jeudi 22 décembre 2005

interruption de l’interlude virtuel

Heureusement que la folie nombrilliste du blog s’est emparée du monde occidental et que plus personne ne se risque à lire des livres, si peu interactifs. C’est une revanche de l’écrit sur l’image, ce truc de blog, encore qu’il y ait sans doute 95 pour cent de cochonneries inintéressantes qui s’y propagent, l’avantage
étant qu’aucun arbre n’est abattu pour les imprimer.

A propos de virtuel, je me disais que les logiciels de 3d vont pas tarder à permettre de modéliser des scènes de cul réalistes, si ce n’est déjà fait, ce qui éviterait au moins aux acteurs des films X l’épouvantable calvaire qu’ils endurent, cf http://www.orroz.net/porno.htm

on les remplacerait par des acteurs de synthèse, plus endurants et moins payés, comme cela semble se profiler dans le cinéma traditionnel. Est-ce que les malheureux accros au cybersexe prendraient ainsi conscience que c’est du “virtuel” ?
Retrouvé dans un vieux mail, cet échange un peu vif et toujours salubre :
T** écrit :
En fait, le remède au sentiment de fusionnalité, comme tu l’appelles, serait peut-être, de se convaincre de l’impermanence des phénomènes. Faire une sorte de cure de désintoxication pour comprendre et expérimenter que notre attente d’une identité “qui dure” sera déçue tôt ou tard.
Quand on constate que le lien de l’attachement pend dans le vide, la souffrance est au rendez-vous. On revient dans la ville de son enfance et la vieille ferme près de laquelle on jouait a été rasée. On souffre. Alors, on recrée un objet d’attachement mental, un souvenir qu’on idéalise. On écrit un roman : “la vieille ferme”. La critique hurle au génie. Ca y est : on a réussi son coup et immortalisé l’objet d’attachement en le rendant vivant dans la mémoire de cent mille personnes. Mais en fait, ce n’est jamais qu’une représentation qu’on s’en fait dans notre cerveau. Nous sommes attachés à des objets mentaux en 3 D qui tournent doucement sur leur axe quelque part dans notre tête. Gautama conseillait de méditer près d’un charnier. En fait, la Voie royale est peut être celle de l’acceptation, accepter ce qui arrive, accepter ce qui repart. Vivre à 100 % l’instant présent et ne pas se lamenter quand la roue tourne. Dormir dans un palace le lundi et dans un taudis le mardi, en s’adaptant sans état d’âmes, en acceptant. ETRE SANS ATTENTES.
Par exemple, il semblerait qu’accepter pleinement la perspective de sa mort inéluctable aide à apprécier pleinement la vie.
Quoi qu’il arrive : accepter, accepter, accepter.
Se battre pour faire aboutir un projet, mais accepter toutes les issues possibles. Agir ! mais sans attentes. Bon, c’est un avis tout a fait personnel, mais il me semble que quand on accepte totalement les phénomènes qui se présentent, une sorte de système presque immunitaire se met en place qui adouci les situations extrêmes et réalise les voeux non exprimés.

réponse de F** :

Le problème n’est pas tant l’attachement aux objets matériels qu’aux objets imaginaires. Comme tu le dis “ce n’est jamais qu’une représentation…”. Bien sûr. Mais l’attachement est l’attachement à une représentation, les “objets” sont très secondaires dans cette affaire. Voir qu’ils disparaissent, ça ne change rien. Le palace et le taudis, on s’en fout, puisque l’imaginaire peut faire ce qu’il veut.
Hier, un ami me disait :”Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent de moi, ça ne me dérange pas”. Je lui ai répondu :”Pour sûr, tu vis dans ton imaginaire. Tu as juste décalé le problème”. Là, il n’a plus rien dit, et pour cause.
Pour accepter, comme tu dis, on s’appuie sur l’imaginaire. Tout le monde le fait. La pauvre fille qui a une vie de merde se vit en Reine de la Nuit, et tout est réglé. Et cet imaginaire est dans l’instant présent, il n’est ni demain ni hier. C’est ce qu’on appelle s’appuyer sur l’instant présent, ce que font parfaitement les femmes, les enfants et les animaux. Le problème, c’est que le Bouddha ne s’appuie sur rien, et surtout pas sur l’instant présent. Le problème n’est pas de passer de demain à aujourd’hui. Il est de passer de aujourd’hui à rien du tout. Il n’est pas celui d’une identité qui dure dans son objet, mais d’une identité qui dure dans son principe. La saisie saisit des tas d’objets différents mais elle est toujours la même.
C’est pour cette raison que la mort et la réalisation sont très voisines, et que les gens ne veulent pas mourir. Tu me dis qu’accepter la mort aide à apprécier la vie. Ce que je vois autour de moi, c’est des gens qui ne savent pas qu’ils vont mourir, pas des gens qui acceptent la mort.
C’est vrai qu’il y a eu autour de moi des gens qui ont cru qu’ils allaient mourir, assez récemment, et qui n’ont pas eu peur. Je pense simplement qu’ils n’ont pas de conscience de ce qu’est la mort.
Je me range assez volontiers à ce que dit Chepa à ce sujet : “la rigidité cadavérique provient de la très grande peur qu’a eu la personne en mourant. Le corps des maîtres reste souple quand ils meurent”. Tu en connais beaucoup toi, des cadavres qui ne sont pas devenus rigides ? Faudrait demander à des médecins légistes, mais à mon avis, il y en a très peu.
Ignorer le problème n’est pas le résoudre, et pour moi les données sont simples. Quand on a pleinement accepté la mort, la vraie, celle du moi, on est pleinement dans l’état naturel, et si on n’est pas encore un bouddha, on va le devenir très vite. Je connais plein de gens qui disent accepter la mort et aucun qui soit même loin d’être un bouddha (je ne parle pas des lamas et autres enseignants du genre). Il me semble qu’il y a là une très grande inconscience, rien de plus. Comment tu fais, toi, pour défusionner de ton imaginaire ? Est-ce que tu as essayé ?

