lundi 24 novembre 2008

Théorie du Bordel Ambiant versus Va ranger ta chambre

Un jeune lecteur du Bas-Rein vient de me montrer comment, d'un simple click dans le menu "options", et c'est à peine croyable, je pouvais rétablir la date d'origine de mes anciens articles au lieu de les republier pèle-mêle avec les nouveaux, et restaurer ainsi une chronologie qui protègera du botulisme mes lecteurs non-immunisés contre les dangers qu'il y a à consommer des articles ouverts depuis plusieurs années, à l'instar de ce remarquable exposé sur la narration non-linéaire.
Qu'il en soit remercié : je vais donc tout remettre dans l'ordre, et après ça s'ra tellement propre qu'on pourra manger par terre.
Faites gaffe quand même sur quoi vous vous asseyez.

vendredi 21 novembre 2008

des séductions de l'esprit mauvais (2)

C'est un méchant homme qui entraine sa jeune et future victime dans les bois, la nuit tombe, il y a des bruits étranges, ça craque à chaque pas, et le petit garçon pleurniche : "j'ai peur !"
alors l'homme lui répond, agacé, "et moi alors, après ça y va falloir que j'rentre tout seul, dans le noir..... ! "
J'hésite sur la leçon à tirer de cette fable, ça dépend si le méchant dit ça sur un ton sarcastique ou sincère, je veux dire un peu apeuré aussi.
Je ne peux rien présumer de l'adjectif "agacé" vu qu'on me l'a racontée par Internet, sans le langage corporel, qui aide à saisir les ressorts comiques, surtout dans un cas si épineux.
En tout cas, plus tard qu'hier, on a essayé de faire passer un reportage sur une variante de cette histoire qui venait d'arriver dans la région dans le zapping de la chaîne, mais comme il manquait la chute, c'était bien moins drôle, et on s'est abstenus; c'est un peu la conclusion que tire Goossens d'une histoire analogue : "j'ai pas trouvé de gag".
Ca me gène d'autant plus de risquer cette plaisanterie dans ces circonstances - bien qu'elle recèle sans doute un enseignement - que la saga Saw triomphe au cinéma; qu'il s'agisse de fait divers affreux ou de film gore, c'est le triomphe du nihilisme dans un cas et sa promotion par l'art dans le second, et ça, je vois pas l'enseignement qu'on peut en tirer.

jeudi 20 novembre 2008

Webcames

Au boulot, cet après-midi, un collègue entre dans mon échoppe, et s'enthousiasme pour un site web où des amateurs, et surtout des amatrices, s'exhibent en train de se masturber. Il aimerait me faire partager son enthousiasme, puisque nous avons d'autres passions en commun, dans le septième art ou les fascicules anglo-saxons de figuration narrative, et il n'en revient pas du nombre de particulier(e)s qui se la mettent à l'air sur le web.
Je vais pas lui faire un cours de psychologie sur la profonde morbidité de la société contemporaine et les façons que chacun trouve de se (dé)composer avec, déjà, dit comme ça, ça a l'air vaguement mortifère, alors je lui rappelle simplement que les exhibitionnistes et les voyeurs partagent les deux faces de la même tartine.
Mais dans l'état où il est, ça lui fait rien du tout.
Comme il voit bien que je suis calmement mais fermement opposé à ce qu'il convertisse mon bureau en peep-show virtuel, et qu'il connait mon parcours de hard sevreur - lui se dit usager récréatif, bien qu'en grattant un peu, il s'interroge de lui-même sur la nature de cette récréation, et reconnaisse spontanément que y'a des fois où ça craint un peu, bref on pourrait poursuivre cette conversation dans mon cabinet de consultation si le boulot ne se jetait à ce moment précis sur nous comme la vérole sur le bas clergé breton sous la forme d'une journaliste qui, comme par hasard, a un sujet à monter en urgence sur une soeur Emmanuelle locale qui a consacré sa vie à soigner les alcooliques avec les moyens du bord, et que nous appelerons soeur Emmanuelle 2 pour préserver son anonymat.
Par contre, mon pote je l'ai bien observé quand la page de son site de webcame s'est affiché sur l'écran, yeux luisants devant les imagettes prometteuses, frétillements narinaires précurseurs de plongée dans les profondeurs de ce qu'il prend pour l'intimité d'autrui, s'il avait une queue il la remuerait, et je pèse mes mots, bref j'en ai déduit une méthode imparable pour le sevrage : pour guérir un cyber-dépendant sexuel, il faut le filmer pendant l'action, et lui repasser la bande après. Un gros plan de face suffit. Le mélange d'excitation, de frustration et de nostalgie absolues - bien que relatives - d'un Eden imaginaire est loin de constituer une publicité vivante pour la pornodépendance, surtout s'il arrive à les déceler sur son propre visage.
Evidemment, c'est une approche strictement comportementaliste, et rien ne dit qu'une fois qu'on aura le dos tourné, le dépendant ne détournera pas la caméra pour satisfaire à nouveau ses funestes appétits. Mais les approches traditionnelles semblent achopper, et le mal s'étendre.
Ca doit aussi marcher aussi avec l'alcool, parce qu'on paye la facture cash et que ça se voit, mais pas avec la clope, parce qu'on la paye quand c'est trop tard pour arrêter et qu'il y a très peu de temps encore, le tabac était une attitude valorisée socialement.
Si je résouds inopinément d'autres grands problèmes de l'humanité d'ici la fin de l'après-midi, je ne manquerai pas de vous tenir informés.

