mercredi 9 mai 2018

Mon nombril, ma bataille (3)

Je discute avec mon psy des bienfaits du lithium, eu égard à ma situation subjectivement difficile de grande "vacance" professionnelle ces derniers temps. J'ai l'impression d'être en suspension sur un plancher de verre, d'où je peux voir les abysses souterraines dans lesquelles je n'ai pas jusqu'à présent chuté ou culbuté vers les Enfers, virtuels ou réels, quand je ne suis plus bon qu'à être nourri à la cuiller. A tort ou à raison, j'attribue cela aux vertus du médicament. Mais c'est peut-être du manioc magico-religieux, comme les liens que j'ai imaginés (bien que vécus) entre la cigarette et la lombalgie. Je suis incapable de m'en attribuer spontanément la paternité, mais si ça se trouve, l'impossibilité de sombrer dans une belle grosse dépression vient de moi et de mon expérience, ou même de Dieu, mais vu de la façon dont je prie, quand je prie, ça m'étonnerait.
Là, le bottom of ze bottom, je n'y ai pas accès, c'est comme un paysage sous-marin observé depuis un bateau à fond transparent dans les calanques marseillaises, où l'eau doit être assez dégueu, quand même. C'est comme un plafond de verre, mais à l'envers.
 Le plafond de verre, j'ai été obligé d'aller regarder sur internet, un jour tous les journalistes se sont mis à utiliser l'expression comme s'ils s'étaient passé le mot comme un virus, comme les "black blocs" quelques semaines plus tard, le plafond de verre, c'est le fait que, dans une structure hiérarchique, les niveaux supérieurs ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes, et que Femmes, Noirs, Musulmans, Enarques n'ayant pas fréquenté Polytechnique ou la bonne loge maçonnique, s'écrasent comme des merdes contre un plafond invisible en voulant prendre leur envol vers des postes avec plus de responsabilité et de rémunération.

Ma prochaine start-up :
les croisières Warsen à fond transparent
"20 000 lieues sous les cyberdeps"
Le plancher de verre du lithium, lui, me contraint à observer la dépression comme une féérie des fonds marins, joue écrasée contre la vitre transparente, en regrettant ou non (c'est laissé à mon appréciation) de ne pouvoir rejoindre l'inarticulé, le borborygme, le cri de dépit et d'effroi absolu.
Je viens de passer trois mois dans uns stase inconfortable, à somatiser plutôt qu'à intellectualiser, entre tabagie, stupéflip et mal de dos, là je suis abstinent de tout, mais alors INRI pas du tout.
INRI pas du tout, c'était une blague sacrilège d'un membre des AA qui avait dessiné de façon très réaliste pour la gazette interne du mouvement un Christ crucifié sur un tire-bouchon orné de l’inscription " INRI pas du tout" et qui s'était évidemment fait tomber dessus par les Vieux Crocodiles AA, qui y avaient vu la religion tournée en dérision, bien que je ne pense pas que ce soit ce qu'il ait voulu dire, mais enfin il endurait une forme de rejet au sein même du mouvement réputé accueillir tous les membres animés d'un "désir sincère d'arrêter de boire", même les rechuteurs au long cours, et sa disgrâce était mal vécue par l'intéressé, très perturbé par sa provocation et pensant être sur le point de se faire excommunier. Il en faut heureusement plus que ça pour se faire chasser des AA, il faut quasiment s'auto-exclure et ne pas revenir, sinon la porte est toujours ouverte.

Devant mes aveux tourmentés d'envisager de chercher du boulot ailleurs et de tenter de faire du commercial, le psy me parle d'actions visant à conforter ou compenser le postulat "je ne suis pas à la hauteur", c'est vrai qu'il m'a connu surtout sur ce mode, et comme il est en forme il m'explique qu'un postulat désigne un principe non démontré utilisé dans la construction d'une théorie mathématique.
Un autre mathématicien peut très bien arriver par derrière et mettre le postulat par terre, toutes les théories qui en découlent sont à jeter elles aussi; ce qu'il veut me suggérer c'est que j'essaye de faire différemment de d'habitude quand je me prends la cabane sur le chien.
C'est encourageant.

mercredi 25 avril 2018

Mon nombril, ma bataille (2)

Le dimanche où je ré-ré-ré-ré-ré-arrête de fumer, le point de douleur dans le bas du dos (de mon dos à moi que j'ai) s'évanouit comme il était venu en refumant.
C'est vrai que la kiné m'a donné la position du cobra  à faire 10 30 fois par jour, mais quand même.
Un soulagement si miraculeux, y'a de quoi sombrer dans le manioc magico-religieux pour les esprits fragiles, dont je suis à nouveau depuis quelques mois que le spectre du chômage tend ses bras hideux au-dessus de mon psychisme accablé par :
- le manque.
- la peur du manque.
- le manque à gagner.
- la peur du manque à gagner.

