lundi 3 août 2009

ma vie sans internet 1/4

LE MONDE | 24.08.09 | 17h39 •

La rédaction du Monde.fr
Regardez bien cette salle. C'est la rédaction du Monde.fr. Une forêt d'écrans, de gens qui vivent Web, parlent Web, respirent Web ; des êtres constamment connectés, à l'affût de la dernière information, à l'écoute du Réseau. D'ordinaire, je suis comme eux : habituée à sentir battre le monde depuis mon écran. Mais aujourd'hui, tout cela m'est interdit. J'ai commencé une diète : ma semaine sans Internet. Et comme mon rédacteur en chef goguenard se tue à me le répéter : "pour que l'expérience fonctionne, tu n'as pas le droit au moindre écart !"

Au départ, c'était une idée simple, banale. On se demandait en riant "comment c'était, avant ?" Avant ou plutôt hier, il y a 15 ans à peine. Comment vivait-on sans Internet ? Comment travaillait-on quand on était journaliste ? Comment faisait-on pour être en contact avec ses amis ? Qu'est-ce qu'on inventait quand on s'ennuyait ? Plutôt que de demander à d'autres, j'ai décidé de jouer le cobaye. De passer une semaine sans connexion. Ça a l'air idiot, on en rêve tous quand on est en vacances. On veut se couper du monde et de ses objets aliénants : l'ordinateur ou le téléphone portable. Mais pour une jeune journaliste de 23 ans, nourrie aux mamelles du numérique, c'est l'enfer, une plongée dans un monde sans lien, lent, fragmenté.

Mission n° 1 : Ecrire un article
Le problème commence ici. Jamais je n'ai travaillé sans navigateur ni onglets. Il faut réapprendre les fondamentaux. Comment trouver un sujet ? Je prends les journaux. Mes collègues sont hilares. "Il s'est passé des trucs au Groenland ce week-end, jette un œil." Effectivement : les habitants de la "terre verte", sous férule danoise depuis trois cents ans, ont célébré, dimanche 21 juin, leur nouveau statut d'autonomie élargie. Si j'arrive à grappiller quelques éléments de contexte et à joindre deux spécialistes, je pourrais m'aventurer à écrire quelque chose.
Le hic, c'est que la rédaction ne possède aucun annuaire. Il n'y en a même jamais eu. A quoi bon s'encombrer de livres quand on a sous la main un moteur de recherche. En temps normal, je taperais "autonomie du Groenland" dans Google. Après un passage express sur Wikipedia, je traînerais sur quelques-uns des milliers de sites consacrés à l'île arctique, ses habitants, son artisanat et son sous-sol, potentiellement riche en hydrocarbures. J'absorberais une quantité effroyable d'informations – dont certaines inutiles – de manière concentrée. Mais aujourd'hui, je suis seule et mon cerveau est en manque. Un collègue m'encourage : "Tu n'as pas le choix, file au journal".
Le temps de prendre un café, un bus et de traverser le 13ème arrondissement de Paris, j'émerge, mal réveillée, boulevard Blanqui. Heureusement, la maison mère a gardé le goût des vieux imprimés. Le long des murs du service de documentation s'étalent des centaines de dossiers classés. J'espère trouver mon bonheur au milieu de ces milliers de pages consciencieusement dépouillées, mais j'ai beau chercher, le Groenland fait rarement les gros titres de l'actualité. Direction le sous-sol.
"Ici, m'explique la documentaliste, c'est l'antre du journal, sa mémoire vive." Mis à part quelques habitués, rares sont les journalistes à y pénétrer. Nous longeons les armoires coulissantes. Quatre niveaux entiers sont consacrés à Jacques Chirac, mais pas la moindre trace de l'île nordique. Je commence à perdre espoir quand la documentaliste extrait une fine pochette d'un vieux dossier cartonné. A l'intérieur, une cinquantaine de coupures jaunies. Je tiens mon trophée, ma dose d'info.
Trois étages plus haut, un collègue a pris soin de débrancher mon ordinateur. "Comme ça, dit-il, tu ne seras pas tentée". Mais je suis bien trop absorbée par mon sujet pour penser à me connecter. Des premières missions polaires emmenées par Paul-Emile Victor aux reportages de Robert Guillain et Robert Pommier au-delà de Thulé, station la plus au nord, j'explore les moindres recoins du pays esquimau.
En deux heures, j'ai emmagasiné suffisamment d'informations pour cerner un peu mieux mon sujet. Reste à en discuter avec les personnes concernées : experts, marchand de pétrole ou simple Groenlandais. Commence une longue série de coups de fils aux renseignements. Je vous épargne la retranscription fidèle de ces entretiens calibrés avec les agents du 118 xxx. Tout ce qu'il en ressort, c'est qu'il n'y a personne à l'ambassade du Danemark, personne à l'IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques), personne à Thulé.
La marque du combiné s'est profondément imprimée sur ma joue et je n'ai toujours rien pour commencer mon papier. Partagés entre l'hilarité et la compassion, mes collègues tentent de me remonter le moral. "Il ne se passe rien sur Twitter. Rien qui vaille vraiment le détour…" D'autres ironisent : "C'est un bizutage ? Ils veulent te punir au Web ?" Je ne relève pas. Il serait tellement plus simple de pianoter un nom ou de me rendre sur le site d'une publication spécialisée. Au lieu de ça, je traîne ma cécité de répondeurs saturés en standards occupés.
Je dégotte enfin un numéro au Groenland. Mon interlocuteur est censé plancher sur les questions énergétiques au sein du gouvernement autonome. Bref instant d'excitation. Je me lance. "Bonjour, je souhaiterais parler à Ioan Skolnielsen." Réponse glaciale : "je suis en réunion, rappelez demain". Trois appels et deux messages plus tard, Yves Mathieu décroche. Il travaille à l'Institut français du pétrole. La discussion dure une trentaine de minutes. J'ai des chiffres, quelques citations à placer, un embryon de perspective. Reste à écrire le papier.
Dehors, une douce lumière de fin de journée berce le boulevard Blanqui. Le métro recrache par vague son lot de messieurs cravatés. Des jeunes filles pendues au téléphone trottinent sous les arbres en fleurs. Je suis restée seule à la rédaction avec mes clopes, mon carnet de notes et mes sept cafés. Les mots ne viennent pas. J'ai perdu un temps fou (trois heures, peut-être quatre) à pêcher des contacts. Le sentiment d'avoir passé la journée à me battre contre des moulins. Et tout ça pour quoi ? Un article que personne ne lira jamais. Je n'ai pas réussi à le finir à temps.
(Demain, mission numéro 2 : essai d'appréhension critique de sa propre bêtise)