vendredi 14 novembre 2008

la dépendance affective pour les nuls

Wii mais non

à l'origine, cet excellent opus expérimental de frère zappa devait s'appeller "wii-zels ripped my skeud" mais c'était 40 ans avant l'invention de la console éponyme, alors ils ont préféré ne pas tomber dans la fosse commune des précurseurs incompris, à l'instar du rédacteur de cette légende abstruse.


Chez moi ils ont acheté une console de jeux Wii, soi-disant pour faire du sport à la maison. Mouais. Ca me rappelle ma mère, qui disait que les consoles de jeu c'était pour les jeunes, et qu'il faudrait inventer les consoles de vieux. Pour se consoler d'être vieux. Sauf que dans ma famille, on passe le plus de temps possible dans le déni de l'âge qu'on a, et après on rentre directement dans l'affliction et les rhumatismes, et c'est baisé pour la Wii.
C'est vrai qu'à condition d'avoir évacué la table basse (modèle Eventror de chez Nikea, idéal quand on rentre un peu éméché sans allumer la lumière du salon) on peut faire sur la Wii des parties de tennis ou de bowling relativement réalistes, et se retrouver incidemment avec un beau cratère au milieu de l'écran Plasma acquis la semaine dernière si l'on n'a pas bien attaché la dragonne de la poignée de commande et qu'on s'est un peu pris au jeu.
Et puis en cherchant un peu, j'ai découvert qu'on pouvait pirater tous les jeux du commerce, à condition de faire apposer une puce électronique à l'intérieur de l'unité centrale de la console, opération bénigne que de jeunes nerds proposent à l'encan pour une somme modique, jamais très loin de chez vous.
Après avoir collecté ces informations, j'ai eu un spasme moral : pour l'instant je ne vais pas faire pucer la wii, subodorant qu'une société qui institue le vol en bandes organisées comme valeur légitime n'a rien à envier à Gengis Khan sur le plan spirituel, qui était pourtant d'une autre trempe, sans avoir d'affinités particulières avec une religion même s'il était proche des monothéistes. Je veux dire qu'il n'avait pas besoin de manger des yaourts au bifidus actif "Ce qu'il fait à l'intérieur se voit à l'extérieur" pour être en bonne santé, ce qui est loin d'être le cas des nerds. Enfin, je me comprends.
Bon, je dis que j'ai eu un sursaut moral, mais ça relève plus de la prospective heuristique : je me suis vu en train de dérober des fichiers de 4 Gigas pour ensuite engueuler femme et enfants parce qu'ils jouent trop assidûment aux jeux que je leur aurais gravés, et franchement, ça le faisait pas.