Arrête de faire le cobra,
mets un slip et viens à table,
répète ma femme toute la Sainte journée.
Sortir de l'inhibition de l'action : ça fait des jours que je regarde le mur au bureau en attendant que le téléphone sonne et que ce soit un client, mais à chaque fois c'est un sosie téléphonique du neveu d'Omar Bongo qui veut me vendre un séjour gratuit à Marrakech.
Depuis janvier, d'abord je passe quelques semaines à en vouloir silencieusement à mon associé qui n'a pas développé l'aspect commercial de notre petite entreprise, ensuite quelques autres semaines à me détester de vouloir me tirer de là comme un voleur, mais quand même notre boutique elle est comme un avion sans aile alors elle peut pas voler, puis je me dis que ce n'est pas lui faire un enfant dans le dos que de vouloir faire des vacations ailleurs, ça prolonge d'autant la vie de la boite en faisant l'économie d'un salaire si l'activité ne repart pas, j'ai pas noté tous les stades de rancoeur par lesquels je suis passé mais c'était assez tortueux, les états émotionnels sont volatils, surtout quand on croit qu'ils ne sont pas émotionnels, il faudrait prendre des notes et j'étais trop occupé à vivre mon malaise, j'étais aussi dans une grande dépendance psychologique vis-à-vis de mon collègue, donc forcément c'est un arrachement de passer par ces phases mystiques de rumination de ressentiment, et surtout s'il lit ça qu'il n'en prenne pas ombrage, c'est passé.
Journée consacrée à la recherche d’emploi, une heure pour mettre une photo dans mon CV sous Word, le plus dur c'était d'en trouver une où je souris, je ne t’en dis pas plus sur comment ça part bien. Je m'aperçois que d'un point de vue professionnel, il est quand même beaucoup plus tard que je ne le pensais.
Sans parler des autres points de vue.
Ni du fait de ne pas vouloir redevenir esclave de la plante (à fumer), ce qui peut être la meilleure porte d'entrée pour la rechute.
Car comme le dit mon coiffeur, "j'arrête, je reprends, j'arrête, je reprends. Et le meilleur, c'est quand j'arrête, je me dis "mmmmh, qu'est-ce que ça va être bon quand je vais reprendre !"

samedi 14 avril 2018

Mon nombril, ma bataille (1)

Je voulais écrire un article sur les vertus détoxifiantes de la sève de bouleau, prélevée à même l'arbre avec une perceuse, des canules en plastique et des bouteilles de vin ordinaire, à condition que votre voisin octogénaire vous en ait vanté les mérites dès le mois de février, parce que ça ne coule que jusqu'en mars.
J'avais alors l'impression de me rapprocher de la Nature, même en devenant une sorte de vampire d'arbre.
J'ai commencé une cure de trois semaines, que j'ai dû interrompre rapidement parce que j'ai refait un lumbago (que j'attribue psycho-somatiquement à la reprise du tabac à fumer après juste 15 jours d'arrêt), et les anti-inflammatoires m'ont mis les tripes en l'air, et je ne voulais pas cumuler ça avec les effets purgatifs de la sève de bouleau, et puis après quand j'ai renoncé aux anti-inflammatoires j'ai voulu reprendre ma cure de bouleau mais ça faisait trois semaines que la sève était au frigo et elle avait un peu fermenté, alors l'effet immédiat ça a été comme si j'avais avalé une marmite de verre pilé, et j'ai tout jeté mon jus d'arbre dans l'évier, bonjour le gâchis c'était navrant mais merci bien.
Depuis quelques semaines, j'erre à nouveau dans les allées du salon de l'auto-apitoiement, suite à une baisse vertigineuse d'activité professionnelle qu'on pourrait assimiler à une quasi-disparition, heureusement que j'ai le lithium parce que sinon ça serait sans doute pire, le médicament lisse les effets de la panique égotiste, à moins qu'il induise de lui-même ces phases alternées d'excitation et d'effondrement entre lesquelles mon cerveau peine à trouver aujourd'hui un juste milieu, accablé par un sentiment d'inutilité induit par le chômage technique et bientôt la diminution subséquente de mes ressources. Je rêve de refaire du documentaire, mais c'est un songe absurde, ça fait vingt ans que j'ai quitté Paris et il n'y a plus aucune sonnette que je puisse retourner tirer. L'éventualité de me remettre sur le marché de l'emploi régional à mon âge, c'est juste une mauvaise blague.
Depuis que j'ai compris que j'étais un vieil aigri, et que c'était moi qui m'étais moi-même fait le coup, je suis un peu soulagé que tout soit une nouvelle fois de ma faute, smiley pendu avec l'oeil qui sort, mais ça ne me rend pas mes couleurs.