Elise Barthet

lundi 20 juillet 2009

Internet rend-il bête ?

NOUVELLES TECHNOS -
Comment notre cerveau s'adapte-t-il au Net ?
Certains craignent l'avènement d'une pensée zapping et la mort de la lecture “à l'ancienne”.
Un scénario que d'autres estiment alarmiste.

Télérama / Le 23 juillet 2009 à 10h00


« Ces dernières années, j'ai eu la désagréable impression que quelqu'un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Je ne pense plus de la même façon qu'avant. C'est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. [...] Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages. [...] Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement. Auparavant, j'étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski. s» En écrivant ces lignes dans un article du magazine The Atlantic de juin 2008, l'essayiste et blogueur américain Nicholas Carr a déclenché un immense débat, qui n'en finit pas de rebondir sur la Toile et à la une des magazines. Son article s'inspirait de son expérience personnelle de lecteur, pourtant averti, à l'ère de la révolution numérique. Peut-on généraliser cette expérience ? Sommes-nous en train de devenir des obèses mentaux, gavés d'informations, au sens où notre cerveau serait en train de subir les mêmes effets que nos corps déformés par la surconsommation et la malbouffe ?
On objectera qu'à chaque révolution technologique ressurgissent les mêmes questions : avant Internet, l'invention de l'écriture avait, déjà, soulevé les craintes des penseurs. Ainsi, dans le Phèdre de Platon, le personnage de Socrate se livre à une attaque en règle de l'écriture. Il reconnaît bien sûr que celle-ci présente l'avantage de faciliter la remémoration. Mais il craint que l'on se repose de plus en plus sur les mots écrits, sur la masse de ces informations « stockées » sur le papier comme substitut à la connaissance réelle. C'est ce que Platon appelle un pharmakon : c'est-à-dire à la fois le poison et le remède, le problème et la solution. Le spécialiste des technologies de l'écrit Alain Giffard a justement entrepris d'évaluer, loin des querelles entre pro- et anti-Internet, ce nouveau pharmakon qu'est le Web, et a livré ses conclusions dans un vivifiant chapitre du recueil Pour en finir avec la mécroissance.