samedi 8 novembre 2008

chiens d'aveugles


image trouvue sur un forum communautariste de partage de fichiers où il faut seeder autant qu'on leeche (arf)



Novembre, c'est le mois des courriers d'associations humanitaires. Amnesty envoie des stylos bic, La Croix-Rouge des couvertures de survie... l'idée est de susciter le don financier par l'envoi postal massif d'un produit manufacturé qui va évoquer la mission profondément humaniste de l'émetteur, et qui laisse le récepteur vaguement anxieux à l'idée d'être débiteur de l'offrande qui lui a été faite. Le blitzkrieg moral de ne rien renvoyer en échange cesse quand le chèque est signé. Enfin c'est comme ça que je l'analyse. La palme cette année pour moi à l'Unadev, qui m'a fait parvenir une peluche personnalisée avec porte clés nominatif sous emballage cartonné, suite à une campagne téléphonique musclée l'an dernier, où j'avais dû promettre de me fendre de quelques euros pour participer à la formation des chiens guides d'aveugles. L'éducation d'un chien guide coûte environ 20 000 €. Au cours de sa vie, une personne aveugle reçoit en moyenne 3 chiens guides. Il est difficile d'imaginer à quel point un voyant peut n'en avoir rien à battre.
Au téléphone, c'est facile d'éviter un fâcheux, il suffit de l'attaquer à la racine de son laïus par un vigoureux "mon téléphone n'est pas une boite aux lettres" qui le laisse coi, et on raccroche après un merci au revoir, parce qu'on n'est pas qu'un répondeur et qu'on compatit aux gens qui ont un métier merdique. Mais un humanitaire, il est moins aisé de s'en dessaisir, et puis si on donne, fatalement, d'une année sur l'autre, il s'accroche.
Je voulais faire un article vaguement scandalisé sur le harcèlement caritatif, après j'aurais dévié sur le fait que dans une société qui carbure au tout-matérialiste, les quêteurs auraient tort de se gêner s'ils veulent servir leur cause, et puis à l'école, ma fille s'est blessée alors qu'elle écrivait sur son cahier avec un crayon de bois, la mine s'est brisée et elle a reçu un petit éclat dans l'oeil, sans que la cornée soit atteinte, elle a vu flou pendant trois jours , alors j'ai envoyé 20 euros.
"Ils" sont très forts... Nécessité fait loi.

lundi 3 novembre 2008

le disque dur de Schrödinger


L'amicale de ceux qui se font choper avec la trompe dans le bol quantique a enregistré des vyniles qui souïnguaient méchant.

