jeudi 5 décembre 2019

Rebords et soubassements (2)

soubassement :
1. Partie inférieure (d'une construction…) sur laquelle porte l'édifice.
2. Socle sur lequel reposent des couches géologiques.

Dans mon plan de retour à l'emploi, pour rebondir dans le privé avec un plus gros élastique, je commence par faire un mail à la responsable Ressources Humaines de la boite en lui demandant de me requalifier comme CDD historique. Je sais, je n'aurais pas dû arpenter pieds nus les couloirs de la station l'été dernier, j'ai vu dans son regard que ça lui avait déplu, mais on ne sait jamais, mon éloquence épistolaire proverbiale peut entr'ouvrir la porte au dialogue social. 
Quand j'étais jeune, j'ai carrément séduit des filles par courrier. 
C'était y'a longtemps, je sais.
Mais je fais des efforts, la preuve : je me suis retenu de lui envoyer mon flyer d'autopromo visant à relancer ma carrière déclinante, que je réserve à des collaborateurs mieux en phase avec mon humour.
Merci à Nicolas Cage de m'avoir prété son selfie dans "Mandy" (2018)
Je lui signale sobrement que si je viens tout juste d’atteindre les 1000 jours travaillés, c'est parce qu'en 22 ans de collaboration avec FT, j'ai privilégié la multiplicité des expériences et des employeurs, jusqu'à début 2018. Ce n'est que depuis deux ans que j'ai compensé la diminution de mes contrats dans le privé en allant travailler dans les régions Centre Val de Loire et Bretagne. 
Ce que la règle des 80 jours m'interdit de faire aujourd'hui.
En plus du pot de gibolin pour m'occuper pendant mon chômage, j'ai aussi retrouvé ce paragraphe propitiatoire :
« les collaborateurs proches des seuils définis pour être reconnu collaborateur régulier n’ayant pu atteindre ces seuils du fait d’un évènement personnel exceptionnel (congé maternité, maladie longue durée…) pourront demander à faire l’objet d’un examen de leur situation par leur responsable RH afin d’apprécier l’opportunité de les intégrer à la population des CDD réguliers ».
Je ne peux certes pas faire passer ma polyvalence pour une maladie longue durée. 
Mais au vu de mon ancienneté, de ma mobilité en régions et de ma motivation dont tu as pu avoir un aperçu lors de nos entretiens, je souhaiterais intégrer la population des CDD réguliers.
A ta disposition pour en discuter
C'est sobre, non ?
Sur le moment, elle prétend vaguement qu'elle relaye ma demande jusqu'aux instances parisiennes et décideuses, puis se mure dans un silence minéral. Quelques semaines plus tard, elle est toujours muette face à mes mails de relance,  je me dis qu'elle a tout intérêt à laisser pourrir la situation, puisque quoi qu'il arrive, une fois mes trois mois de bannissement écoulés, je serai "blanchi" et à nouveau bon pour le service (jusqu'à ma prochaine accession au seuil des 80 jours...) ma carence sera finie, mon compteur remis à zéro, mon casier judiciaire à nouveau virginisé; et je n'aurai pas accumulé assez de jours travaillés ni pour prétendre à une intégration (je postule depuis 15 ans pour rentrer à plein temps dans la boite, mais je dois avoir une très forte odeur corporelle, je ne sais pas, ça ne marche jamais) ni pour les traîner devant les tribunaux prud'hommaux.
Mais ce n'est pas le sens de la question que je lui posée et à laquelle elle se garde bien de répondre : comment peut-on passer 22 ans en CDD et ne pas être reconnu collaborateur régulier ?
Les gens qui ont imaginé ce plan social de prévention des risques sur le dos des CDD, variable d'ajustement de la boutique depuis tant d'années, se prennent pour des génies du mal du droit social mais sont en fait des imbéciles. Cette mesure visant à nous empêcher (nous les CDD, obligés de ravaler leur dignité, puisqu'en France quand on te prive d'emploi ta dignité c'est la première chose qu'on te confisque) d'intenter puis de gagner des actions en justice ne peut que nous précipiter dans les bras des cabinets d'avocats spécialisés dans ce type de litige, en plus de leur créer de sévères problèmes de recrutement en fin d'année, mais ne divulgâchons pas la suite de notre programme.

Je ne sais pas si j'ai ravalé ma dignité, mais j'ai ravalé mon mur.