Commentaires

  1. Est-ce que la lecture de l’article que tu cites te fait voir les choses différemment ou pas ?

  2. Juste pour dire que les scénes de cul en 3D cà existe déja oui.

  3. oui, merci atlantis mais je ne pense pas que ça intéresse vraiment les addicts, qui veulent voir “du vrai”, celui dont ils sont privés dans le réel. ce qui répond indirectement à la question de flo, après lecture de ses posts sur la question : aucun spectateur outré n’écrit à un producteur de pôrno pour se scandaliser du traitement infligé aux actrices : au mieux, tout le monde s’en branle, au pire, c’est meilleur quand c’est pas du cinéma.
    http://blog.france3.fr/blogchen/index.php/2005/12/25/15485-deplacer-le-probleme-pour-ne-pas-y-voir-clair

Terreurs Hivernales



"Alors, mon p’tit John, comment ça roule en ce moment ? Ch’te rappelle qu’au départ, t’as créé ce blog pour secourir tes potes porno-dépendants et non pour t’adonner aux joies douteuses de l’auto-contemplation.
-Ben, mollo mollo, Seigneur Vador, vous savez c’que c’est : la peur me tient compagnie, la souffrance - issue - du - ressassement - du - passé - mort - sans - sépulture - chrétienne aussi, même si l’enthousiasme et la tristesse me laissent tranquille en ce moment… L’avidité, la jalousie, l’orgueil, tous les p’tits trolls qui s’agitent dès qu’on secoue un peu la boite à l’Ego pour voir c’qu’y a dedans, se manifestent encore, sous forme atténuée, certes, prêtant plus à sourire de la cocasserie de leurs costumes folkloriques, pour ne rien dire du dénuement mélodique de leurs chants traditionnels, mais je sens bien que rien n’est rêglé en profondeur. Même sans se laisser embarquer dans leurs arguties, elles font pas mal de boucan. Leur familiarité est désarmante. Les bagnoles ont cessé de cramer à la surface du boulevard, mais c’est pas des malabars à la fraise qui se dealent dans les parkings souterrains du Super U. D’ailleurs cette nuit j’ai révé que je zônais sur la page d’accueil d’un site coquin, quelques filles me faisaient de l’oeil en petite vignette, j’avais pas franchement envie de cliquer, m’enfin j’ai pas éteint ma bécane non plus. Je restais là à me dire "ah oui ben là faut pas qu’j'y aille". Il y a deux semaines, c’était plus clair, je surfais en rêve sur le forum des pornodépendants.
Ah là la, les émotions c’est vraiment l’équivalent mental des affiches 4X3 dans l’métro qui nous pourrissent la méditation dès qu’on tente de défocaliser. Et puis surtout les émotions, je ne les ressens pas, tout passe par le mental, donc je paye quelqu’un pour m’aider à les voir, mais pour l’instant les séances me permettent surtout d’évaluer l’épaisseur ouatée de ma confusion mentale et mes indécisions, à la limite mes intentions sont plus claires en rève que dans ma vie diurne. Et puis ce blog qui n’est qu’une excuse de plus pour temporiser le sevrage d’ordinateur.
- Et si tu cessais tes jérémiades, tu crois pas que ça améliorerait ton taux de Pensée Perceptive® quotidienne ?
-Pour ça faudrait me débrancher le cerveau, Seigneur Vador. Il n’est pas configuré pour la PP mais pour se lamenter de n’en point faire.
-Je savais qu’t'allais répondre une connerie dans c’genre, mon Johnnie. T’es grave mais j’t'aime bien, pis t’es un bon serviteur bien concon. Tu te rappelles quand t’as arrété de boire ? alors que tu te croyais born to drink, et que tu t’acharnais à prouver cette théorie en actes auto-destructeurs sonnants et trébuchants. Le sevrage ne t’a pas tué, même si l ‘égrégore des AA ne t’a pas vraiment reformaté, mais tu ne le souhaitais pas. Et la compulsion porno, tu ne pensais pas en sortir vivant, et puis tu vois bien qu’un jour à la fois, ça se fait, si tu prends le temps. Le tabac, pareil. La question, c’est qu’est-ce que tu vas mettre comme plusse dans ta vie, car là je ne vois que du moinsses.
Tu m’étonnes qu’après, tu te sentes tellement handicapé de la sensibilité que tu repars sur une autre addiction… Et la nénergie, John ? Faut qu’tu trouves moyen d’enlever tes pieds du tuyau et de commencer à arroser. Ta position n’est pas tenable. J’ai vu avec joie dans un de tes commentaires à ton propre blog que tu te croyais encore en 2003, que ton manque d’attention au présent te fait dériver dans le continuum à bord d’une capsule spatio-temporelle fêlée… la fragmentation de ton esprit fait plus pour le côté obscur que ton désir de transgression, somme toute très scolaire et appliqué.
-Ben j’ai un scénar à écrire avec un copain, mais je trouve pas la concentration pour m’y mettre. J’ai peur de pas être à la hauteur, alors je me fous la pression et je m’invente plein d’activités à finir avant de m’y mettre, total je m’y mets pas. Y’a ma situation professionnelle qui laisse à désirer, aussi : je me suis laissé marginaliser par mon " karma connard " et l’emploi à plein temps dans une grande entreprise de l’audiovisuel public régional que je méprisais quand il m’était accessible, maintenant qu’il est hors de ma portée je le convoite comme un havre de paix. Et mes employeurs privés semblent bien partis dans une politique de réduction des coûts qui consiste à renvoyer l’ascenseur aux intermittents, ficelés sur le ballast du sous sol de la cage, et la cabine tombant en chute libre du 12ème étage avec le câble cisaillé net.
- Pour chacune de ces peurs, il faut que tu ailles au bout de ses conséquences. C’est la seule façon de dératiser les fantômes. Plus de boulot en perspective, et donc ?
-ben, le chômage…
-et… ?
-ben, au bout d’un an, le RMI, mais j’y ai pas droit puisqu’on est en couple, donc les économies perso, les parents, mais je ne supporterais pas d’avoir des rapports de pognon avec mes vieux, on a déjà des liens merdiques, ils ont réussi à se faire inviter à noël par des moyens habiles c’est à dire en me contournant, et je ne sais plus si j’ai envie de les étriper / d’entamer un stage niveau 1 de "Prendre le blâme de manière pratique" / de les prendre comme ils sont, j’ai vu les ravages de la contrainte financière sur leurs relations avec mon frangin et comment ils l’ont réduit à une serpillère émotive…
-et… ?
-ben la déchéance, le déclassement social, la perte de la dignité, l’isolement, le chancre mou, et puis au bout, la mort, hein, le parcours normal, quoi. Mais vu que la déchéance, je l’ai connue avant, ça doit me donner droit à une dispense, et puis la mort, je refuse de me l’administrer, alors ça va être plus compliqué que ce que je pensais…
-et… ?
ben d’un autre côté, si le plan RMI-solitude-agonie bat de l’aile, il me faut envisager une reconversion, et je vois vraiment pas dans quoi. J’adore mon boulot, même si je l’exerce dans des conditions dégradées par la centralisation jacobine de la production privée et le dumping pratiqué par les p’tits jeunes qui arrivent sur le marché de l’audiovisuel local. J’ai eu la révélation à 10 ans devant Chapeau Melon et Bottes de Cuir que je voulais raconter des histoires en images, et si France 3 Nantes est plus proche du plan social que de l’embauche, il faut accepter de ne pas mourir sur le coup et de chercher dans quoi je pourrais être bon et gagner ma vie avec ça. Et surtout ne pas relire le post de Flo sur les psys et les cases à remplir. Merci pour la causette, M’sieu Vador, et meilleur souvenir à M’ame Vador.

