me consoler compulsivement à la crème de mots de n'avoir pas su être celui que j'aurais voulu incarner ? Hein ? Hein ? Ah là là Akbar, je préfère n'y plus penser. Je vous préviens, il n'est pas question de reprendre ma vie d'avant. D'avant le cancer, d'avant la pandémie, d'avant l'abrogation de l'été par décret préfectoral.
Et cet été qui n'est pas advenu, rien ne me dit qu'il ne se défaussera pas de la même manière un peu cavalière l'été prochain. Je préfère ignorer ce qu'en pensent les Cassandres Anonymes du GIEC, qui ne se réjouissent pas vraiment du fait que leurs pires prévisions se réalisent beaucoup plus tôt qu'ils l'avaient eux-mêmes prédit. 
Sans parler de mon père, qui se prend désormais pour le Edgar Morin de Rumilly-les-Plouques, et qui prévoit, après avoir lu le Nouvel Obs "au sujet des perspectives climatiques et de leurs incidences pour les bipèdes dominants, pratiquement plus aucune chance d'échapper à la cata, en raison de l'incapacité de nos institutions (planétaires) à se réformer pour être en état d'y faire face (...) Je garde une infime lueur d'espoir (...) une chance de s'en sortir, pour le bipède, est que l'influence des femmes finisse par l'emporter. 
Mais comme Raymond Devos, "j'ai des doutes." 
Il me reste l'été de l'infini, que je n'ai pas entamé.
Quand je l'ai acheté, je lui ai fait croire
que j'allais l'emmener à la plage, 
mais on n'y a pas encore mis les pieds.
J'abonde dans son sens, je pense que la messe est dite concernant le devenir de l’espèce humaine, on a eu notre chance, on n'a pas su reconnaître à temps nos erreurs, place aux prochains candidats, souhaitons-leur de faire mieux, car les femmes, bien qu’elles soient pleines de bonne volonté pour réparer nos bêtises de bipèdes bourrés de testostérone, ne pourront guère absorber les gigatonnes de CO2 émises depuis le début de l’ère industrielle. Et où les stockeraient-elles ?
Que mon été ait été annulé, c'est pas pire : je ne peux plus m'exposer au soleil, il a fait moche, mais je viens de guérir d'une grave maladie et j'ai obtenu début juin un CDI à mi-temps, faut pas être trop gourmand non plus. Mais les gens qui venaient de passer une année 2020/202 anémiée par le Covid, ses confinements, ses couvre-feux et son pass sanitaire ? Tous ceux qui ont attrapé la pauvreté et qui vont sombrer dès que l'Etat cessera de les perfuser de ses aides ? Les jeunes qui ont eu 20 ans pendant la réclusion, les vieux qui sont restés claquemurés dans les EHPAD sans revoir les leurs ? Tous les gens qui ont passé des vacances en Réalité Réelle Ratée, comment vont-ils réagir ?

mardi 3 août 2021

Loukoum et Tagada contre les IgG anti SARS-CoV-2 (5)

Si vous respirez comme une vieille de 80 balais qui fume 3 paquets par jour (j'en connais) depuis plusieurs semaines alors qu'en fait pas du tout, c'est vraisemblablement que vous trainez une infection pulmonaire retorse et mystérieuse. Si elle s'avère résistante aux antibiotiques et ne peut pas tout de suite être cataloguée aussi facilement que vous le souhaiteriez dans la gamme des effets secondaires de votre immunothérapie, il se peut que votre oncologue vous adresse à un pneumologue pour en savoir plus, que celui-ci vous prescrive un test sanguin, ultime moyen de dépistage du Covid si le test PCR de la semaine dernière s'est révélé négatif, tout en lançant toute une batterie d'examens sanguins sur les maladies auto-immunes après avoir regardé vos scanners thoraciques de plus en plus alarmants en poussant des petits couinements d'impuissance dépitée. Il se peut aussi qu'il parte en vacances ou qu'il ne soit tout simplement pas disponible tandis que vous recevez le résultat par internet, et que vous soyez un peu démuni pour l'interpréter en l'absence de personnel médical spécialisé parmi vos proches.