Ceci n'est pas un banc de méditation, c'est une photo.
Dans le même temps, je me fais un putain de programme d'action.
Le mur de la propriété à rénover.
Le chêne rongé par les termites qui s'est coincé entre deux arbres en tombant à la limite du jardin.
25 minutes de méditation par jour.
La recherche de nouveaux employeurs privés, la rédaction et l'envoi de courriers et de curriculums.
L'extinction de l'ordinateur à partir de midi tous les jours, pour prévenir tout risque de débordements cybernétiques.
Trois heures de jogging par semaine.
Des séries télé avec modération, pour me stimuler l'esprit sans le noyer sous de capiteuses fictions.
Et je retourne une fois par semaine en réunion Alcooliques Anonymes, comme au bon vieux temps des pionniers du Phare Ouest.
Ainsi, le mois d'octobre se passe comme on avait dit : je retape le mur, je parviens à abattre l'arbre et le débiter sans finir aux urgences, je fais tous les jours de la méditation de pleine conscience, et je m'adonne à la cueillette saisonnière des champignons; à la fin du mois j'encaisse en toute sérénité la moitié de mon salaire en allocations chômage, c'est la première fois depuis 30 ans que je passe un mois entier sans travailler, pensant naïvement que la société profite de mon épanouissement relatif comme individu qui refuse de se complaire dans la morbidité de son inutilité sociale temporaire, ce qui est relativement nouveau pour moi.

(à suivre...)

mercredi 4 décembre 2019

Rebords et soubassements (1)

Je retrouve un gros pot de gibolin, vieux de 15 ans mais à peine entamé, dans l'appentis au fond du jardin. Je l'ouvre : à vue de nez, il en reste bien 10 litres. A la surface, une mince pellicule s'est formée, sans dégénérer en l'infâme croûtasse solidifiée qui nous fait foutre en l'air les pots de peinture conservés trop longtemps dans l'attente d'éventuels raccords.
Les composants chimiques s'en sont un peu désémulsionnés, mais ça se touille, ça se tente. Le commercial de la boite de ravalement m'avait tellement vanté les vertus de cette résine acrylique avant de m'en tartiner la façade, que j'appelle ça du gibolin, autant par dérision que par hommage aux vertus réelles du produit; car le gibolin reste étanche en toutes saisons, mais permet les échanges thermiques entre l'intérieur et l'extérieur de la maison, et aussi aux murs de respirer.
Le gibolin, le vrai, avait été imaginé par les Deschiens au milieu des années 1990, ils en buvaient comme fortifiant, dégrippaient des pièces de moteur en les faisant tremper dedans, l'utilisaient comme détachant, en mettaient dans des bouillottes, etc...
Après travaux, il me reste bien 5 litres de gibolin.
Je vais les mettre sur Le bon coin.
Sur le couvercle du pot y'a marqué "soubassements", ça doit être la teinte qu'ils ont utilisée pour faire le bas de la façade, très hydrofuge, légèrement plus foncée, dans les tons chair malade, cireuse. Ca ira bien : mon projet du jour consiste à reboucher les fissures du mur d'enceinte de la propriété, qui a tendance à se lézarder, comme beaucoup de murs dont certains sont pourtant mes amis, puis à l'enduire de ce gibolin pâteux, perdu puis retrouvé, prodiguant à l'ouvrage maçonné un rafraîchissement inattendu à peu de frais, dont tout le quartier se moquera éperdument mais moi ça m'occupe, la route est passagère et par mauvais temps les camions maculent les façades que beaucoup de riverains laissent partir en sucette. Ca me coûte juste l'effort de mémoire qu'il m'a fallu fournir pour me  rappeler où j'avais entreposé les restes du chantier de ravalement de la façade, suite à une remarque de ma femme qui trouvait le mur crado.
Je suis stupéfait que le produit ait si peu souffert après 15 ans de stockage dans cette cabane de jardin pas du tout isotherme, où les vélos accusent le coup en se piquetant doucement de rouille, et je n'y stocke rien de sensible.
Par ailleurs, je sais en moi des richesses & résolutions discrètement entreposées depuis une durée au moins aussi longue, et dont je n'ai pas fait grand chose pour l'instant (je dis ça en comparant les résultats attendus à l'époque à ceux obtenus réellement) et dont je peux craindre qu'elles aient beaucoup moins bien encaissé l'écoulement du temps.
Si j'en retouille le pot, quand je l'aurai retrouvé, pourrai-je les remettre en branle pour m'en tartiner la façade, une décennie et demie plus tard ?
Rien n'est moins sûr, madame Chaussure.
Fin provisoire de la parenthèse métaphorique.