J'aurais pu tuer ma poule en lui récitant ce Télérama,
mais ça aurait duré encore plus longtemps.
Une fois encore, la culpabilité, le regret et la négativité sont sans doute des paravents cache-misère à l'immobilisme.
Hier soir j'ai achevé "la jolie petite poule rousse qui ne voulait pas mourir" à coups de gourdin chirurgical, elle avait attrapé la coccidiose dix jours plus tôt, et je ne supportais plus de la voir se tordre au sol nuit et jour, après avoir essayé de la sauver avec des médicaments onéreux qui ne lui ont fait aucun effet. Dans nos contrées, on n'est pas préparé culturellement à tuer un animal à coups de gourdin chirurgical (j'avais peur de la rater à la hache), surtout si il nous a accompagnés pendant des années au jardin, surveillant nos activités d'entretien des bordures d'un oeil vigilant, des fois qu'on mettrait à jour un ver de terre ou une succulente larve de hanneton. Et puis j'ai aussi beaucoup de compassion pour mes poules alors que j'ai du mal à interagir avec les membres de ma famille, et ça c'est pas bon signe non plus. "Ca sent la fin, la cabane est sur le chien" est une ancienne antienne, mais la reconnaitre comme si je l'avais faite n'enlève pas grand-chose à son alacrité.

C'était une erreur de créer ce blog pour mesurer mes progrès à me détacher du virtuel.
Ou alors l'objectif caché c'était de m'enseigner combien je me trompais en me payant de mots, et alors là, c'est réussi, et la leçon ne manque ni de sel, ni de poivre.
Merci à mon fils pour le titre.

samedi 10 février 2018

Les nouveaux nouveaux philosophes

A Paris en décembre, je suis repassé devant Les Intondables,  
mon coiffeur du bout de la rue des Pyrénées.


Sur leur porte, y'a toujours écrit
Paris, Gif-sur-Yvette, Ouagadougou.


A Nantes, je vais maintenant chez 
La mèche rebelle, à côté du boulot.


Gildas m'a fait découvrir le très saint Livre.


J'ai tellement ri dans son salon en attendant 
mon tour que j'ai dû le refermer.


C'est écrit sur les murs, 
par les nouveaux nouveaux philosophes, 
qui allient concision et intransigeance.



C'est un livre qui fait comprendre 
(s'il en était encore besoin)
que l'esprit souffle il veut, 
et surtout dans la rue, 
bien plus que sur mon blog.



Le livre coûte 9,90 €, 
et honnêtement, c'est donné.
Heureusement, pour les nécessiteux, 
il y a aussi un tumbler.

http://graffitivre.tumblr.com

samedi 3 février 2018

Convertir un livre Kindle en Ebook ePub for PC/Mac


J'ai acheté un livre au format Kindle chez amazon ( "le Filth de Grant Morrison sans peine"), car il était bien moins cher.
Pour le convertir en ePub, j'ai suivi ce topic, qui marche.

https://www.mobileread.com/forums/showthread.php?t=283371

Les solutions à base de conversion de fichier mpeg2 azw3 sont malheureusement obsolètes, car les kindle ne sont plus livrés en mpeg2 azw3 mais dans un nouveau format super-propriétaire de Jeff Bezos qui vient te péter la gueule chez toi en slip s'il apprend que t'essaies de le pirater.

mardi 23 janvier 2018

Dieu est un chargeur allume-cigares USB (9)

Résumé des chapitres précédents :
Après avoir rédigé son testament et légué son disque dur à sa femme, Warsen part travailler un week-end à Orléans grâce à son GPS de voiture.


9.