Ainsi de cette sérologie, reçue hier soir après prise de sang, et qui semble afficher un taux d'anticorps anti SARS-CoV-2 S 22 fois supérieur à la normale. Heureusement que vous n'êtes pas hypocondriaque, que vous êtes juste malade, mais quand même, c'est troublant. Des articles scientifiques consultés sans pouvoir mettre la main sur des indicateurs chiffrés ajoutent à votre trouble :



Une amie infirmière rangée des voitures mais encore pertinente et qui trouve que ça fait quand même beaucoup, accrédite l'idée d'un douloureux combat intime entre les anticorps et le virus. Seriez-vous Survivor, à l'insu de votre plein gré ? Comme vous ne parvenez pas à joindre votre système immunitaire en PCV, malgré toute la méditation que vous faites quand vous parvenez à respirer, il faudra attendre l'avis d'un généraliste, celui-là même qui l'an dernier à la même heure confondit votre mélanome avec un inoffensif angiome, pour vous entendre dire qu'un tel taux d'anticorps IgG est juste révélateur de quelqu'un de correctement vacciné (j'ai eu deux injections d'Astra Zeneca dont la seconde remonte au 15 juin), malgré la formulation relativement ambigüe du résultat d'analyse.
Si cette info peut servir à quelqu'un, tant mieux.

////////////////////// Ma_Fâcheuse_Infection_Pulmonaire® est un spin-off (série dérivée) de Loukoum et Tagada contre Mélanie Mélanome, la création de John et Jeannette Warsen toujours en cours d'adaptation par les studios Disney, avec possiblement Scarlett Johansson dans le rôle de l'oncle Olog Black Window®, si elle accepte de ne pas demander des droits prohibitifs si la série sort en streaming avant de sortir en salles. ////////


lundi 28 juin 2021

Problèmes de succession

After one look at this planet, any visitor from outer space
would say "I want to see the manager"

William Burroughs

L'existence du Mal n'implique pas forcément celle du Malin, le deuxième principe de la thermodynamique (le principe d'entropie) y suffit amplement; tout comme l'existence du Bien n'implique pas celle de Dieu, qui, même s'Il existe, n'est pas souvent au bureau, et n'en a pas l'apanage. Le Bien, c'est ce qui est mieux que si c'était pire, et c'est la tâche de l'Homme. Dans la mesure où il l'accepte, en conscience, parce que s'il botte en touche et s'il préfère continuer à jouer les super-prédateurs qui se fout des autres espèces animales qui partagent son biotope, pas besoin d'être Cassandre-expert du GIEC pour deviner comment ça va finir :
« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, note le résumé technique de 137 pages. L’humanité ne le peut pas. »

si vous voulez sauver l'Humanité, lisez Pif le chien.
L'humanité ? le journal ? celui où je lisais Pif le chien quand j'étais petit ? Pif le chien qui pourrait sauver l'humanité, dans un bel élan de solidarité interespèces comme dans les livres de Baptiste Morizot ?
ça serait bath, mais d'après les experts du Giec, ça ne suffira pas. Adieu donc Pif le chien, adieu les maillots de bain grandes tailles en coton responsable de l'article précédent, adieu les disques de métal progressif expérimental, adieu les bédés à pot catalyptique de Caza et les films prophétiquement irrespirables pré-GIEC de Godfrey Reggio.
Et adieu la série Succession, qui décrit l'incurable arrogance des puissants, leur entre-soi carnassier et autophage, et suggère qu'ils ne renonceront jamais à nous envoyer dans le mur, en espérant que nous ferons ce qu'on nous dit de faire : rester à la place du mort pendant qu'ils sautent de la voiture en marche vers un ailleurs dont ils n'ont pas encore capté qu'il n'existe pas : ce monde n'a pas d'envers où fuir une fois qu'il est en faillite. 