Un des nombreux tutoriels de bricolage de Daniel Goossens
qui m'ont bien aidé à rénover ma maison.
En ciment/maçonnerie je me trouvais assez nul, mes ponts sur le Bosphore s'effondraient les uns après les autres, mais un jour je suis tombé sur le bon tutoriel, et depuis, j'enduis mes murs de ciment pur au lieu de faire un mortier avec du sable, ça tient mieux au corps. Bon, j'en ai quand même quarante mètres linéaires à reboucher &repeindre, mais c'est pas un problème, j'ai été mis à pied pour trois mois par mon employeur unique, un grand groupe de télévision publique régionale pour lequel je suis vacataire depuis 22 ans, et qui applique une nouvelle règle discriminante envers les CDD, pour interdire à ceux-ci d'attaquer leur employeur aux Prud'hommes pour abus de recours à l'intermittence : soit t'es labellisé "CDD historique" et reconnu comme collaborateur régulier, auquel cas tu peux continuer à bosser, mais attention les conditions d'admission au club sont assez strictes : 
les intermittents, cachetiers, pigistes ayant effectué 120 jours travaillés sur chacune des 3 années 2015 à 2017 ou 500 travaillés sur la période 2013/2017 en ayant travaillé au cours du second semestre 2017 (...) tous les collaborateurs pouvant attester de plus de 1000 jours payés avec FT au 1er septembre 2018 et ayant travaillé avec FT au cours du 1er semestre 2018. »
...soit tu ne l'es pas, et alors, quand tu as travaillé 80 jours dans l'année civile pour la boite, on te fout dehors remercie cesse de t'appeler jusqu'à l'année prochaine. C'est pour pas que tu deviennes dépendant d'un employeur unique, tu comprends ? ça t'encourage à chercher d'autres employeurs, et à rebondir dans le privé.
Mon cul. De l'aveu même des responsables de planning, c'est pour t'interdire de pouvoir prétendre à l'intégration en exhibant un trop grand nombre de jours travaillés. L'hypocrisie du prétexte invoqué ne trompe pas même les responsables Ressources Humaines de la boite.
Un copain m’écrit : «  J'aime beaucoup l'expression CDD historique. Vu le nombre d'année de CDD que tu cumules, tu dois frôler le CDD pré-historique. Ils devraient inventer la catégorie du CDD Paléontologique à ton intention. »
A défaut d’avoir du boulot, c’est chouette d'avoir un bon copain.
Cette année la sanction m'a touché fin septembre.
Du jour au lendemain, mon contrat en cours est annulé, sans sommations.
Et je suis banni des plannings pour trois mois.

Pendant ces 22 ans de collaboration régulière non-reconnue comme telle et sans doute franchement irrégulière, j'ai toujours eu de multiples employeurs et activités, il n'y a que depuis 18 mois que FT est devenu mon seul employeur. D'où cette déconvenue à me retrouver enfermé dehors, alors que j'ai même pas rien fait pour mériter ça, plaquette Vapona.
Pour éviter de me calimériser, je songe que l'an dernier la mesure avait touché Carole M. (à l'époque j'étais "jeune CDD migrant" en Corse et j'avais autre chose en tête) et je n'avais rien dit, je n’étais pas Carole M. (et je ne le suis toujours pas à l’heure qu’il est, 13h46, mais la journée est loin d’être finie.) Et quand ils sont venus me chercher cette année pour faire un exemple, Carole M. n'a rien dit, elle bossait moins que moi et mon absence du planning allait lui ouvrir un boulevard... le temps qu'elle atteigne elle aussi les 80 jours d'espérance de vie, un peu comme dans L'âge de Cristal, quoi. 
En apprenant ma mise à pied, alors que je mettais les bouchées doubles cette année encore pour prouver ma mobilité en allant bosser dans d'autres régions et leur démerder le coup en faisant l'ambulance pour les vacances et les week-ends, je me dis qu'il faut que je sois hyper-vigilant pour que l'inactivité forcée ne me fasse pas retomber dans mes pires travers de porc, le téléchargement illégal, la pornographie en ligne, signes de radicalisation sur internet et de déni du réel, et pire si affinités.
J'ai suggéré à mes collègues CDI de lancer une pétition de soutien genre « Ca nous rendra pas Steve mais ça nous rendra peut-être Warsen », je voyais déjà les cases à cocher au bas du tract :
Je manifeste mon soutien à cette noble cause en donnant :
- 100 000 €
- une clé de douze
- un organe de mon choix mais pas trop vital quand même
mais il n'y a personne de moins mobilisable qu'un salarié qui a le ventre plein et qui n'a pas lu l'Entr'aide de Paolo Servigne. Pour l’instant, je ne me plains pas de cette carence, et me débrouille pour n’être pas oisif, car l’oisiveté est mère de tous les vices.
Mais à mon âge et vu mon poids, pour rebondir dans le privé, il va me falloir un plus gros élastique.