Pendant le trajet, je ne puis m’empêcher de songer que toutes ces trépidantes péripéties électro-ménagères, qui ont vu le Triomphe in extremis de la Volonté sur l’Entropie, ont été un peu téléguidées de Là-Haut, car enfin, 
1/ si d'une part ma chaudière n’avait pas pris feu, induisant le passage dans les recoins les plus salissants de mon domicile d’une armée mexicaine de mercenaires de la dépollution qui ont plongé mon chauffe-eau dans un profond sommeil, 
2/ si d'autre part j’avais eu du liquide sur moi quand l’électricien est venu réveiller le chauffe-eau endormi
3/ je n'aurais pas eu à m'enquérir par avance de l'état de mon GPS pour aller le payer, 
4/ je ne me serais pas aperçu qu'il était inutilisable,
et 5/ je me serais retrouvé comme un (gros) con dès vendredi soir, au moment de partir pour Orléans, avec d’un côté une adresse d’hébergement sibylline, délivrée par bribes par un standardiste ivre et d’après son accent prononcé, probablement maghrébin, adresse située dans une zone orléanaise suburbaine non documentée sur les cartes routières, et de l’autre un GPS hors d’usage...
et qu’aurais-je fait, moi qui me prétends si drôle et si malin et demi ? hein ?

Tout en maudissant mon incurie dans le jour déclinant, j’eus été contraint de remettre la main sur un vieux grimoire que les Anciens dénommaient craintivement « Atlas routier », de préparer mon itinéraire sur papier, puis de partir à l’Aventure en remettant mon sort à la Divine Providence, vis-à-vis de laquelle je ne nourris, je dois l'avouer, aucune confiance excessive.
Or chacun sait, et nul n’ignore, que les fonctions cognitives les plus naturelles, comme le fait de concevoir un trajet d’un point A à un point B à partir d’une carte d’état-major, se sont beaucoup dégradées depuis que nous avons collectivement abdiqué notre sens de l’orientation devant une armada de petites machines portatives remarquablement astucieuses, (toutefois dotées de branchements fragiles à manipuler avec précautions), dont l’invasion dans notre quotidien a précipité l’effondrement de notre capacité à naviguer « à l’estime », comme on disait dans la Marine Royale au XVIIème siècle.
Mon établissement d'itinéraire aurait à coup sûr été aussi laborieux que la rédaction de cet article, qui je vous l'assure, est tout sauf une partie de plaisir coupable.
Alors que là, l'enchainement des causes et des effets a produit des circonstances favorables à l'évitement d'une catastrophe logistique.
C'en est pour ainsi dire miraculeux.

Je me dis que l’Univers me fait un petit cadeau, pour me prouver son amour.
Que Dieu me tapote gentiment l’épaule en me faisant un gros clin d’œil.
C’est si rare, que c’en est ineffable.

Je me rappelle d’un directeur d’agence de communication qui m’avait raconté dans des circonstances très particulières qu’il croyait en Dieu dur comme fer depuis qu’un jour, violemment agressé à son domicile par un malfaiteur et sentant sa fin prochaine, il n’avait dû son salut qu’à l’irruption inattendue d’un voisin, qui avait entrainé la fuite de l’assaillant.
Plus de trente ans ont passé depuis l'incident. Je jette un œil sur l’agence de comm' en question, elle existait toujours en 2006 et s'était spécialisée dans le Marketing de la Permission et du Désir, et dans La Stratégie du Sherpa au service de l’Inbound Marketing.
La Révélation reçue par Gabriel S. n’a pas l’air d’avoir fait beaucoup dévier le parcours de sa life marketée Permission/Désir (vis-à-vis de laquelle je ne m'inscris pas en faux, mais c'est une autre histoire.)

Et si je crois vraiment que Dieu Se Manifeste à travers des évènements aussi triviaux que la Guérison Miraculeuse et Préventive des chargeurs allume-cigares USB, vraiment, je suis foutu et bon pour le cabanon.
Si je me crois béni des Dieux, même momentanément, à ce compte-là, le neveu de 21 ans de Matt Brilland (mon peintre en bâtiment du dimanche), qui se prend un arbre sur la tête sur une piste verte au cours de la tempête de fin décembre et qui en décède sur le coup est lui maudit des Dieux, et alors c'est la Grande Loterie, et à quoi bon se raser ? et l'hérésie de la déréliction n'est pas loin.
C'est pas qu'on soit Godless, comme l'éponyme série Netflix, divinement photographiée mais piètrement scénarisée, mais enfin, quand même, aucun évènement advenant dans la sphère humaine ne peut prétendre avoir été programmé par Dieu, ou alors Il Est Bourré la plupart du temps, comme le chantait Tom Waits avant d'être rattrapé par la foi du charbonnier. 
Bourré, ou en congés maladie de longue durée; et il faut se résoudre à ce que, s'ils sont connexes, les mondes humain et divin soient disjoints, et très peu communicants ; et l'aphorisme selon lequel "bienheureux soient les fêlés car ils laissent mieux passer la lumière" est débile, des fêlés j'en connais, ils laissent passer la souffrance et la confusion, end of transmission.
Enfin, je suppose que c'est toujours plus charitable que de parler de cet enculé de Dieu qui n'existe toujours pas, selon mon très malsaint père.
N'empêche. 
Si le coup du chargeur USB/12v ne relève pas d'une Intervention Divine, c'est quand même vachement bien imité.