Outrageous metaphor of the human family.
A éviter sans modération.
Qu'on puisse jubiler devant un tel spectacle audiovisuel produit par une grande chaine câblée américaine me contraint à y renoncer préventivement (au bout quand même de la première saison, histoire d'en bien comprendre les mécanismes d'attraction du public cible, éventuellement fasciné jusqu'au malaise) saisi d'un profonde gêne devant le déballage de comportements qui me rappellent bien des saloperies intra-familiales, les gros sous en moins.
Le futur ne ressemble jamais à la projection qu'on a pu en esquisser la veille avec les outils disponibles sur le moment. Mais les scientifiques du GIEC n'écrivent pas les scénarios de Black Mirror (dont le showrunner  Charlie Brooker a estimé qu’il n’était pas sûr que "le public puisse supporter une autre saison pour le moment", ce qui me permet de regarder encore moins de séries, au profit des livres de Rich Larson et des films de SF prétentieux et ratés, négligés depuis plusieurs années. 


Nouvelles de science-fiction asphyxiée :
Rich Larson remplit un réservoir inoxydable
d'avenirs dépités pour attraper des mélanomes
sans se soucier du reste
cet été sur les plages mazoutées.
La couverture évoque aussi
les aventures d'une Schtroumpfette chauve
dans un réacteur nucléaire en panne,
mais je ne l'ai pas encore atteinte.
A court terme, donc, adieu l'humanité, et bonjour les hordes. 
Comme dans « Les derniers rois de Thulé » de Jean Malaurie, qui raconte son séjour parmi une tribu d'Esquimaux très au nord du Groënland dans les années 50 : « Cette vie en groupe repose sur des règles sévères d’organisation sociale. Premier principe : le communisme ; le sol, les terrains de chasse, la mer, les grands moyens de production (bateau), les iglous appartiennent au groupe. Seuls, les instruments de chasse individuels sont propriété privée. L’héritage se limite à la transmission des effets personnels à la veuve ; traîneaux, kayaks, fusils, chiens – s’ils ne sont pas sacrifiés et mis près de la tombe – sont attribués, par le Conseil des chasseurs, généralement aux fils ou aux parents masculins les plus proches (frère, oncle). La société égalitaire, ennemie de l’accumulation et du profit, exige le partage immédiat du gibier chassé. La famille, cellule de base, n’est qu’une commodité de regroupement toute provisoire. La promiscuité sexuelle – d’un sens procréatif certain – a aussi pour but de corriger ce que le couple peut avoir d’aliénant pour les parties dans un esprit de possession réciproque. Chacun des conjoints appartient au groupe et il est bon, dans un esprit d’unité politique, que le couple soit de temps à autre cassé ! » 
Pas de propriété privée, échange de conjointes, Pif le chien de traineau toujours en tête de la meute pour sauver l'humanité, et puis ces Esquimaux qui ne cultivent d'autres désirs que ceux qu'ils peuvent assouvir dans un milieu très pauvre en ressources : je sais, je vends du rêve, mais il en faut bien un peu pour repartir en avant, comme avant. 
Quels critères rendront nos enfants plus aptes à survivre, sur une Terre redevenue hostile et concurrentielle, avec la sélection darwinienne jouant de nouveau à plein entre des espèces inédites qui ne sont pas encore apparues ? Vaut-il mieux leur acheter des bitcoins, des appartements à la montagne,  ou les inscrire à des stages survivalistes animés par d'anciens militaires un peu louches ? On voit bien que nos premiers réflexes risquent de ne pas être très pertinents face à l'ampleur du changement qui s'annonce.
Ces questions sont pour l'instant sans réponse. 
«Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement», plaide le rapport du GIEC. «Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation.»
D'habitude les futurologues ont la belle vie : plus on fait des prévisions à long terme, moins on a de chances d'être détrompé de son vivant. Mais là, on parle d'échéances à moins de trente ans.  Ca va venir vite. Au-delà d'une conversion massive au bouddhisme et à son enthousiasmant concept d'impermanence des phénomènes, il va falloir aller un peu plus loin, car on connait la qualité des décisions prises dans l'urgence collective, sous la pression d'évènements pas très joyeux : quasi-nulle. D'ailleurs, j'ai voté écolo aux Régionales, mais j'ai pas été élu. C'est dire le chemin qu'il reste à parcourir.
Si Pif le chien ne fait rien pour sauver l'humanité, voici à quoi pourrait ressembler le monde de 2050
(©Aâma de Frederik Peeters)