(à suivre...)

dimanche 1 décembre 2019

Le diable probablement

D’abord j'ai un moment d'absence devant mon ordinateur, et quand je reprends conscience, trop tard, je suis déjà en train d'errer sur des blogs de vieux, je veux dire, de gens qui ont mon âge :
"To rip or not", la question mérite d'être posée.
Pour des artistes morts, pas de scrupules, on rippe. Leurs enfants n'ont qu'à trouver un métier honnête, plutôt que de vivoter des droits d'auteur de leurs parents, des CDs.
Nonobstant, d'avoir contemplé l'abyme grouillant du nombre de titres d'Henri Salvador que je méconnais, celui-ci se met à me regarder aussi, et allume souterrainement la mèche de la bombe à fragmentation de la fièvre collectionneuse.

Alors je commence à jouer du clavier, et j'atteins d'abord ceci :
Woualou, voilà plein de titres inconnus de feu le père Henri, ça a l'air sympa mais il faut s'inscrire auprès de usenet, qui m'a tout l'air d'une foutue bande dématérialisée de malfaiteurs à but lucratif et de détrousseurs de cadavres, puisqu'ils empochent tes sous sans reverser rien du tout, ni à qui de gauche, ni à Michel Droit. Et donc au final raquer à de telles cyber-raclures pour télécharger, non merci, je préfère encore acheter les imports japonais sur Amazon (Henri Salvador is big in Japan, à n'en pas douter).
Mes recherches clandestines me mènent ensuite en terrain légal, chez Born bad records.
Alors là bravo, j'ai dit ailleurs et pas plus tard qu'hier tout le bien que je pensais de Born Bad Records et de leur politique d'exhumation de trésors enfouis, vraiment s'ils sont mal nés, la résilience s'est ensuite emparée d'eux au fil des ans, c'est incroyable le bien qu'ils font au paysage culturel, mais concernant Henri, il n'y a qu'un titre de lui sur cette compilation, en plus je le connais par coeur, donc je ne m'attarde pas, je repars vers le côté obscur avec http://losslessbox.do.henri_salvador_2_cd/13-1-0-2013 mais la compilation n'est plus en ligne, dommage, par contre si je veux télécharger 48 albums de Nils Petter Molvaer c'est sans problème.
C'est bien joli, mais où trouverai-je le temps de les écouter ? Comme à chaque fois que je cherche un truc sur le net, l'offre recommence à excéder ma demande. Je fais des recherches de plus en plus frénétiques, j'admets connaitre des wagons de fournisseurs douteux, chez israbox y'a beaucoup d'albums de Salvador mais maintenant il faut les choper sur isracloud et comme je ne suis qu'un goy c'est devenu payant, Qobuz fait une offre moins minable que iTunes mais y'a quand même pas de quoi se pâmer comparé à ce qu'on trouve sous le manteau que Jésus a partagé avec un pauvre, et finalement, je trouve des curiosités à un prix décent chez des amoureux de vieilleries, un espèce de Born Bad Records pour Ecroulés, Vioques & Baveux (le pendant français aux Brawlers, Bawlers & Bastards de Tom Waits)
Les Frémeaux (j'imagine aisément des frangins complices comme les Coen) ont commencé à éditer une intégrale avec plein de choses inconnues et a priori affriolantes, par exemple ça :

 Achète-moi

ou ça :


... mais pour finir, la meilleure compile pirate d'Henri Salvador, je la trouve chez un certain John Warsen, parce que j'avais oublié que c'est là que je l'avais mise, ce qui me fait penser que dans mes activités mélomaniaques sur Internet je ressemble de plus en plus à Bob Arctor dans Substance Mort de Philip K. Dick, et c'est pourquoi j'ai cessé d'y aller la plupart du temps, comprenant l'inanité de ma quête, qui m'embarque toujours vers des cybercuites sans lendemain.
Le diable probablement.
Le mot de la fin de cette mésaventure de lèche-vitrines, je le trouve chez un fondu, un passionné d'Henri qui collecte toutes les galettes de sa vedette favorite, dans la liste des raisons pour lesquelles il s'est lancé dans la collection des oeuvres de Salvador :
2/ parce qu'il est très difficile de trouver ses disques ( sa carrière discographique a commencé à la fin des années trente avec l'orchestre de Ray VENTURA et même avant en jouant du jazz ).
3/ parce que je ne connais pas grand monde qui s'intéresse à ce chanteur au point d'en faire une collection.
7/ parce que SALVADOR  est avant tout un provocateur et un Jean-foutre de première, comme moi !
11/ parce que grâce à son répertoire (et pas le meilleur), je me suis amusé comme un fou lors de soirées familiales, publiques et autres à faire le con.

