jeudi 19 juin 2014

Kestechian

C'est la seconde fois en quelques mois que je tombe sur un dépressif profond qui écoute religieusement Charles Aznavour en cachette. La coïncidence est frappante, car les deux victimes partagent d'autres points communs très particuliers :
-une dépression liée à la perte de la mère ou de son substitut symbolique.
-une identité psycho-morphologique troublante (forme du crâne, pli tombant des paupières supérieures, regard éteint, hébétude générale, atonie de la voix et fragilité émotionnelle).
L'écoute innocente des chansons du vieux chanteur d'avariétés est-elle l'origine ou la conséquence de l'effondrement psychologique ?
Rappelons qu'en français Aznavourian signifie Kestechian, et que si je ne lui ai jamais vraiment prété attention, c'est parce qu'il m'arrive de retélécharger en loucedé les vieux Gérard Manset qu'il avait lui-même envoyés au pilon, et on le comprend.
Mais que fait la police ?

lundi 16 juin 2014

Viens donc au epuB boire un p'tit coup et lire un book, hein ?

Il y a 8 jours encore, je ne jurais que par le livre papier.
Mais depuis que je me suis fait enfler par le jury du prix Hugo, dont je trouve qu'il a indûment récompensé le Black-Out de Connie Willis, ou alors c'est que la SF est vraiment une littérature en état de mort cérébrale, me laissant à la tête de 500 grammes d'un récit réservé aux réparateurs d'ascenseurs spatio-temporels en retraite désireux d'élargir leurs horizons spéculatifs, j'ai décidé de chercher une alternative à l'achat de livres issus de forêts écologiquement gérés, parce que j'en ai déjà plein la maison et que je ne peux pas tous les refourguer sur le bon coin pour qu'ils continuent leur vie sans moi (la vie d'un livre, c'est d'être lu.)

Je voulais donc acheter mes prochaines lectures d'été au format électronique et les mettre dans notre Ipad, mais je viens de découvrir qu'il existe au moins un hypermarché de l'illégalité http://toutbox.fr/ qui permet de se remplir la musette avec des livres au format epub (pour lire avec Ibooks, comme je le découvre ingénûment et sans doute sur le tard) sans débourser un kopeck, quitte à les acheter après les avoir lus si ils nous ont plu.

C'est dingue.

Aussi ébahi que quand j'ai téléchargé mon premier divX, j'ai trouvé 10 romans de Christopher Priest, auteur recommandé par tous les sites et blogs de SF, gratuitement déverouillés par la team TrucKrew, y'a plus qu'à se baisser pour les empiler dans sa liseuse.

Il est certain que l'offre dépasse largement la demande, et si je n'ai pas envie de provoquer le suicide des libraires après n'avoir pas peu contribué à celui des disquaires, mes recherches m'encouragent néanmoins à devenir l'enthousiaste fossoyeur de la littérature. Il faut que je revoie mes prémisses.

Et puis, c'est la même absurdité que le téléchargement compulsif de films, de séries, de musiques ou de bédés : où trouverai-je le temps d'ingurgiter tout ça ?

Sans parler d'avoir accès à notre Ipad familial en vacances, vu que les filles de la maison ne crachent pas dessus.
Sans parler du sable dans le port USB, des difficultés de mémorisation engendrés par la lecture sur support numérique, et sans parler du chien.

dimanche 15 juin 2014

L'échec sans cesse renouvelé du narcissisme comme stratégie identitaire


Foin d'instantanés aux couleurs passées en guise de mémoire glorieuse : je décroche tous les colifichets et autres photos avantageuses qui pendouillent depuis des lustres au mur de mon bureau et les range dans un tiroir.
Il y a un vieux photomaton qui me rappelle qu'avant de tomber sous les coups des Nazguls de Morgoth, j'avais plutôt une bonne tête, à part la vitrosité du regard dûe à un début d'abus de substances éthyliques.
En tout cas, rien à voir avec celle que je fais maintenant, cette expression constipée qui me signale alentours comme le roi de la frustration.
Bénissons le fait qu'il y a sûrement une excellente raison au fait que je ne puisse plus écrire d'article(s) sur les états schrödingeriens de mon nombril (ni vivant ni mort), et profitons de ce répit pour faire un peu de méditation en suivant les précieux conseils de Fabrice Midal.
             
              *
Si je ne puis prétendre avoir envie de fumer du Tabac en ce moment, eu égard aux inconvénients avérés de la plante, j'ai quand même l'impression que l'Esprit du Tabac se taperait sans doute bien le Warsen en ce moment.