Commentaires

  1. Si tu trouves pas de boulot correspondant à tes aptitudes, excuses moi de te le dire comme ça, mais tu serais vraiment un dugland. Effectivement, ça m’a plutôt l’air d’être la “reconversion” qui te fiche le moral par terre, alors que ce terme barbare qui nous place au rang d’unités travailleuses ne veut en fait dire que “vivre de nouvelles choses”, et accessoirement, “avoir l’occasion de choisir sa vie une nouvelle fois”. Parce qu’à dix-sept ans, je peux t’assurer que c’est difficile de mettre le doigt sur “ce que je veux faire plus tard”. Toi, t’a 35 piges (excuse moi si je te vieilli, j’ai jamais été doué en archéologie hihi,smile), de la réflexion, de l’analyse et du savoir-faire. J’ai pas encore mis un pied dans le monde du travail, mais je sais qu’humainement ce que t’a, faut pas se leurrer, c’est pas comme si c’était rien. Y’a pas d’égo mal placé à savoir ce que l’on a. Jvais te dire la chose la plus horrible, à mon sens, qu’il y a a entendre, et qui ne résoud jamais rien : faut se donner les moyens. Et toi les moyens, tu les as. Je te dis tout ça juste parce que je trouve que tu positives pas beaucoup, et je trouve ça désobligeant de la part de quelqu’un qui est passé par où tu es passé. Le passé, ça moisit au fur et à mesure que le temps passe, alors c’est sûr que si tu touilles, ça pue. Le cheminement des eaux usées vers la station d’épuration de fait tout seul, je pense pas qu’il y ai la peine d’intervenir sur le cours de ces choses là. Tout ce qu’il faut, c’est vérifier que c’est pas bouché la dessous, que ça circule bien. Moi, je te conseillerais de lever un peu le pied sur la cogite, et de te reprendre un peu en main…

  2. Tom, je vais avoir 43 ans dans 2 jours, mais l’info est aussi inexploitable que si j’en avais 22 ou 78. Le problème c’est si je m’enferme dans mon boudin pré-mortem, comme ce post semble le présager. Le branling, ce nouveau sport de l’extrème venu des USA, ne fait pas que des durillons à la bite, il fait aussi des trous dans le cerveau.
    sinon, il y a des gens qui en chient, qui font tout pour s’en sortir, et qui ne s’en sortent jamais; et d’autres personnes qui semblent ne pas fournir d’effort particulier et qui n’ont pas de problèmes affectifs, financiers ou existentiels. Je veux dire que le monde ne fonctionne pas au “mérite”. Mon attitude actuelle n’est pas très constructive, mais j’ai besoin de la voir se déployer pour piger pourquoi en changer.

  3. Not born to drink
    Not born to smoke
    Not born to porn (ça sonne bien, non ?)

    Va bien falloir que j’applique enfin le “Not born to smoke” !

    Bon anniversaire, jeune homme !

  4. le “va bien falloir” n’augure rien de bon. Si tu ne le fais pas pour toi et pour ton mieux-être (par exemple si tu veux le faire par solidarité avec tous les dépendants en sevrage avec qui tu cohabites sur le forum, histoire de partager leur dure lutte), ça sera dur.
    (Not) born to porn, ça sonne bien, oui, t’inquiète pas, c’est pas perdu.