samedi 5 juin 2021

L'été sera chaud chez Hache & Aime

Après avoir encouragé la vocation de plusieurs générations d'adolescentes envers la maladie vraiment très sympa qu'est l'anorexie, les publicitaires de la mode prennent un virage à 180° et réhabilitent aujourd'hui la pêche au gros, sans tenir compte de l'épuisement de la ressource. 
Je vais leur écrire pour découvrir les modèles les plus irresponsables. S'ils en ont.

C'est un peu tard, les gars. Il n'est jamais trop tard, en principe, mais des fois, il est tard, quand même. Il y a un moratoire sur le thon rouge et le boudin créole en Méditerranée, je sais pas si vous êtes au courant. De leur part, c'est au moins aussi sincère et émouvant qu'Enedis (entreprise anciennement connue sous le nom d'EDF) faisant la promotion des éoliennes offshore, au mépris des pêcheurs bretons et de l'écologie littorale, après avoir combattu pendant quarante ans toutes les énergies renouvelables pour imposer leur dictature énergétique au tout-nucléaire.


C'est beau, aussi. Ca nous change des publicités pour maillots de bain portés par des sardines sans huile. Faut que je retrouve mon slip de bain en kevlar et mon fusil sous-marin au garage, l'été s'annonce exceptionnellement poissonneux. Sauf en Nouvelle-Calédonie, où un requin vient de boulotter un quatrième plongeur en moins de six mois, sans même recracher une arête. Selon notre envoyé spécial permanent là-bas, on est passés 1er mondiaux en terme de terrorisme requinal, plus personne n'ose se baigner nulle part, la psychose gagne...


Sur place, une société commercialise un sharkbanz, " bracelet équipé de puissants aimants de néodymium capables de perturber les récepteurs sensoriels des squales". Mais c'est déjà la rupture de stock. J'admire secrètement l’homme qui va nager équipé d’un sharkbanz : il fait preuve d’une foi dans la technologie (et dans la publicité) qui n'est pas la mienne. Surtout après quatre morts en l'espace de six mois. Un peu comme dans le proverbe africain « Celui qui avale une noix de coco fait confiance à son anus ». 

Cthulhu peut aller se rhabiller. Une nouvelle terreur monte de l'océan.

Et c'est bien joli de stigmatiser les squales, habituellement effrayés par l'homme, ou les publicitaires,  habituellement grossophobes, mais qui nous dit que la victime n'a pas été dévorée par un monstre issu des profondeurs revêtu de son Haut de maillot bandeau paddé à 4,99 € ?

La vengeance des sushis. Toshio Saeki est un génie

si tu as apprécié ce billet d'humeur, n'hésite pas à fréquenter sa soeur :


mardi 1 juin 2021

Aux promesses du vivant !