Il y a 15 ans, j'ai voulu rendre service à un copain qui avait des problèmes d'ordinateur, et j'étais tout content de pouvoir mettre ma science toute neuve au service du peuple, car depuis que j'avais laissé tomber la picole pour l'informatique ma vie s'était globalement améliorée, même s'il semblait obscurément subsister quelque chose de l'ordre du déplacement de symptôme - et je passai un soir chez lui muni de Norton Utilities, logiciel utilitaire de réparation et défragmentation de disques sur Macintosh, sans doute disponible sur pécé depuis.
Il préparait alors un film documentaire sur la physique quantique, et avait attiré mon attention sur le chat de Schrödinger, presque plus amusant que sa parodie sur la Désencyclopédie.
Alors que l'article sur la gurne, on jurerait du Dado.
Bref.
J'ai commis l'erreur du débutant, qui consiste à passer le logiciel de réparation depuis le disque à réparer, au lieu d'installer un système d'exploitation sur un disque externe puis de rebooter depuis ce disque, ce qui sera rendu plus compréhensible aux non-geeks par l'analogie de l'impossibilité pour un psy de faire une auto-analyse, l'obligation de s'adresser à un confrère.
A un moment donné, le contenu de l'ordinateur de mon ami a été dans un état tout à fait Schrödingeurien, et on aurait pu sans doute le sauver, si dans l'affolement général, au fur et à mesure que les données disparaissaient, je n'avais voulu à tout prix réparer mon erreur sur le champ, au lieu de prendre le temps de demander conseil (1), ce qui m'a conduit à re-rouler dessus en marche arrière, et donc après ça, il ne restait plus qu'à reformater et à pleurer le scénario disparu à jamais.
J'étais fasciné par la corrélation enchâssée des évènements : scénario sur le chat de S., disque dans l'état du chat de S, ça porte sûrement un nom imprononçable en philosophie (en-chat-ssée, miaoulol !) et maintenant que j'y pense, mon ami a ensuite lui-même chopé une maladie quantique, qui l'a laissé quelques mois ni mort ni vivant, mais depuis ça va beaucoup mieux, mais il n'a jamais repris le scénario de ce film, qui est donc non-advenu hors de la glèbe (non-glébeuse) de l'Incréé.
Je me suis récemment rappelé de tout ça parce que
-d'une part j'ai mis des années à rembourser ma dette psychique à cet ami, tâche que je m'étais assignée d'autant plus joyeusement épouvanté que la perte me semblait inestimable, bien qu'il m'ait fait comprendre bien plus tard que c'était presque un soulagement parce que c'était un projet plutôt galère dans lequel il s'était inconsidérément laissé embringuer par un beau-frère quantique addict, en tout cas la mésaventure a contribué à m'enseigner ce que la compassion active pouvait être, pour ne rien dire des déficits attentionnels chez l'enfant de plus de 70 kgs
-d'autre part parce que j'ai récemment flambé à jamais un 500 Gigas flambant neuf (justement) chargé jusqu'aux plats-bords de 7 heures de rushes sur la californie, mes 20 Gigas de musiques (juste un peu de mp3 pour ma consommation personnelle, Seigneur) autrement dit mon 500 Go a fait long feu, expression paradoxale puisqu'elle désigne quelque chose qui n'a pas duré, et même en le désossant/resossant dans un G5 par un port SATA, que dalle.
Heureusemement que j'ai eu la bonne idée de l'acheter à La Fnac qui m'en a rendu un neuf vu qu'il était garanti 2 ans, parce que la restauration de données, c'est pas donné, justement... C'était autour de chez tonton, ça m'a aidé à relativiser : quand la Toussaint te conduit à visiter tes morts, ou ceux qui sont plus très loin du bout, tu te dis que le deuil de 500 Go c'est pas grand chose... du pipi de chat de S...
Un moment, j'étais même soulagé, comme quand j'ai perdu mes économies à la Bourse.

extraits du wiki du chat de Schrödinger:

Le but est surtout de marquer les esprits : si la théorie quantique autorise à un chat d'être à la fois mort et vivant, c'est ou bien qu'elle est erronée, ou bien qu'il va falloir reconsidérer tous les préjugés. (...) Cette expérience de pensée et le paradoxe associé ont aujourd'hui pris valeur de symboles centraux de la physique quantique. Qu'ils servent à supporter un aspect de cette théorie ou qu'ils servent à défendre une option théorique divergente, ils sont appelés à la rescousse pratiquement à chaque fois que la difficile convergence entre la réalité macroscopique et la réalité microscopique (une situation caractéristique du monde quantique) est observée ou supposée.
Ca doit d'ailleurs contribuer à esbaubir les bailleurs de fond de l'accélérateur de particules genèvois, qui a fonctionné trois jours depuis son inauguration, et dont la facture de réparation s'élève déjà à 16,5 millions d'euros.



(1) comme dans la blague des deux chasseurs dont l'un tombe à terre les yeux révulsés et semble succomber à une attaque, affolé le deuxième chasseur appelle le samu ( le 15 souvenez-vous au moins de ça) :
-Au secours mon ami est mort, que dois je faire?
-Du calme, du calme, tout d'abord assurez-vous qu'il est bien mort.
-...
-Monsieur ??
-...
-Monsieur, ou ètes vous, répondez ?
-...BANGGG !!!
-Monsieur que se passe-t-il ?
-Voila c'est fait, et maintenant ?
qui est une parabole sur les hot-lines ET sur l'importance de bien formuler ses questions)