Entre les mails, les alertes, le relevé de nos fils RSS…,
nous sommes bel et bien entrés dans l'ère
de la distraction perpétuelle.

C'est un fait : lorsque nous sommes connectés au Web, nous lisons. Mais de quelle lecture s'agit-il ? Certainement pas de celle entendue comme exercice spirituel préparant à la méditation, telle que Sénèque la décrit dans la Lettre 84 à Lucillius, où il conseille de recopier sur des tablettes des extraits des textes lus, de les classer, de bien les digérer, afin de les faire passer « dans notre intelligence, non dans notre mémoire ». Il ne s'agit pas non plus d'une simple consultation comme sur un écran de distributeur d'argent pour contrôler des opérations, mais d'une lecture d'un genre nouveau, qu'Alain Giffard nomme « lecture numérique ». Votre­ lecture se fait alors avec un temps plus long consacré à la navigation, à la lecture « en diagonale », non liné­aire, à base de liens hypertextes, plus sélective et parfois en interaction avec d'autres lecteurs. Une lecture qui est aujourd'hui assistée par de nombreux petits logiciels, filtres ou agrégateurs de nouvelles (Netvibes, Google Reader). Une lecture où vous pouvez mettre en commun vos marque-pages et vos notes.
Or, chacun d'entre nous en a fait le constat : entre les mails, les alertes et, pour certains, le relevé de nos fils RSS et des messages sur les sites de partages sociaux (Twitter, Facebook...), nous sommes bel et bien entrés dans l'ère de la distraction perpétuelle. La lecture ayant une influence déterminante sur les structures d'activité dans notre cerveau, on ne peut alors s'empêcher de se demander : est-ce grave, docteur ?
« Plus que tout autre organe, le cerveau est conçu pour évoluer en fonction de l'expérience - une fonctionnalité appelée la neuroplasticité », rappelle Roland Jouvent, qui dirige le Centre émotion du CNRS, à la Salpêtrière, et qui vient de publier Le Cerveau magicien. De même qu'il s'est adapté à l'arrivée de la radio, du cinéma, de la télévision, il se modifie sous l'effet de nos pratiques de lecture en ligne. On sait généralement que les capacités d'apprentissage sont spectaculaires chez l'enfant, mais elles peuvent l'être tout autant chez l'adulte. Une étude récente réalisée chez des chauffeurs de taxis londoniens a montré que les zones de leur cerveau qui contrôlent la représentation de l'espace sont particulièrement développées. C'est que, pour obtenir leur licence, ces chauffeurs doivent passer un examen très sévère afin d'évaluer leur connaissance des milliers de rues de la ville. En ce qui concerne Internet, nous disposons déjà d'une étude pilotée en 2008 par Gary Small, de l'université de Californie. Selon le centre de recherche sur la mémoire et l'âge, la lecture et la navigation sur le Web utilisent le même mode de mémorisation et stimulent les mêmes centres d'activité du cerveau. Mais la recherche sur Internet stimule également des secteurs liés à la prise de décision et au raisonnement complexe. Ce qui constitue à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : avec l'âge, surfer sur la Toile vous aidera à entretenir et à aiguiser vos capacités cognitives, un peu comme les mots croisés.

Les sollicitations par le biais du Web - une information
par e-mail ici, une vidéo sur YouTube là, un twitt ailleurs -
nous permettent de cliquer toute la journée à la poursuite
des meilleures récompenses...