La part inconsciente de notre esprit est consciente de nous.
Ronald D. Laing

"Quel type de don mérite notre gratitude ? Le culte des ancêtres des traditions asiatiques est une inspiration intéressante ici, parce qu’il nous permet de changer la conception de ce envers quoi nous pouvons rendre grâce. Car il n’hérite pas de la folie douce caractéristique de la tradition occidentale, et probablement héritée du monothéisme anthropomorphique, suivant laquelle n’est un don impliquant gratitude que ce qui nous a été donné volontairement. Le Dieu judéo-chrétien, avec sa nature intentionnelle, consciente et volontaire, a fait muter le concept immémorial de don quotidien qui nous fait vivre (le fruit sauvage, l’eau qui désaltère, l’animal chassé), de manière que n’apparaisse comme un don que ce qui a été donné par une volonté consciente (la sienne). Par ce tour de passe-passe théologique, tout don qui n’est pas fait volontairement, et impliquant un sacrifice, n’est pas considéré comme un vrai don, il n’appelle pas gratitude : il est considéré comme un donné naturel, une ressource à disposition, un effet appropriable de la causalité matérielle qui régirait la “Nature”. C’est cette mutation qui a transformé nos rapports aux “environnements donateurs”. Lorsque plus tard l’on a cessé de croire en Dieu, renonçant aux bénédicités quotidiens pour le remercier du pain sur la table, nous n’avons pas su réinvestir cette gratitude vers ce qui nous donne effectivement le pain et l’eau : les dynamiques écologiques et les flux vivants de l’évolution qui circulent dans la biosphère et fondent sa continuité. Nous n’avons plus su qui remercier pour la joie d’être en vie, pour l’attachement mammifère à nos proches, pour les joies quotidiennes offertes par nos corps-esprit dessinés par l’immémoriale évolution. L’assimilation de cette nature vivante qui nous fait et nous reconstitue à une matière mécaniste et absurde a dérobé toute signification à la gratitude envers ce vivant qui pourtant nous fait vivre.

Or, le culte des ancêtres est une forme rituelle anthropologique qui a esquivé ce malentendu métaphysique : dans les traditions asiatiques où il a cours, nul besoin que les ancêtres aient eu la volonté ou l’intention de vous faire pour que vous leur deviez une certaine gratitude d’être en vie. Mais ici, le culte se décale : c’est aux ancêtres préhumains qu’il s’agit de rendre grâce, car ils ont été bien plus nombreux et bien plus généreux envers nous de toutes les puissances corporelles, mentales, affectives et vitales qui nous font, que ces quelques arrière-grands-parents qui nous ont légué un nom de famille, une montre en or, une maison de campagne ou un lopin de terre.

Peut-on imaginer des cultes de nos ancêtres préhumains qui feraient de nous des descendants moins oublieux ? Des rituels simples pour remercier, sans mélodrame ni religiosité outrée, ces ancêtres qui nous ont portés à bout de bras jusqu’ici, qui nous ont offert leurs puissances évolutionnaires et écologiques ? À quoi ressemblerait un autel à ancêtres destiné à tous ces aïeuls généreux ? Au petit mammifère placentaire, analogue à un mulot, survivant à l’extinction Crétacé-Tertiaire qui engloutit les grands sauriens, pour nous transmettre en relais le miracle de la vie sexuée, de la viviparité, de la plénitude affective de la parentalité. À la première cellule, qui, par endosymbiose, a incorporé en elle une bactérie devenue mitochondrie, organite qui actionne à chaque instant dans nos corps ce prodige qu’est la synthèse de l’énergie. À l’hominien couvert de fourrure, nu, qui a brillamment découvert le feu, et ce faisant originé, par la filiation comme par l’invention culturelle, la forme de vie que nous sommes.

Et, par extension, n’avons-nous pas besoin d’inventer des rituels de gratitude pour les pollinisateurs qui chaque année fabriquent le printemps végétal, vivrier pour nous ; pour la vie des sols dont la microfaune est le grand paysan acéphale ; pour les forêts bricoleuses du cocon respirable qu’est l’atmosphère ?

Peut-on imaginer d’injecter un peu de tout ce sens dans l’acte quotidien de saler ? Jetant une poignée de gros sel dans la casserole comme la sorcière dans la potion. Ou bien tapant trois fois rythmiquement de l’index sur la salière comme le moine zen sur son gong. Reconstituant ce faisant la salinité de la mer intérieure, celle de l’ancêtre que nous fûmes. Est-ce que cela pourrait faire remonter à la surface la sensation d’avoir été une éponge ? Pressentir les ancêtres qui bougent encore sous la surface de la peau. Qui nous fondent, qui nous ont légué nos puissances vivantes. J’étais éponge, bactérie, braise parmi les braises. De chaque forme de vie alentour peut naître une descendance pleine de possibles.
Levant nos verres, enfin : “Aux promesses du vivant !”

Morizot, Baptiste. « Manières d'être vivant. »