mardi 20 décembre 2005

film d’horreur pour techniciens vidéo

Hier soir j’ai dirigé (on dit "modérer" et ça dit bien ce que ça veut dire) une réunion AA + Alanon (les conjoints des dépendants, qui viennent se soigner de la maladie de l’autre) de 45 personnes. D’avoir dû maintenir mon attention flottante pendant ces 2 heures a nettement amélioré les qualités perceptives de mon rève de cette nuit, dans lequel j’assemble les différents éléments d’un programme télé de prévention contre l’alcoolisme, habilement dissimulé en émission destinée à la jeunesse, comme j’ai pu le faire pour Dorothée ou M6 il y a une décennie; le montage a lieu dans un car vidéo prété par un important prestataire audiovisuel régional, réputé dans l’exoréel pour sa pingrerie et son stakhanovisme*: nous sommes dimanche matin et je découvre au fur et à mesure que les reportages ne sont pas encore dérushés, les dessins animés à insérer ne sont pas correctement identifiés, les magnétoscopes ne fonctionnent pas comme ils devraient… et l’émission doit être diffusée à 13 heures ! c’est que hier soir, ce car vidéo jaune citron déglingué a servi pour une prestation payante qui s’est finie hyper-tard, et que toute l’équipe est claquée… le responsable du car s’est couché à 4 heures du matin et ne sera pas là avant midi, je dois donc me débrouiller tout seul : l’enthousiasme des bénévoles ne peut rien contre l’obsolescence des équipements, l’abstinence récente de mes collaborateurs de fortune ne les sortira pas par miracle de l’amateurisme obscurci. Je vois l’heure tourner, les problèmes s’accumuler sans parvenir à les résoudre, mais c’est pas grave, je dois continuer : les circonstances antérieures dont je ne suis pas responsable rendent impossible l’achèvement de la tâche qui m’a été confiée, ce qui ne doit pas me faire baisser les bras. Mon pote super-technicien finit par se pointer et confirmer mon diagnostic réaliste : on ne sera jamais prêts à temps. Je suggère une redif. Pas de blâme. C’est exactement l’attitude qu’il me faut cultiver de jour : la ténacité.
Le fait que dans ce rêve j’exerce les talents que réclame mon activité diurne, suivre d’un doigt de gynécologue des lignes d’instructions électroniques pour y déceler l’erreur de code, appuyer sur des boutons qui refusent de déclencher la moindre action, visionner des images qui n’éveillent qu’un intérèt professionnel, finit par provoquer un ennui profond car ce songe est très réaliste sur le plan visuel et kinesthésique. Du coup je m’éveille en maugréant que si c’est ça la lucidité onirique, c’est mortellement chiant : ayant eu un doute pendant le rêve suite à son exceptionnelle qualité perceptive, j’ai focalisé sur des affiches de bédé qui ont refusé de se dissoudre ou de devenir n’importe quoi, d’où j’ai hâtivement mais fermement conclu que j’étais bien dans le réel. Damned ! Encore raté !
(*discours qui prétend que le fait de travailler sous pression produit un meilleur travail. Peut aussi être appliqué à un individu/une compagnie/un pays qui produit en très grande quantité, au détriment de la santé ou de la liberté.)

Commentaires

Salut John !
je viens de mettre le lien vers ton blog sur la page du Forum de mon site, et les liens pour écouter l’émission radio et celle de On ne peut pas plaire :
http://www.orroz.net/videosexe.htm
Bravo et merci pour tous !

dimanche 18 décembre 2005

Les professionnels de la profession



Frenchtouch Seduction traite du difficile art d’être un homme, ainsi que des règles qui sous-tendent les rapports entre les gens, et plus précisément, entre les hommes et les femmes. Et, bien que le site se veuille le plus abordable possible, il s’adresse tout particulièrement aux PLAYERS.
Un player est un homme (plus rarement une femme) qui a décidé de mettre de côté le folklore pour regarder la séduction telle que ce qu’elle est VRAIMENT : un véritable "jeu" social, régi par des règles que l’on peut apprendre et maîtriser, pour en sentir les dynamiques et ainsi tirer son épingle du jeu lorsque l’enjeu l’exige. Le Player part du principe que rien ne tombe du ciel, que tout est portée de main, mais qu’il faut se donner les moyens de l’atteindre. Par conséquent, on peut considérer que le Player étudie et pratique les règles du jeu de la séduction (le "Game") pour pouvoir s’arracher à la "fatalité", au hasard des rencontres et des circonstances dont semblent se satisfaire la plupart des gens.Qu’est ce que les femmes veulent vraiment ? Quel est leur fantasme ? Pourquoi ont-elles des comportements aussi paradoxaux pour nous, hommes parfaits et dotés d’un esprit puremement logique ?
Le rêve de toute femme sur la terre, des grandes villes d’Amérique jusqu’aux tribus primitives des fins-fonds des forêts d’Australie en passant par l’Europe, l’Asie et l’Afrique, est d’ APPRIVOISER UN ANIMAL SAUVAGE.
Par "animal sauvage", j’entends homme FORT doté de toutes les qualités qu’un séducteur doit posséder pour réussir, soit humour, intelligence, éducation, classe, dominance, mystère, indépendance, agressivité, passion, virilité, enthousiasme, force intérieure… Les femmes rêvent de rencontrer un lion farouche et séduisant dans la jungle de la société, de l’adoucir et d’en faire leur animal de compagnie, toujours aussi agressif avec les autres, mais doux comme un agneau avec elle.
C’est pourquoi les jerks sont préférés aux AFC.
(AFC = Average Frustrated Chump, un mec qui pense qu’il suffit
d’être "soi même, gentil, doux et attentionné" avec les filles pour
leur plaire, et dont la principale technique de drague est d’attendre
en espèrant un déclic chez la fille dont il est (fou) amoureux. Souvent
à force de fantasmer une relation à sens unique, l’AFC aura tendance à
nourrir une véritable obsession amoureuse appelée "One-itis" qui pourra
parfois lui faire faire des choses à la fois stupides, ridicules,
inconsidérées, voire regrettables et dangereuses, que ce soit pour lui
ou pour les autres.)
Si un chat s’amène en miaulant, il est déjà apprivoisé, faible, esclave, quel intérêt peut-on lui porter sinon de la pitié ? C’est aussi la raison pour laquelle quand on demande aux femmes ce qu’elle veulent vraiment, elles citent toutes les caractéristiques d’un AFC : c’est leur but qu’elles décrivent. Ce qu’elles cherchent vraiment, ce n’est pas un animal apprivoisé, mais apprivoiser un animal. Elles veulent vivre avec un homme, gentil soit, mais il faut qu’il ait déjà montré ses qualités d’homme avant. La séduction passe en premier. Et puis de toute façon, un homme asservi perd tout son intérêt : il n’y a plus rien à tirer de lui.

commentaire d’un membre : "Et voila donc qui répond à l’éternelle question de l’AFC :
pourquoi préfèrent-elles les connards ?
La réponse est simple : parce qu’elles nourrissent le secret espoir de réussir à les CHANGER !"