D'un autre côté, les multiples prises de décision que ce surf implique consommeront une partie de votre énergie mentale... Un épuisement qui peut être renforcé par la dimension potentiellement addictive du Net : on le décrit souvent comme une « boîte de Skinner », conçue dans les années 30 par le psychologue du même nom pour mettre au jour les mécanismes de la dépendance. Ce dispositif montrait que les plus irrésistibles des récompenses ne sont pas celles qui reviennent invariablement, mais celles qui arrivent au hasard. Les sollicitations par le biais du Web - une information par e-mail ici, une vidéo sur YouTube là, un twitt ailleurs - nous permettent donc de cliquer toute la journée à la poursuite des meilleures récompenses... Katherine Hayles, professeure de littérature à la Duke University, en Caroline du Nord, a constaté, il y a quelques années, qu'elle ne parvenait plus à faire lire un livre de Faulkner à ses étudiants. Elle en a fait un article - longuement commenté par le philosophe Bernard Stiegler dans son livre Prendre soin de la jeunesse et des générations -, dans lequel elle distinguait l'attention approfondie de « l'hyperattention », caractérisée par des changements soudains d'objectifs et de tâches, une préférence pour les flux multiples d'informations, la nécessité d'un haut niveau de stimulation et une faible tolérance de l'ennui. Elle préconisait de construire un pont entre l'hyper­attention et l'attention approfondie, et tente depuis de l'expérimenter en s'appuyant sur certains jeux vidéo, qui nécessitent de faire cohabiter ces deux types d'attention.
A tous les Cassandre du Net annonçant l'effondrement total de l'attention et l'avènement de la pensée morcelée, il suffirait donc de rappeler la nécessité d'apprendre à bien diriger et à moduler son attention. Mais en sommes-nous vraiment les maîtres ? Une nouvelle donnée est venue bouleverser le paysage ces dernières années : vous n'en avez peut-être pas pris conscience, mais la lecture est devenue une industrie. Et c'est avec ce nouvel environnement, « l'espace des lectures industrielles », qu'il faut aujourd'hui compter, explique Alain Giffard. Un espace régi par le modèle économique de Google, lequel repose ni plus ni moins sur la commercialisation des actes de lecture et permet le financement du Web par la publicité. « Le moteur de recherche est une machine de lecture automatique, quasi universelle, qui pratique une double lecture : lecture des textes et lecture des lectures. » Grâce aux cookies implantés sur les ordinateurs des internautes, il peut enregistrer les parcours de lecture et constituer automatiquement des profils individualisés qu'il peut revendre aux annonceurs. Ainsi, son service de publicité contextuelle AdSense se caractérise par sa proximité non seulement avec le texte, mais aussi avec le type de concentration spécifique à l'activité de lecture. On se souvient de la célèbre expression de Patrick Le Lay : « Nous vendons du temps de cerveau disponible. » Aujourd'hui, la lecture commercialisée devient elle aussi le support d'orientation du temps de cerveau disponible. Mieux : elle vend du temps de cerveau actif. Sur le Net, ce qui vaut de l'or, ce n'est pas votre disponibilité, mais votre attention. A partir d'informations sur vos lectures, Google tire des informations sur vous, lecteurs, qu'il échange contre de la publicité. Dans cette logique, chaque acte de lecture est considéré comme un « hit » : c'est la quantité qui produit la qualité. De la sorte, une majeure partie de la concurrence entre les grandes entreprises présentes sur le marché Internet a pour enjeu la rapidité du flux d'informations, nous amenant à cliquer plus pour penser moins.

Les plus jeunes, qui ont grandi devant un ordinateur,
risquent de prendre la lecture industrielle
comme lecture de référence.

Il se trouve que la lecture de consommation est compatible avec la lecture d'information, cette lecture non linéaire, fragmentée. La lecture d'étude chère à Sénèque, par contre, présente peu d'intérêt commercial. N'est-elle pas de ce fait menacée ? Pour Alain Giffard, les lecteurs numériques confirmés continuent d'aimer la lecture « à l'ancienne », tout en aimant la singularité de cette expérience nouvelle, individuelle et collective, où des sociétés de lecteurs se constituent autour de la publication et de l'échange de lectures : « Ils ont appris à suspendre la navigation et à clôturer un texte pour se con­centrer. Ils savent imposer des détournements de la technique permettant de reconstituer la lecture d'étude. »
Mais la situation est bien différente pour le lecteur débutant, même si l'on manque de recul pour mesurer les conséquences de ce phénomène. Les plus jeunes, qui ont grandi devant un ordinateur, risquent de prendre la lecture industrielle comme lecture de référence, ce qui devrait entrer directement en conflit avec les exigences de l'école. Pour prévenir ce danger, Alain Giffart, Bernard Stiegler et toute la communauté qui s'est formée autour de l'association Ars Industrialis - une « association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit » - en appellent à l'intervention de la puissance publique. Pour l'instant, les politiques se sont limitées à favoriser l'accès à Internet et à offrir des débits de connexion toujours plus importants. Mais pour quoi faire ?

Sophie Lherm

A lire :
Pour en finir avec la mécroissance, Quelques réflexions d'Ars Industrialis, de Bernard Stiegler, Alain Giffard et Christian Fauré, éd. Flammarion, 20 euros.