Je reconnais là un fan, un frère. Moi aussi je trouve Salvador mauvais, carrément, ouvertement et en pleine conscience, il s'est livré aux pires excès de l'avariété, n'a renoncé à aucune posture poujadiste dans le corps de chansons écrites par-dessus-la-jambe, et je vois en lui un précurseur du punk bien avant l'heure du punk... il a écrit au dos de la pochette d'un de ses disques " SI CE DISQUE NE VOUS PLAÎT PAS, ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ! " Moi aussi, quand je serai grand, j'écrirai un article où je vous suggérerai d'ALLER TOUS VOUS FAIRE ENCULER !", et ça sera trop la classe, mais je n'en suis pas là... par contre je n'ai jamais pu faire le con avec Salvador en famille, tant ils méprisaient ouvertement la culture populaire et la "variété" (qui en manque singulièrement, disais-je avant que ma femme me rééduque) française.
On m'a encouragé à faire le con avec Boby Lapointe, certes, et j'ai appris tout son répertoire à la guitare sommaire avant mes 16 ans, mais finalement, Lapointe c'est un mec désespéré, qui essayait de faire rentrer au chausse-pied une quantité de mots impossible dans chacune de ses chansons, et pour y dire quoi ? toute son oeuvre, là, pointe le tragique de l'existence humaine, alors que Salvador c'est plutôt "faut rigoler pour empêcher le ciel de tomber".
Au final, le ciel y tombe quand même, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise.

vendredi 11 octobre 2019

Adieu tonton

J'ai des tontons qui durent, et d'autres qui ne font pas long feu.
J'ai donc démarré une nouvelle carrière littéraire dans l'eulogie au Crématorium de Bégard (22).
Ecriture plus sobre, plus dépouillée, en un mot plus reposante, parce qu'apaisée.
J’ai eu un petit succès, malgré un débit un peu rapide, parce que si je ralentissais, je savais que j'allais me mettre à pleurer, et c'était pas le but.
Ce qui m’a stimulé, c’est l’épouvante sourde que je ressens depuis des années à l’idée de faire un de ces jours l’oraison funèbre de papa, car comme le dit ma dulcinée quand je lui en parle, «au fait, c’est vrai, qu’est-ce qu’on pourrait dire de positif sur ton père ? »
Et je ne voulais pas voir se reproduire ce qui s’était passé à la mort de mon oncle précédent, après laquelle personne n’avait pris la parole lors de cette cérémonie dans une petite église de Dordogne pourtant charmante, et j’avais trouvé ça bien triste comme début de post-vie.
Là, les enfants de tonton m’avaient fait comprendre qu’ils ne pourraient pas parler au Crématorium, trop d’émotion, et j’avais une relation chaleureuse avec Jean-Pol.
Donc je m’y suis collé, comme à un mal nécessaire, mais c’est venu quasiment tout seul.
L’eulogie est pour moi un genre littéraire tout neuf, et promis à un bel avenir dans ma famille vieillissante; bien sûr si tu regardes dans les angles, ça relève de la fiction, car la vraie vie de tonton serait un roman à faire passer Houellebecq pour Guy des Cars, je ne pouvais pas partir des faits, que de mon ressenti; de toute façon, sur le plan fictionnel, on peut se lâcher : il est rare que le destinataire, sagement étendu à l’arrière-plan, vienne nous contredire.
Il s’agit avant tout d’exalter les vertus du défunt en faisant croire aux survivants qu’elles se diffusent doucement vers eux en fines gouttelettes pendant la lecture, à mi-chemin entre le brouillard d’huiles essentielles et le crachin breton.
L’exercice est donc bien balisé, et j’ai trouvé ça intéressant, en plus d'être utile aux autres.


Quelques mots inspirés par Tonton Jean-Pol, et qui n’engagent que moi.
Brassens chantait : « Il est toujours joli, le temps passé
Une fois qu'ils ont cassé leur pipe
On pardonne à tous ceux qui nous ont offensés
Les morts sont tous des braves types »

…c’est pas pour faire mentir Brassens, mais je n’ai jamais rien eu à pardonner à Tonton Jean-Pol. Et pourtant, dans ma famille, c’est pas pour me vanter, mais on s’offense assez facilement, alors qu’on pardonne assez peu, et le plus tard possible. C’est parce qu’on cherche à avoir raison, et qu’on a du mal à se remettre en cause, sauf moi qui vous cause, évidemment.

Et Tonton Jean-Pol, qui avait été miraculeusement épargné par le dogmatisme.

Tonton Jean-Pol, il a été présent à tous les âges de ma vie, et franchement, pour moi il a toujours incarné la bienveillance. C’était un oncle incarné, quoi.