lundi 22 janvier 2018

Dieu est un chargeur allume-cigares USB (8)

Résumé des chapitres précédents :
La prise de l’alimentation du GPS à Warsen, elle est cassée. Il cherche à la remplacer, pour accomplir son destin de travailleur migrant et aller arrondir ses fins de mois à l’étranger.(Orléans, 319 km)

8.
Le Leclerc Meubles & Multimédia de Basse-Goulaine est un temple Shintoïte de l’élégance et du bon goût à prix discount. Comme le note un certain Kevin S. sur le Google Maps de l’établissement :

« Pas mal de choix et donne l'impression d'être plus grand que son prédécesseur a l'intérieur du Leclerc, a en donner presque le vertige lorsque l'on entre si tant est que l'on soit habitué à l'ancien Leclerc Meuble & Électroménager. L'agencement des rayons est rationnel et plaisant. Juste une légère impression d'être suivi du regard dans certains rayons. J'y retournerai. »

Rationnel et plaisant ne sont pas les premiers adjectifs qui me viennent en tête alors que je suis en quête du raccord maudit. Et je n’ai pas le temps d’avoir une légère impression d'être suivi du regard dans certains rayons, parce que le nombre de vigiles (déguisés en clients banalisés) au kilomètre carré dépasse l’entendement. Je localise un premier gisement d’accessoires « Téléphonie et gps » qui me ferait accroire, moi qui ne suis pas de la partie, que les gens passent leur temps à surfer sur Internet sur tablette Androïd, à s’envoyer des sms et à se branler sur les réseaux sociaux quand ils sont au volant de leur véhicule à combustible fossile, grâce aux kits mains libres et multimédia. 
C’est franchement impressionnant de voir à quel point les fabricants d’accessoires high-tech ont su capter l’air du temps de l’accidentologie moderne à bord d’un lecteur MP3 à écran tactile éventuellement pourvu de roues et d'un moteur à combustion.
Comble de malchance, j’ai volontairement attiré l’attention d’un vendeur* qui ne voit pas plus loin que le bout de son présentoir, et qui y regrette autant que moi l’absence manifeste de câble d’alimentation pour TomTom XXL.

Ceci n'est pas un sextoy.
Il me faut puiser dans mes réserves d’indignation à l’idée qu’un tel objet puisse ne pas exister dans ce continuum pour enfin mobiliser ses forces vives, et découvrir ensemble un second gisement d’accessoires nomades indispensables pour rester connecté sans tomber à court de batteries (sic), absurdement situé à quelques encablures du premier, et y dénicher la perle rare, à 19,90 prix maximum conseillé. Mais en achetant le câble non inclus qui est vendu séparément, j'en ai bien pour 25 €, une folie, par les temps qui courent, mais au diable les varices, je suis en mission pour une station de télévision régionale du service public, et je me dois à mon public, puisque ma mission lui rendra service.
A partir de là, tout s’enchaine avec une logique implacable, comme dans un film américain : je laisse le vendeur à la stupeur bienheureuse d’avoir découvert un nouveau rayon dans son magasin, paye mon achat, regagne ma voiture, mets le contact, enfourne avec délicatesse le sextoy la fiche USB dans la prise allume-cigares, un sourire de contentement s'esquisse sur mes lèvres purpurines de cheval, puis je programme l’adresse de mon électricien sur mon TomTom XXL Ressuscité d'Entre Les Morts, dépose une lourde enveloppe de billets non numérotés dans sa boite à lettres, et le soir même, après le travail, je pars pour Orléans, où m’attend un lit douillet dans un hôtel de seconde classe de la zone industrielle.

(A suivre)

* Je suppose que tout le monde dans l'honorable assistance connaît la devinette éculée : 
« Pourquoi Moïse a-t-il erré 40 ans dans le désert ?
- Parce que les hommes ont horreur de demander leur chemin.» 
Chaque fois que les circonstances l’exigent, je mets un point d’honneur à faire mentir cette sinistre plaisanterie affreusement vraisemblable, à tel point que hier soir je me suis retrouvé à demander conseil à un vendeur femme au rayon luminaires de Mr Bricolage pour une sombre histoire de néons LED et de Starter qui refusait de starter. Un conseiller féminin dans un magasin de bricolage ! 


« Ça » ne peut s’expliquer que par l’influence néfaste de la statue du clown maléfique de Stephen King devant le MacDo de Basse-Goulaine.