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Un jeune couple de Deschiens plus vrais que nature, rencontré sous un pont de la Mayenne, à Laval : ils me demandent à quelle heure passent les radeaux, persuadés que "les Boucles de la Mayenne" c'est une course de radeaux, alors qu'il est de notoriété publique (et placardé partout en ville depuis une semaine) que c'est une course cycliste dont nous sommes déjà au quatrième jour. Ils semblent avoir la comprenette endommagée à un point tel qu'une armada de travailleurs sociaux leur mange sans doute dans la main. J'ai mal pour eux, mais c'est de l'empathie mal gérée, à l'idée de devoir me mouvoir dans un monde où tout soit ainsi mal posé, mal fichu, confus et ne fonctionnant pas comme je le pensais. Le lendemain, je me rappelle des domaines de ma vie dans lesquels je peux faire encore des efforts pour qu'on puisse envisager que je les aies compris et intégrés. Moi aussi, des fois je guette des radeaux sous un pont, sachant pertinemment que c'est des vélos, et qu'ils vont passer au centre ville.                                      

mardi 3 juin 2014

La Belle Vie - Matthew Stokoe

Début mars, alors que je passe quelques jours lascifs dans l'albigeois, alerté par la lecture distraite et complaisante du supplément littéraire du Monde des livres, je tombe là-dessus :


"... sans doute le roman le plus cru écrit sur Hollywood. Dans sa préface, l'écrivain Dennis Cooper, dont les livres n'ont pas froid aux yeux non plus, le compare à Fight Club de Palahniuk et à American Psycho d'Ellis. Autant dire que la violence, la perversion et la noirceur absolue sont au rendez-vous de cette plongée terrifiante dans la face cachée du rêve hollywoodien. Il faut s'accrocher pour lire les aventures de Jack, qui rêve de côtoyer les stars, mais vit dans un studio de troisième zone à Venice. Pour s'en sortir, il ne va pas hésiter à passer au-delà des limites, tutoyant les dingueries les plus ultimes..."


Bon, ça a l'air plaisant, et je n'ai rien à lire à part Matthieu Ricard, alors je dégotte une édition de poche dans le vieil Albi.
L'éditeur a cru bon de rajouter un sticker translucide "BRUTAL / politiquement incorrect / VIOLENT" sur la couverture pour que les enfants ne le confondent pas avec Watch Dogs.

Hélas : en fait de descente aux enfers, le narrateur de La belle vie semble coupé de lui-même et le livre est plutôt ennuyeux : des pervers y sodomisent des cadavres, d'autres se masturbent avec des reins fraichement prélevés à d'innocentes victimes, on y violente de vieilles prostituées coprophages, mais dans une absence d'affects totale.
Heureusement pour l'auteur, qui ne s'est pas embarrassé d'une empathie dangereuse avec ses personnages, et fait oeuvre de moraliste et de théoricien du nihilisme observé à travers une vitre sans tain. Dommage pour le bouquin qui, sans chair restent tragiquement désincarné : tous ces gens courent après des désirs transgressifs qui ne peuvent leur apporter que frustration, compulsion de répétition et mort (dans cet ordre-là) sans que ça ait vraiment éveillé mon intérêt, au delà de la quête un peu vaine du blasphème total, comme y disent là :

J'aurais mieux fait de lire Matthieu Ricard.

lundi 2 juin 2014

Comment convertir un .sub en .srt sur Mac Os X

Je découvre sur un forum sécurisé de bittorent une version 720p de « Sorcerer », l’adaptation réalisée en 1977 par William Friedkin du roman «Le salaire de la peur » et qu'il considère comme son meilleur film maudit de tous les temps.
La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur cassette betamax, je devais avoir 19 ans et j’avais été affreusement impressionné.
Joie !
Mais tout a un prix.
Après récupération des fichiers, il s’avère que les sous-titres sont encodés dans un fichier .sub + .idx (qui permettent le sous-titrage en plusieurs langues) au lieu d’un bon vieux fichier .srt
Allons bon : Mon lecteur Western Digital Elements Play ne saurait s’en accomoder.
Me voici parti à chevaucher les forums, à chercher des logiciels pour convertir le .sub en .srt ou toute autre hypothèse heuristique à tester.
Je croise plusieurs solutions : sub2srt-python, reSync, Avidemux_2.6.8., subcleaner_1.0b7
Certaines sont sur pc, d’autres en open source (je ne comprends même pas comment les ouvrir sur mac) et d’autres logiciels sont encodés en 7z, format assez rare qui compresse plus et mieux que le .rar, justement, donc il faut déjà trouver un décompacteur à ce format, et blablabli et blablabla.
C’est la Babel moderne, et je ne suis pas loin d’y perdre mon latin si je n’avais acquis une certaine logique de recherche au cours de ces dernières années, c’est le genre de problèmes qui se présente aussi au bureau et sans doute dans toutes les entreprises qui ont maille à partir avec l’informatique.
Bon, au bout d’une heure je suis prêt à lâcher l’affaire, quand je comprends en un éclair que je peux donner les fichiers .idx + .sub à manger à mkvtoolnix en même temps que le mkv d’origine et l’export wav de la piste audio (mon WD ne lit pas les pistes .dts) et qu’il va multiplexer tout ça.
Je commence donc ma semaine avec deux heures de retard.
La Peste soit des loisirs numériques.
La semaine prochaine, nous verrons comment j'ai réussi à supprimer le mot de passe EFI/firmware d'un Mac antérieur à 2012 pour pouvoir accéder à la partition Recovery HD sous Lion.
Celle d'après, comment j'ai mis fin à ma misérable existence.