Le site regorge de ce genre de perles enrobées dans leur sabir technico-commercial finalement assez poétique si on ne voit pas d’inconvénient majeur à ce qu’ils recyclent la PNL ou thich nhat hanh au service de leur biroute. De ma part, ce ne serait que pure jalousie de n’y avoir point songé avant eux, et c’est moins grave que les applications de la théorie sur la relativité d’Einstein à la fabrication de la bombe A.(on peut pas parler de "détournement" dans un monde où la recherche scientifique est toujours adossée à des sponsors)
Aah, si j’avais connu ce site avant de sombrer dans le porno… ça n’aurait sans doute rien changé ! ceci dit je ne regrette rien, et je ne les condamne pas, grâce aux super-tuyaux de tante Flo : " son karma n’est pas le mien, et ne peut pas le devenir, tant que je ne le condamnerai pas. Et je ne le condamne pas, car pour sûr je ne le souhaite pas." Même si je les condamnais un tout p’tit peu dans l’espoir de récupérer les miettes de leur karma, y’aurait du boulot pour devenir un Frenchtouch Seducteur. (ça doit être mon côté ANIMAL SAUVAGE qui refuse de s’APPRIVOISER lui-même.)

plus proche de moi sans doute, le blog de Frantico.
La remarque pertinente de la semaine nous est postée par le petit Karl Renz, sorte d’U.G. teuton :
"As-tu un enseignement, et si oui, quel est-il ?
Réalise que tout est un mensonge, et surtout celui qui reconnait que tout est un mensonge."

Commentaires

  1. Je pense surtout que la femme est menteuse. Ce qu’elle aime, c’est King Kong (suffit d’aller voir le film) et elle le sait très bien. Le problème c’est qu’elle ne peut pas le rceonnaître. Ce serait reconnaître qu’elle veut être maltraitée. Et pourquoi le voudrait-elle ? Parce qu’au fond d’elle même elle a une parfaite conscience de son incroyable prétention en tant qu’ego.
    Tu vas me répondre ce que tu as dit dans ton post, à savoir que la femme veut un lion apprivoisé, qui resterait agressif avec l’extérieur, et je rétorque qu’elle préfère le lion non apprivoisé. Un lion apprivoisé par une petite conne est au fond quelque chose de méprisable. C’est un idiot, un faux lion. Les gens qui achètent des tigres les achètent pour se faire peur, pas pour avoir des chats de 250kg à la maison. Moi-même j’ai eu des pythons et je dois avouer que s’ils n’avaient pas essayé de me mordre de temps en temps, ils m’auraient déçue. C’est pour ça que les nanas aiment les connards inchangés et les mecs qui les frappent, ça les ramènent à ce qu’elles sont vraiment : rien du tout. J’ai un pote qui m’a expliqué comment les nanas essayaient de se faire frapper, et pour les avoir vu faire, je sais que c’est vrai. Et même, dans mon roman, quand le héros se transforme en nana, on voit qu’il/elle fait chier son consort jusqu’à ce que ça tombe.
    Ce que ne réalisent pas les nanas en revanche, c’est que pour que la relation avec le mâle alpha soit intéressante, il faut être soi-même une femelle dominante (comme dans Mr et Mrs Smith, par exemple). Dans cet ordre d’idées, il est très amusant d’observer les couples “culturistes”. Plusieurs fois j’ai vu un mec super balaise jeter son dévolu sur une petite minette et la mettre sous les barres. Et la nana, ben elle y va. J’en connaissais un qui était entraîneur de powerlifting, il devait faire quelque 300kg au squat, et donc il était avec une minette de 50kg, et quand elle ne voulait pas aller sous une barre de 120kg, il lui jetait “allez va, retourne à ta couture !”. La pauvre.

  2. j’évoque des gorilles technocrates, tu me réponds femelles hystériques. Comme disait Konrad Lorenz, on a retrouvé le chainon manquant entre le singe et l’homme : c’est nous.

  3. John tu fais une interprétation sans aucune nuance de ces “frenchtouch séducteurs”, d’où transpire la jalousie, l’aigritude et la frustration.

    S’assumer et affirmer sa personnalité ne fait de personne un trou du cul, ou un macho, ou un gorille maltraitant.

    Traiter les femmes comme de la merde, ça, ça fait de toi un trou du cul, et il n’est écrit nulle part sur FTS que c’est ce qu’il faut faire, bien au contraire.

    Quant à Frantico, il dessine bien, il est rigolo, mais je ne suis pas sûr qu’il intéresse vraiment les filles à qui LUI s’intéresse (sa voisine, par exemple :) ).

    Les mecs qui répriment leur masculinité et qui essaient d’endosser des valeurs surgies du paradigme romantique hollywoodien passent leur temps à déblatérer sur “les connards qui traitent les femmes comme de la merde, qui aiment bien ça les salopes” …
    Alors qu’il n’y a (finalement) que des mecs qui s’assument, s’amusent, amusent et intéressent les filles avec qui ils s’amusent… et ceux qui regardent en faisant amalgames et raccourcis, tout en serrant les poings et en reprochant au monde entier (surtout celui qui “réussit”) leurs échecs amoureux et personnels, dont ils sont les seuls responsables, du fait de leur immobilisme monolithique.