Quand on était petits, avec mon frère et ma soeur, qui ne sont pas là mais que je représente moyennant un cachet d’intermittent du spectacle très raisonnable, Jean-Pol et Françoise venaient nous voir à Perros, avant qu’ils aient des enfants, et ils nous apportaient toujours des cadeaux. Mes autres oncles aussi, d’ailleurs ils nous ont vraiment gâtés pourris et je sais pas comment on a fait pour pas devenir infects, tellement on a reçu de cadeaux non mérités, simplement parce que mon père était le premier des quatre Dalton à avoir des gosses, alors tout le monde faisait des cadeaux aux gosses d’Averell en attendant d’en avoir, des enfants, pour pouvoir leur en faire, des cadeaux, mon père qui n’est pas là non plus mais que je représente pour un autre cachet d’intermittent du spectacle tout à fait exorbitant, mon père qui a failli venir et qui vous prie de bien vouloir l’excuser de ses empêchements majeurs et mineurs, en tout cas tonton Jean-Pol on était toujours content de le voir, parce qu’avec ou sans cadeaux il était tout le temps gentil et bienveillant, d’une gentillesse qui ne triche pas, qui ne demande rien sinon d’être à la bonne hauteur pour la recevoir. 

Merci pour ça, Tonton Jean-Pol.

Plus tard, pour mes 20 ans, tonton m’a offert mes premiers jobs d’été, comme aide-cuistot et plongeur dans les jolies colonies de vacances de la CCAS. C’était super, ça me changeait de mon milieu petit-bourgeois intello de gauche, en plus des fois je faisais la plonge dans de jolies monitrices des jolies colonies de vacances de la CCAS. (oeuvres sociales EDF)

Merci pour ça aussi.

[Même la fin d’été où je me suis fait braquer tous les sous que j’avais gagné dans les colonies CCAS par deux voyous à qui je voulais acheter du shit en gros et demi-gros, le fait de me retrouver avec un flingue sur le ventre et un cran d’arrêt sous la gorge, ça m’a rapidement et définitivement convaincu que je ne ferais pas carrière dans le trafic de stupéfiants, ce fut une expérience très pédagogique, et ça c’est encore à tonton que je le dois. Trop fort, tonton.]

(passage enlevé à la demande de ma dulcinée, qui a trouvé que ça parlait plus de moi que de tonton)

Encore plus tard, en 1986, tonton m’a hébergé plusieurs semaines à Rennes où j’avais décroché un stage dans une société d’images de synthèse. Et toujours cette générosité et cette prévenance, alors qu’il venait de subir un drame familial terrible qui avait largement de quoi le rendre fou, dépressif, aigri, alcoolique ou un subtil mélange des quatre. 

Que dalle. Il est resté droit dans ses bottes.

S’il avait un côté obscur, et qui n’en a pas, c’est pas à moi qu’il l’a montré. 

Je ne l’ai jamais vu.

Et toujours cette simplicité, ce langage du coeur qui gouvernait nos échanges, dont il est un peu tard pour me vanter, mais si tu m’entends tonton, tu le sais bien que c’est vrai que quand on se voyait on allait droit au but.

La dernière fois qu’on s’est croisés, au mois d’aout, j’ai cru comprendre que pour cette vie-là, dans ce corps-ci, t’avais eu ta dose, on t’avait sévèrement trafiqué le moteur, enlevé des pièces, bricolé d’autres, et il en résultait pour toi un inconfort qui ne justifiait pas de jouer les prolongations plus que nécessaire. 

Inquiet, j’étais repassé le lendemain, dans l’idée de t’en mettre une couche en direct de la cellule de prévention du suicide, et tu m’avais rassuré, tu t’étais déjà repris, m’affirmant que tu récupérais petit à petit et que tu allais te bouger pour répondre à cette vie qui s’offrait encore à toi.

En fait, je crois que tu étais déjà en paix, que tu avais réglé tes affaires, fait tes valises, et que tu te tenais prêt à partir. 

Tu m’as bien roulé, Tonton Jean-Pol.

Tu ne seras jamais un petit vieux. Je n’ai rien contre les petits vieux, j’ai de très bons amis petits vieux, mais c’est un truc qui ne t’a jamais intéressé. 

Je t’embrasse et je te salue. 

Merci pour tout.

mardi 1 octobre 2019

L'avocat du diable


extraits de mails
Objet: question
Date: 24 septembre 2019 à 11:40:23 UTC+2
À: b**@byronmetcalf.com

Hello
I’m a french fan of your works and owe many CD’s of yours
I dare ask a maybe dumb and overanswered question but could’nt find the answer by myself.
I was watching the TV Show « Hannibal » 
a bad and sick TV Show indeed, about people having codependent relationships.