The Shallows, Mind, memory and media in an age of instant information, de Nicholas Carr, (à paraître à l'automne).
Le Cerveau magicien, De la réalité du plaisir psychique, de Roland Jouvent éd. Odile Jacob, 23 euros.

Numéro spécial juillet-août de la revue “Books”, “Internet rend-il encore plus bête ?”
Le blog d'Alain Giffart : http://alaingiffard.blogs.com/

lundi 13 juillet 2009

Peur d'une planète vide


Oh là là à cause de mes épanchements incoercibles sur mon autre blog j'ai découvert un groupe qui fait aujourd'hui du métal progressif (semi-dur) après être passé par bien des stades de pinkfloyderies semi-molles.
Rien que leur histoire, dont on peine à distinguer le vrai de la rumeur auto-entretenue, semble un concentré de simulacres qui récapitule l'histoire du buzz rock'n'rollien aussi surement que l'ontogenèse récapitule la phylogenèse.
Encore un groupe qui "traite du mal-être de la jeunesse actuelle, accro à la Ritaline, à la violence banalisée, aux jeux vidéos et à Internet" avec une musique triste et anxiogène à se la mordre qui renvoie au même univers que celui qu'il dénonce.
Prout.
Il fut un temps où la western culture n'était pas ce cimetière de poisons.
A ce propos, notons les différences d'attente entre lui et lui.
Bien qu'à un certain niveau c'est uniquement une divergence de moyens et une convergence des besoins qui s'exprime.
(et devinons lequel des deux j'ai trouvé sur le blog de Jerry Frissen, chantre lui de la culture western en direct de Los Angeles)
Il y a de la candeur chez les deux, mais ils ne cherchent pas dans la même direction.
La candeur, ou l'innocence, c'est le premier truc qui disparait quand tu regardes du porno, comme la dignité est le premier truc qui disparait quand tu es SDF.
Et c'est remplacé par quoi ? quand tu découvres la vérité, tu te rends compte qu'il n'y a rien de personnel là-dedans, et que toute culpabilité est inutile : il suffit de se retirer.
On n'est pas au bon endroit. Il n'est pas utile de continuer à subir cet Hiroshima émotionnel.
C'est Todd Rungren qui s'exclamait Oops ! Wrong Planet !
Dommage que ça soit l'excuse facile pour ne faire que le minimum.
D'ailleurs je devrais être en train de faire les valises pour l'Ile De Beauté au lieu d'hébéfréner ici.

lundi 6 juillet 2009

Pense-bête trouvé dans une poubelle

Personne n'atteint la liberté en se reniant. (...) Ceux qui sont dans le trip de la lumière sont très fiers d'y être, puisque partout on leur dit que c'est bien. La seule chose qu'ils renient c'est leur côté obscur, mais il est tellement bien renié qu'ils ne s'en aperçoivent même pas, et si par hasard ils écrasent quelqu'un avec leur voiture ils disent "ah ben je l'ai pas fait exprès, mais rassurez-vous, je suis assuré". Ca me fait penser à cette folle qui avait laissé crever sa mère soi-disant parce qu'un guide de lumière l'avait conseillée, mais visiblement c'était plutôt pour toucher sa pension. Par contre ceux qui sont attirés par le côté obscur ont toujours la tentation de se renier parce que tout le monde n'arrête pas de leur dire qu'ils sont vilains et que c'est pas bien. Ou alors ils ont la tentation de devenir pires, ce qui n'est pas non plus une solution. A mon sens, ils sont strictement dans la même structure et dans la même quantité de problèmes à résoudre (il est aussi difficile de ne pas s'approprier ses qualités que d'assumer ses défauts), sauf qu'il y a beaucoup plus d'aides pour les premiers que pour les seconds, car beaucoup de maîtres étaient au départ des gens qui voulaient devenir des saints. Donc karmiquement, on trouve plus facilement un maître quand on veut devenir un saint. Quant aux gens du milieu, ce sont les gens qui ont conscience que parfois ils sont sympas et que parfois c'est des enfoirés. Ils ne sont pas particulièrement attirés par l'angélisme parce qu'ils voient bien qu'ils ne sont pas des saints, et ne jugent pas trop ceux qui font de mauvaises actions, parce que parfois, ils en commettent eux aussi. Leur problème, c'est plutôt la tiédeur.