  4. Que je sois un trou du cul rêvant d’une improbable rédemption, le fait est amplement avéré sur ce blog. J’ai engraissé les marchands de cyber-cul au lieu d’assumer mes pulsions de domination et ma soif d’aventures sexuelles. Pour moi aujourd’hui il ne peut s’agir d’être encore épouvanté par ces pulsions ou de les dénigrer chez les autres, mais de comprendre en quoi ce sont des attachements néfastes qui m’ont mené à un profond dégoût de moi-même, au même titre que les idéaux romantiques dans lesquelles elles se drapaient avant mon addiction.
    Sinon, oui bien sûr que je rèverais d’être un moraliste et de décrier l’efficience des stratégies d’école de commerce et l’instrumentalisation des techniques de développement personnel appliquées à la recherche du plaisir masculin. Je reconnais une certaine dose d’honnêteté et d’intelligence aux rédacteurs du site dans leur description d’un monde qui se divise quand même en prédateurs, en proies et… comment baptiser tout le reste ?
    Je laisse les belles femmes à ceux qui savent les apprécier et qui se donnent les moyens de les séduire. Je reconnais qu’il y a là un certain dépit de ne pouvoir jouer joyeusement dans la cour des séducteurs. J’ai rencontré des libertines adorables, qui assumaient pleinement leur sexualité, et j’ai des amis à qui ça ne pose aucun problème insurmontable. Manifestement, je ne suis pas de ce bois-là. La sexualité est chez moi directement reliée à l’émotionnel, en même temps qu’à ces pulsions relevant d’un désir de fusion mystique avec le monde, (on ne rit pas) largement incompatible avec la poursuite de conquètes féminines. Si j’arrive déjà à reconquérir ma femme, j’aurai pas tout foiré dans cette vie ;-)

lundi 12 décembre 2005

Pluie d’insectes morts


Le 13ème guerrier, film de John Mc Tiernan, se passe au Xème siècle. Parce qu’il a séduit la femme d’un important dignitaire de Bagdad, Ahmed Ibn Fahdlan est contraint a l’exil en Asie mineure. Durant son voyage, il fait la rencontre de rudes voyageurs vikings, et entame une observation minutieuse de leurs moeurs. Ils se heurtent à une peuplade de barbares peinturlurés par une maquilleuse ayant un peu abusé de ses lectures sur le chamanisme. La nuit précédant un combat décisif, tous les guerriers se couchent paisiblement au campement, seul Ahmed est dans l’intranquillité :
"Comment pouvez-vous envisager de dormir dans un moment pareil ?
"Le Grand Ancètre a façonné notre destin du début à la fin il y a bien longtemps. Te cacher dans un trou de souris ne prolongera pas ta vie. La peur est un sentiment inutile. Ton destin est écrit."

Il y a un côté fataliste dans cette culture déconsidérée par l’occident qui a cru y déceler la négation du libre arbitre, l’absence de liberté, la résignation à son sort, aussi défavorable qu’il fût, au lieu de l’étude critique des conditions de sa naissance et de sa classe sociale, mais il y a un côté "acceptation de ce qu’on ne peut changer" empiriquement très fécond.
Pour ceux qui ont vu mon film "Aller simple" (consultable ici) j’y dépeignais la perte du corps comme métaphore du cyberspace, mais la perte de mon corps par l’abus informatique n’a plus rien de métaphorique pour moi. Comme me l’a fait remarquer une amie, "tant que ton esprit n’est pas dans ton corps, tu seras dans la merde."
donc je passe à une heure d’ordinateur par jour et je me mets au vipassana tel qu’il est proposé sur http://www.dhammadana.org/ en attendant de dégager un créneau pour une retraite de 10 jours. L’aspect obsessionnel de la pratique n’a pas de quoi me faire craindre de sombrer dans la démence : comme le mental s’attribue tout mérite, il risque simplement de me faire croire que je "fais" de la Pensée Perceptive, ce qui sera l’indice que je suis à côté de la platique !
…donc en une heure, difficile de faire mieux que d’aligner trois pensées et de se barrer après avoir épuisé ce crédit. Voici celles que je n’ai plus le temps de développer : elles sont venues, je les ai notées, elles sont reparties.
-Je comprends pourquoi je suis fasciné par le Mal : il est plus fort que Papa, qui faisait semblant de lutter contre sans vouloir admettre et encore moins reconnaitre que le Chevalier Blanc est parfois Marron Derrière. C’est très archaïque comme message, et pour ne pas l’entendre j’ai enluminé très tôt mes faiblesses, me protégeant de cette connaissance derrière des livres, des films, un catalogue inoxydable de citations, et l’ironie (la petite sagesse des destins inachevés)…
-Il y a toujours à distinguer "j’y renonce parce que c’est trop difficile" de "j’y renonce parce que c’est un chemin sans intérèt pour moi" pour éviter les malentendus intérieurs, sources de trop de leurres (sans l’argent du leurre.)
-Les choses restent là où on les a posées, ou là où elles sont tombées, c’est selon.
-Si j’étais ministre de l’économie émotionnelle, je privatiserais le désir et je nationaliserais la peur. C’est ce que font tous les gouvernements de droite dignes de ce nom.
-Je change des éclairages dans la maison. La fouille attentive des embases des luminaires du salon m’a permis d’exhumer des centaines de petits cadavres qui étaient tombés dans un réceptacle peu accessible ; je les ai recueillis dans ma petite pelle plastique, puis j’ai répandu une pluie d’insectes morts par la fenètre, à la grande surprise des piafs du quartier qui n’attendaient pas d’aide humanitaire avant Noël.
-La mort ne nous prendra que ce que nous avons cru posséder. Dépéchons-nous de guérir de cette maladie, à défaut de tout benner à la décharge.
-Imaginons un asiatique qui lise la Bible et qui se pique de devenir Jésus. Pourquoi nous fait-il plus sourire que tous ces occidentaux entichés de Bouddhisme ? Et comment ai-je pu m’illusionner, me satisfaire de ces lectures dont l’enthousiasme instantané ne débouchait sur rien ?
-Hier soir, je mets un disque de Jim Murple Memorial. Clara, 5 ans : "Wouah, papa, j’ai l’impression d’avoir 3 ans !" intrigué, je consulte la pochette : effectivement, on a beaucoup écouté ce disque en 2003 (comme elle est née en 2000, c’est facile de calculer son âge). Mais cette remarque me donne surtout à réfléchir à tous ces quadras, et moi le premier, qui écoutent leurs vieux Pink Floyd en espérant repasse par les trous de souris de l’attention musicale et se retrouver en 1977.
Raison de plus pour m’imprégner de Steve Roach, qui ne me rappelle rien, ne m’évoque rien, ne m’autorise ni ne m’interdit aucune projection émotionnelle, au contraire de la majorité des cd de la maison, ancrés chacun dans leur époque, et je vous épargne les vyniles au garage et les cassettes audio dans le tiroir de l’armoire.