Anyway, during the third season, a character from the novel « Red Dragon » appeared, and pretended to be « Byron Metcalfe, Hannibal Lecter's lawyer ».
It made me smile, because I thought the screenwriter took the character's name from yours, a crooked joke like a tribute from evil to virtue. (Everyone is very ill, spiritually speaking, in the show)

screen capture from the TV Show
But I found the same name in the original novel (1981).
Which seems anterior to your career’s beginning.
So my question is : did you take your pseudonym from Thomas Harris’s books ? It’s not a big thing, but i’m actually a bit disturbed by this discovery.
Does it mean anything to you ?
Thanks in advance
Christophe

Le 25 sept. 2019 à 17:24, Byron Metcalf a écrit :
Hi Christophe,

My music career actually began in the early 60's so no I did not borrow the name as a pseudonym.

I'm so sorry, Lord Byron ;-)
I read that info on your P.al site "Starting in 1988, Byron began focusing his musical talents toward the healing arts, creating musical sequences for Holotropic Breathwork workshops,… » so I took it for real.

I recall reading Red Dragon right after it was released and was pretty freaked out when I got to 'my' name!

I feel guilty enough for watching the macabre opera Bryan Fuller created from Thomas Harris novels, so I won’t try to reread Red Dragon for knowing what fascinated me long ago, and what you’re doing in there. 
Your name, erupting like reality into fiction. 
Same impression you must have had when you read your name in the book. 
Like if you’ve been caught into the Necronomicon without giving any consent.
Lovecraft beaten by Harris !
and it’s no coincidence  (or a strange one) that you act in the world of « healing » music, because it’s no mystery Hannibal Series Soundtrack musicians work in the spheres of sick & unwell sounds, which are another kind of industry and need to be rebalanced.
(Dark ambient is not allowed as a response)
https://youtu.be/7Ow8ne4iD8Y

Interestingly you are the only person to ask me about this which is surprising given the popularity of the Hannibal Lecter character. Silence of the Lambs is one of my all time favorite films.

Maybe you’re not popular at all, except in my neighborhood ?
;-)))
I often see details and coincidences others don’t see (but I also often miss the Big Picture). 
Unconveniences of geek culture.
Or maybe the people who read Thomas Harris don’t listen to Byron Metcalf.
Anyway, I was curious to see if the TV show would build a theoretical justification for Hannibal’s behaviors. 
It does'nt : in the show, Lecter kills and eats people thats displeases him by their vulgarity.
His own intelligence and refinement are self-consumed and justify at his own eyes his predator’s instincts, and he feels really satisfied with that, so it’s maybe terrifying metaphorically speaking upon Ego strategies, but the character appears hopefully absurd and artificial to me, despite lttle jokes on empathy. 
Will Graham : « Extreme acts of crualty require a high degree of empathy ».
Bedelia Du Maurier (answers) : « You just found religion. Nothing is more dangerous than that. » 
Ha ha.
If Thomas Harris see things like this, it’s hopefully harmless and far less credible than what others novel writers theorize upon evil, from Nick Tosches (in Trinities) to Russell Banks.
The idea of your name, emerging as a fragile counterpoint to the torrents of insanity and madness which oozed from the 39 episodes, is precious (and a bit hilarious too, because I endured the three seasons of the show without knowing why I was doing it, until I saw your name on the screen)
So if you don’t know why Thomas Harris borrowed your name and turned it into « the devil’s attorney » you should perhaps ask him quickly, he’s turned 78.
He’s smart : “ I don’t make anything up. So look around you,” he says. “Because everything has happened.
He said he’s been inspired by Ted Bundy, and his relationship with Robert Keppel, an American former law enforcement officer who wrote many books wich gave birth to « Mindhunter », a TV show from David Fincher much more impressive than Hannibal, where detectives are confronted with real serial killers.
(Pardon my french) 
(I’m French)
and pardon my bla-bla, i’ve rare opportunities to exchange in english with people I listen carefully the music to.

Sincerely Yours
Christophe


De: Byron Metcalf
Objet: Rép : question
Date: 27 septembre 2019 à 17:50:56 UTC+2
À: Christophe P.

Thanks Christophe! Your 'rant' put a big smile on my face. You're a good writer! 👍


Le 27 sept. 2019 à 18:02, Christophe P. a écrit :

If I didn’t read your name in Hannibal, there would have been no rant, so thanks for your music ! 
I’m just listening right now to your last album with Eric Wollo.
My rant is under control, and my psychiatrist is hopefully vegan
;-)))
Christophe