samedi 24 mai 2014

Liquides II



Je regarde ce documentaire sur le jeûne.
Puis je me lance, je ne veux pas prendre 10 kgs en cessant à nouveau de consommer du tabac. En perdre 10, ça serait même chouette. Je pourrais trottiner un peu plus vite sur les chemins de campagne. Pas de motivation transcendantale, on sait ce qu'elles donnent chez moi; je m'autorise un peu de jus de soja, c'est des protéines, et j'ai vu dans le film que c'est ça qui craint quand on jeûne, la fuite des protéines, qui constituent les muscles. Je fais provision de jus de fruits, aussi, et je m'autorise à craquer si je craque (je vis avec des gens qui continuent à manger, qui font partie de ma famille, et le repas du soir est quasiment le seul rendez-vous social d'assuré dans une journée de semaine normale.)

Au bout de 3 jours sans manger, je m'aperçois à quel point la nourriture est une croyance, et que si on cesse de pratiquer le rituel de s'alimenter, qui la soutient, on ne s'écroule pas, le monde non plus. Pas de vertiges, pas de faim à se tordre les boyaux, pas de fatigue excessive; faut dire que je teste dans une période de repos professionnel, mais je suis actif à la maison, je repeins portes et fenêtres.
Le soir du 3eme jour, ça va tellement bien que je m'autorise à prendre un repas en famille (c'est une preuve par l'absurde, mais je commence à regarder la bouffe comme si c'était quelque chose de vaguement obscène; il ne faut pas que ça devienne hallucinatoire à ce point)

La 4eme nuit je dors très mal, j'ai l'impression d'avoir pris des neuroleptiques (ni sommeil ni veille : l'organisme se demande avec une certaine inquiétude s'il aura de la bouffe le lendemain et ne dort littéralement que d'un oeil)

Le 5eme jour,  je peux bien avoir perdu 4 kgs, tout le monde à la maison me fait comprendre que j'ai un comportement exécrable, aussi infect que dans mes pires moments et aussi narcissique que d'habitude, alors je comprends que la frustration n'est pas ma meilleure copine en ce moment, que ça ne fait que 4 semaines que je ne fume plus, j'ai beau ressentir une empathie tout à fait inédite envers les gens qui souffrent de dérèglements du comportement alimentaire, je voulais perdre 10 kgs en 10 jours, c'est possible, mais ça va mettre tout le monde à genoux moi le premier, je me dis que je vais plutôt supprimer le repas du soir.

mercredi 14 mai 2014

Liquides

J'étais en réunion Alcooliques Anonymes l'autre soir, histoire de chercher une bouffée d'air en ce qui concerne le ressassement et le ressentiment qui sont un peu dans l'air du temps suite au fait que j'ai du mal à accepter mon âge, mon passé et ma mauvaise humeur, sans parler de celle de ma femme.
J'y ai croisé quelques collègues eux aussi anciens adeptes de l'alcool, cette forme liquide d'auto-érotisme dont l'abus a une issue aussi prévisible que malheureuse, comme les autres formes d'auto-érotisme connues de nos services, par exemple les blogs, le jogging, la lecture de comics sur Ipad et la poursuite d'objectifs qui ne sont plus de saison.
Il n'y a qu'en réunion AA que je me reconnecte avec une certaine forme de lucidité ni complaisante ni ricanante sur l'erreur que j'ai pu faire jadis de m'enfermer dans une bouteille pour me consoler de ce que je ne pouvais ni avoir ni être.