Commentaires

  1. Quand j’écoute les vieux bowie, c’est pas pour me retrouver dans les années 70, c’est juste parce qu’ils me font toujours vibrer…et pour rien au monde j’aimerais retourner dans les années 70… Faut assumer d’être quadra et d’aimer toujours la même musique, so what ? Et puis, tant qu’on vieillit, c’est bon signe, ça veut dire qu’on est pas encore mort, non ? même les rides, faut assumer… because… “winkles are for the soul to remenber what it came through”… citation de ???
    Je t’embrasse, John.

  2. moi je retournerais bien en 77 pour me prévenir que si j’arrète pas mes conneries, l’homoncule qui m’habite en 2003 est loin de correspondre à mes prévisions de l’époque : je n’imaginais jamais atteindre 2003.
    “vieillir” décrit les effets biologiques d’un phénomène : l’écoulement du temps. “être mort” est une expression antinomique : soit on “est”, soit on “mort”, mais “être mort”, c’est à se pisser de rire tellement ça peut pas exister…non-sens.
    Et je rectifie ce que j’ai écrit plus haut : après vérification, je projette bien quelque chose sur Steve Roach : une “absence de contenu émotionnel”.

  3. C’est marrant, pour moi, Steve Roach m’évoque un tas de trucs jamais vécus dans la réalité, mais réellement vécus cependant. Il faut dire que ma vie se déroule à 80% dans l’imaginaire (ce qui ne veut pas dire hors du corps). L’univers qu’il m’évoque ressemblerait assez à celui de Au-delà du réel où le héros prend des drogues et se retrouve dans des mémoires très anciennes. Le Steve Roach tribal (suspended memories par exemple), c’est des mémoires évoquant l’aube de l’humanité, et le Steve Roach dark (Magnificent Void), c’est une mémoire du temps où l’humain n’existait pas, peut-être même où la vie n’existait pas, là où la terre était balayée par des éclairs et des raz de marée.

  4. c’est marrant, mais tu commences souvent tes commentaires sur mon blog par “c’est marrant”, et juste après je prends une méga-info “évidente” dans la face. “Altered states” de ken russell avec son sorcier castanedien et son happy-end ridicule + la musique de steve roach quand il est du côté obscur, bon sang mais c’est bien sûr ! à partir de là, je me demande pourquoi l’imaginaire dans lequel tu prétends vivre m’apparait bien plus réaliste que les rêves dont je prétends m’extraire… de toute façon, ma fascination pour les performances dont est capable ton “esprit entrainé” en dit plus long sur moi que sur toi…

dimanche 4 décembre 2005

Le bonheur dans l’abstinence 2



"Johnny, mon Dieu, qu’est-ce qui nous est arrivé ?" Sa voix n’était qu’un souffle, comme une brise désolée après une tempête qui aurait mis fin à tout espoir et à toute illusion.
Il connaissait la réponse : ce qui nous est arrivé, c’est moi. Mais il dit plutôt : "Ca va s’arranger."
Ses larmes l’avaient épuisée et il ne restait rien dans sa voix ou dans ses yeux qu’une mélancolie douce et désarmante.
"Qu’est-ce que tu veux, Johnny ? Qu’est-ce que tu veux ?
-Je te veux, toi. Je veux ce que nous avions. Je veux que nous soyons heureux."
C’était vrai. Il la voulait. Il voulait se perdre encore dans les vagues croissantes de son amour. Il voulait tout; le monde. Il la voulait elle toute - et la chair aussi de toutes les salopes qui attisaient son regard - sans offrir un brin de lui-même, de même qu’il avait soif de richesse sans daigner travailler, de même qu’il souhaitait attirer tout le bonheur et toute la joie du monde dans le vortex mort de son être sans donner rien en retour. Il voulait que Diane - et il voulait que le monde tout entier - soit l’objet et le vaisseau de son bien-être et de son salut. Il voulait ce qu’en elle ni en quiconque il n’aurait pu admettre, tolérer ou pardonner : la confiance en échange de la supercherie, la loyauté en échange de l’infidélité, l’amour en échange de la froideur, dévotion contre indifférence, honneur contre mépris, prospérité contre paresse, la bonté en retour de la cruauté proférée. Il voyait l’injustice et l’iniquité inhérentes en cela, et il persévérait pourtant, comme s’il croyait en l’existence intangible d’une dispense démoniaque et d’un droit acquis, un certain "droit du mal", qui lui revenait, à lui seul.
(…) Les médecins l’avaient convaincu d’aller aux Alcooliques Anonymes après sa sortie. Et il y était allé. Mais au bout d’un moment il avait commencé à voir que c’était une arnaque. La plupart de ceux qu’il y voyait, par comparaison, n’avaient jamais vraiment bu tant que ça. Ils allaient aux réunions, s’était-il dit, comme d’autres vont au bar ou font du bénévolat à l’église : c’était une façon d’avoir une vie sociale. Pour certains, les A.A. semblaient être un substitut à la vie, un microcosme qui avait sa propre mythologie, sa hiérarchie et son langage, un refuge où ceux qui n’étaient pas capables de trouver ailleurs l’attention, l’amour, le sentiment d’importance qu’ils recherchaient, pouvaient venir ici se faire bichonner. Pour d’autres, cela semblait être une contre-addiction qui créait un climat de faiblesse plutôt que de force. Elevés du statut d’ivrognes à celui d’alcooliques, de celui de paumés à celui d’âmes affligées, les serviteurs pas si anonymes des A.A. semblaient jouir de l’importance et de la compassion que leur accordait la prétention qu’ils étaient aux prises avec la maladie. C’étaient des snobs, à leur façon, des clodos élitistes qui octroyaient à l’ivresse une dignité illusoire en lui donnant le nom d’alcoolisme. Johnny avait regardé sa mère pourrir doucement et douloureusement d’un cancer. Pour lui, ça c’était une maladie. Quelle maladie pouvait être contrôlée par la volition ? c’est ce qu’il voulait savoir. Mais d’un autre côté, A.A. ne laissait pas trop de place au libre arbitre. Son credo d’impuissance et de soumission aveugle à une déité terne d’ivrognes garantissait l’étranglement de l’âme, l’étouffement de la volonté, une douche froide à ce que la sagesse antique nommait l’étincelle héroïque. (…) Avec son insistance dictatoriale à la participation de réunions sans fin, à l’endoctrinement et à la conversion, l’organisation niait qu’il y eut des hommes et des femmes dont le pouvoir soit limité, et non rehaussé, par les restrictions et l’influence de la conformité, qui ne trouvent pas de confort dans le groupe, qui sont diminués plutôt qu’augmentés par le fait de remettre leur destinée aux mains d’un autre. Comme toute religion ou tout culte, le message ultime est ceci : qu’il n’y a pas d’autre chemin. Et ce message était pour Johnny, comme toujours, anathème. C’était déjà une chose, provenant de l’Eglise dont le glaive d’autorité avait fait couler le sang depuis deux millénaires, mais venant d’un culte dont l’histoire remontait à soixante ans et à un connard du nom de Bill, c’était franchement grotesque."