lundi 29 juin 2009

La vie d'un homme

La vie d'un homme est peu de chose / Et Pierre la passe en prison
chantait Maxime Le Forestier sur l'album Saltimbanque, grâce à qui je viens juste d'apprendre simultanément ce que c'était que le point de Godwin et découvrir que le mien est ridiculement bas : à une époque récente, chaque fois que j'entendais quelqu'un dire "je n'ai pas le choix", je lui répondais "c'est ce que disaient les nazis en 44" ... je me lassai tout seul du jeu, qui ne m'amusait même pas, quand je compris en un éclair chocolaté que faire prendre conscience aux gens des absurdités auto-carcérales qu'ils profèrent ne peut se faire avec violence.
Bref.
Plus je vois des gens en prison (s) plus j'apprécie ma liberté relative.
Il y a des domaines de ma vie où j'ai été libéré sur parole, grâce aux groupes éponymes (les groupes de parole, comme on dit dans le jargon) d'autres où je suis libérable, d'autres où y'a pas grand chose à gratter pour aujourd'hui.
En passant, de l'utilité de demander à Dieu de me donner un coup de main pour ce qui peut être fait, lui que je ne pense pas croiser dans le bus prochainement mais sans qui, resté seul avec mon égoïsme, je risque fort d'avouar le dessous dans cette étrange mêlée.
Ce qui est sans doute une façon assez égoïste de concevoir Dieu, mais bon, apparemment c'est mieux que de ne pas le concevoir du tout.
Une pensée et une respiration aussi pour ceux qui sont en prison, pas celle qui n'a qu'un seul barreau autour duquel nous tournons, l'Autre.
Et un merci aux auteurs de ce récit multimédia :
Le corps incarcéré.

Entre deux incarcérations, notre héros retrouvait les siens.

lundi 22 juin 2009

Les Nouveaux Prolétaires

article de Courrier International :
"MAROC • Sexe sans frontières"


Les plates-formes téléphoniques à destination de la France, de la Belgique et de l’Espagne emploient plus de 25 000 personnes au Maroc. Elles ont trouvé un nouveau créneau avec les services érotiques.

“On te voit le bout des seins à travers le chemisier ?” Henri, un Français d’une cinquantaine d’années vivant à Lyon, envoie ce SMS à un numéro de téléphone abrégé. Cela lui coûte 1 euro. Son destinataire est une belle brune qui vient de lui transmettre par MMS une photo d’elle vêtue d’un haut blanc très moulant. Henri entame alors une conversation érotique, via des textos tapés sur le clavier de son téléphone, avec une femme qu’il croit être une Française de 32 ans, nommée Sylvie et habitant près de sa ville. Mais Sylvie n’existe pas. A l’autre bout du fil, ou plus exactement d’un clavier d’ordinateur, c’est un jeune Marocain de 22 ans, Reda, qui alimente ses fantasmes. Il travaille comme téléopérateur érotique à Casablanca. A ses côtés, une vingtaine de garçons et de filles du même âge sont engagés dans des conversations similaires avec des clients qui se trouvent en France et en Belgique.

Il y a une dizaine d’années, la baisse du prix des télécommunications et les faibles salaires au Maroc ont poussé les sociétés qui offrent des services téléphoniques – renseignements, vente par correspondance et autres – à déménager leurs plates-formes dans ce pays. Selon des sources proches de cette industrie, elles réduisaient ainsi leurs coûts de 30 % à 40 %. Les premiers à débarquer ont été les mastodontes français du secteur. Puis les espagnols Atento et Grupo Konect ont ouvert des sièges à Tanger, à Tétouan et à Casablanca. Aujourd’hui, on trouve au Maroc 140 plates-formes, qui génèrent 25 000 emplois.

Les téléopérateurs sont payés 1,90 euro de l’heure

Il y a quelques années sont venues très discrètement de France d’autres sociétés du même secteur, mais spécialisées dans ce que les Français appellent la “messagerie rose”. Elles se sont enregistrées comme fournisseurs de services téléphoniques, sans préciser qu’elles se consacraient à la messagerie érotique. Il ne leur a pas été facile de recruter des salariés dans un pays musulman, où elles ne pouvaient pas passer d’annonces dans la presse. “C’est par le bouche-à-oreille que j’ai appris qu’elles embauchaient”, se souvient Reda, étudiant en économie, engagé il y a deux ans. “On m’a proposé de passer un test pour un emploi dans les télécommunications culturelles, mais il était très clair qu’il s’agissait seulement de parler de sexe, poursuit-il, bien qu’aujourd’hui nos services se soient étendus à l’astrologie et à la voyance par SMS.” Reda, un garçon costaud et jovial, et Samira, une frêle étudiante en pharmacie de 23 ans, sont les seuls téléopérateurs qui aient accepté de me parler. Mais à condition que je ne publie pas leur vrai nom ni celui de leur entreprise. Les contrats qu’ils ont signés interdisent de divulguer le contenu de leur travail, que leurs parents ignorent aussi. “Je ne l’ai dit à personne, même pas à mes meilleures amies, avoue Samira. J’ai honte.”