Ce passage de Trinités, roman de Nick Tosches sur le mal absolu et ceux qui choisissent de l’incarner, m’avait terrifié quand j’étais jeune abstinent. Niveau un, c’est à ça qu’on reconnait le mal : il fait peur. Fastoche. Cette description très documentée du mouvement des A.A. vu par l’oeil d’un mafieux que les défections de son organisme contraignent au sevrage est réaliste, et en même temps erronée : elle relève du Niveau deux, la Provoc, qui tente de démontrer que le Bien n’est qu’un malentendu entre chochottes consentantes, un compromis bâtard qui consiste à préférer la cessation de la souffrance à tout autre objectif. Quand on lit le "Big Book", la Bible historique du mouvement, il est patent que Bill a vécu une théophanie, après quoi il a créé un égrégore qui a sauvé des millions de gens de par le monde d’une mort imbécile précédée de souffrances atroces. On y croise plutôt moins de lopettes et de désaxés qu’ailleurs, parce que nous arrivons tous de notre petit enfer liquide et portatif, et que nous sommes très motivés pour n’y point retourner. L’authenticité, l’honnèteté et la sincérité y sont activement cultivées, non par vertu mais par confort : elles semblent seules pouvoir nous éviter de redoubler les petites classes de cette maternelle de la spiritualité.

"Pour lui, la lente descente dans l’oubli, avec tout ce qu’elle comportait d’attente et de possibilités - un pari gagné, une bagarre, un frisson de joie dans un éclat de rire ou une chanson, un souvenir soudain ramené à la vie - c’était le principal de la chose. Il fallait parfois des jours et des nuits sans sommeil pour en arriver là, mais il en avait savouré chaque instant. Toutefois, avec le temps, l’attente et les possibilités s’étaient amenuisées, et il s’était contenté de boire, sans illusion et sans fausse joie. Boire et rien d’autre. Et quand il s’était rendu compte qu’il en avait fini à jamais de l’attente et des possibilités, il s’était demandé ce qui continuait à l’attirer. Et il avait su alors que ça n’avait jamais été les filles, ni rien d’autre. Depuis toujours ça n’avait été que l’oubli. C’était là son véritable amour : l’oubli.
A Milan, il avait tué intentionnellement. Mais, au cours des ans, il avait perpétré le même crime contre lui-même, et sans savoir pourquoi. Finalement, il avait plus de validité en tant que tueur qu’en tant que protagoniste de sa propre existence."

…Johnny envoie donc les gentils A.A. se faire foutre, n’assistant aux réunions que pour se fournir en gonzesses, et vit son abstinence tout seul, parce qu’il l’a, lui, cette étincelle héroïque, et c’est l’autre sujet du bouquin : l’itinéraire spirituel d’un nuisible qui vit ça les yeux ouverts. Il trouvera son chemin, mais pas la rédemption, définitivement classée affaire de couilles molles.
(ça doit être l’arrèt du tabac qui me fait focaliser comme ça en ce moment)

"Je ne vois pas de la même façon que nos ancètres.
Ici il n’y a ni Patriarche ni Bouddha.
Bodhidarma n’est qu’un vieux barbare puant.
Gautama est un vieux papier toilette desséché."
Te-Shan (780-865), cité par U.G.

On peut envoyer tous les bouddhas se faire foutre, mais il faut d’abord avoir suivi les enseignements.

Commentaires

  1. C’est marrant, au début, j’étais sûre que c’était toi qui avais écrit ce texte. C’est vraiment ton style (en fictionnel). Quoi qu’il en soit, sa vue et la tienne sur les AA ne sont pas contradictoires. Peut-être que c’est une bande de nases mais peut-être aussi qu’ils ont sauvé des millions de gens. C’est ça qu’on finit par comprendre. L’élitisme est réservé à l’élite. Si le maître dzogchen enseigne le dzogchen, il n’aidera pas grand-monde. S’il enseigne des naseries à longueur de journée, ça aidera un tas de gens, parce que les gens sont des nuls. C’est le standard. L’auto-détermination, la réflexion, tout ça, ce sont des valeurs d’élite, ça marche 1 fois sur 1 million. C’est ce qu’on comprend en regardant Amma.

  2. c’est marrant, parce que le réalisateur du film sur Amma était aux enseignements du lopön en novembre 04.
    sinon, oui, j’admire le style de nick tosches, et je vais en réunion AA, et l’autre jour j’ai rêvé que la Mafia aidait les AA à “salir leur argent propre” (les finances de l’association sont exclusivement issus des dons spontanés des membres) et j’ai pris ce songe comme une parabole sur le fait que “trop de blancheur nuit” de la même façon que la noirceur érigée en système relève du terrorisme intellectuel, et qu’on la tolère uniquement chez les artistes quand elle fait joli.