“Pour le téléopérateur, c’est comme s’il était sur Messenger, explique Reda. Il y a des filles et quelques garçons virtuels, avec un profil préétabli incluant un nom, un âge, un lieu de résidence, des mensurations et, bien entendu, des photos de gens séduisants, mais pas trop beaux, pour rester crédibles. Les clients s’adressent à eux et nous leur répondons comme si nous étions dans leur peau.” Il faut leur envoyer au moins 150 SMS par heure pour exciter leur libido “et obtenir le taux de réponse le plus élevé possible – il ne dépasse jamais 90 % –, faire durer la conversation et se débrouiller pour qu’ils demandent, par exemple, qu’on envoie sur leur portable des vidéos où leur interlocutrice fait un strip-tease”, au prix de 3 euros l’unité. “Les clients sont de tout type, en majorité des hommes frustrés ou immatures, qui cherchent du sexe virtuel, mais aussi parfois de la tendresse, précise Samira. Il y a aussi des gays et quelques femmes qui, souvent, se sentent seules. Ce sont les seules qui préfèrent se connecter à notre salon ‘soft’ pour des discussions moins crues.”

“Beaucoup finissent par demander notre numéro de portable pour avoir un contact plus direct et certains sont si mordus qu’ils vont jusqu’à se déclarer à la fille virtuelle,
poursuit Samira. Cela me donne encore plus mauvaise conscience de faire ce travail.” Les garçons et les filles de la plate-forme s’occupent indifféremment d’utilisateurs des deux sexes, “bien que la plupart d’entre nous préfèrent les hommes, parce qu’ils sont faciles à exciter”, ajoute Reda. La durée de travail est de huit heures au maximum par jour et, lorsque le service est terminé, “un collègue prend la relève avec le client échauffé”. Dans le duplex de Casablanca où la plate-forme a été installée travaillent 150 jeunes téléopérateurs, dont seulement un tiers de femmes. Mais il n’y en a jamais plus de 25 à la fois. Ils répondent aux SMS vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept sous la supervision de chefs français. Selon Reda et Samira, il y a à Casablanca deux autres centres de messagerie rose, plus petits.

Les téléopérateurs sont payés l’équivalent de 1,90 euro l’heure de jour et 2,55 euros l’heure de nuit. Une personne travaillant quarante heures par semaine gagne un peu plus de 330 euros par mois, le tiers de ce qu’elle gagnerait en France. Les revenus de Reda avoisinent cependant les 500 euros. “Je me suis reconverti dans les nouveaux produits, la voyance et l’astrologie, qui sont mieux rémunérés”, explique-t-il.

Comment les filles vivent-elles le fait d’avoir cette “spécialisation” dans un pays musulman ? “Pour la majorité, ce n’est qu’une source de revenus, et il y en a même parmi nous qui portent le hidjab [voile islamique], répond Samira. Mais il y en a aussi qui ne l’ont pas supporté et qui sont parties. Pendant la pause, sur la plate-forme, nous nous racontons parfois ce que nous ont sorti les clients. Mais, à l’extérieur, nous faisons abstraction de notre profession.”


Repères

Vous souvenez-vous du 3615 ULLA ? Au début des années 1990, 500 000 visiteurs par mois faisaient les beaux jours de la star du Minitel rose. En vingt ans d’exercice, la blonde sulfureuse a dégagé 12 millions d’euros de bénéfice, imposant sa suprématie éternelle sur tous les autres services Minitel et plaçant la barre bien haut pour les sites de rencontres actuels. ULLA elle-même s’est convertie à Internet, sur le ulla.com. Mais, malgré 1,6 million de visites par mois et 80 000 abonnés payants, la version web de la belle ne rapporte pas autant d’argent.

25.06.2009 | Ignacio Cembrero | El País


...Autant pour le rayonnement intellectuel de la France à l'étranger.