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Bon. Si l'intéressé lui-même n'est pas au courant, c'est râpé pour comprendre pourquoi le Byron Metcalf réel s'est trouvé aspiré dans le vortex littéraire de Thomas Harris et ses déclinaisons audiovisuelles. Quant à savoir pourquoi j'ai regardé 3 saisons de cette chose glauque, cauteleuse et hypnotique, c'est tout aussi insondable. Si ça vous tente de siroter 35 heures de Madds Mikkelsen en psychiatre cannibale, roi de l'emprise et de la manipulation mentale, petit maitre de la jouissance par le meurtre gastronomique et baronnet des plaisirs raffinés, vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas prévenus. Le plus terrifiant dans la série, c'est bien la soumission presque joyeuse de tous les personnages secondaires à la volonté d'Hannibal, qui tord littéralement l'univers autour de lui, comme un petit trou noir sans poil autour car il a sans nul doute l'anus aussi lisse que le visage.
https://youtu.be/AucdcgZsUb4
Alors, il y a l’horreur « folklorique » de Hannibal, la charge s'exerçant à coups redoublés sur la psychanalyse, et dont le scénario pourrait avoir été écrit par un patient trop longtemps baladé par un psy qui a décidé de s'en venger dans les grandes largeurs, avec outrance et délectation, puisque tous les psys de la série sont aussi détraqués que les malades qui la hantent, et il y a l’horreur "psychologique" un peu plus réaliste des relations d'attachement/dépendance qui engluent les protagonistes de la série. 
C’est à ce titre que je trouvais la présence fantomatique de Byron Metcalf, auto-canonisé chamane guérisseur sur son site holotropique, plus que justifiée par la noirceur de l'univers fictionnel déployé.
Comme si le Diable avait besoin d'un avocat !


Déçu par Hannibal, je me tourne alors vers Midsommar, réputé gorgé d'horreur folklorique suédoise.
Hélas, il y a beaucoup de Grand-Guignol dans ce clip institutionnel profondément désobligeant envers les cultures païennes, commandité à ce qu’il reste des Monty Python par le ministre du tourisme suédois pour débarrasser définitivement le pays des touristes américains, d'ailleurs dépeints en termes assez grossiers.
Le résultat est profondément émouvant : Terry Gilliam n'avait pas été aussi acide depuis "Brazil". Et le suicide d'Eric Idle se jetant de la roche Tarpéienne en mimant le stoïcisme d'Edward G.Robinson dans "Soleil vert" me laisse tout vibrant d'émotion contenue.
Mais cet épandage sauvage de culture cinéma ne fait pas un bon film de trouille.
C'est le sous-texte sur l'emprise, le délitement de la culture moderne et la tentation du collectif comme substitut à la famille, qui est intéressant.


Mais bon, question horreur suédoise,  le réalisme de Greta T. bat tous les imaginaires, et c'est en elle que le Réel met une grosse ratatouille au cinéma d'épouvante.
Elle est la Byron Metcalf des effondrologues, car elle nous dit que nous pouvons éviter l'apocalypse annoncée en mettant un frein à l'immobilisme, dans ce monde où nous sommes tous convaincus de la nécessité d'adopter des comportements plus vertueux au volant de notre nouveau SUV.
En plus, l'avantage de Greta sur Byron, c'est qu'il n'y a même pas besoin d'acheter son disque pour que ça marche.
D'accord, pour l'instant, la pythie nous saoule de bande-annonces de désastres attendus, elle nous joue le pitch du film catastrophe qui enterrera tous les autres parce que là ça sera pas pour de rire, mais son scénario (haut et bas, mais les experts du GIEC parient plutôt sur le haut) est prêt à tourner, et son cliffhanger a l'air bien au point.

L'effet "inéluctable" de la courbe n'apparaitra qu'aux petits-enfants de nos petits-enfants.
Pas de quoi en faire une maladie.

mercredi 8 mai 2019

Européennes 2019 : Votez Glyphosate !





Hier, j'ai bricolé un teaser d'une minute trente neuf pour une compile en cours. J'ai pas mieux à faire ? Sans doute que si, mais là je me sentais inspiré, et je n'ai pas pu lâcher prise avant l'aboutissement que vous tenez sous les yeux et à portée de clic.
Le plus drôle dedans, c'est Daniel Morin brocardant les députés LRM ayant prolongé l'autorisation du glyphosate il y a quelques mois. Peut-être que j'aurais dû faire de la radio. On saura jamais.

La pochette du disque.
J'aurais pu faire graphiste, aussi.
C'est évident.
Voire directeur artistique.
Cette compilation pour sauver Francis Lalanne, membre de plusieurs espèces menacées (l'espèce humaine, la sous-espèce endémique des gilets jaunes, et celle des auteurs-compositeurs interprètes), est enfin en vente à nos bureaux, pour une somme modique. Elle sert aussi à financer sa campagne électorale, pour nous débarrasser des listes LRM/ Glyphosate et RN / Roundup qui, trois semaines avant le scrutin, accaparent la moitié des voix françaises dans les sondages Ifop.
Tous les dons seront reversés à ses amis gilets jaune devant et marron derrière, avec déduction fiscale.
Quand j'avais 20 ans, Francis Lalanne aussi, et tout allait bien. On filait le parfait amour. C'est Jean-Louis Foulquier qui nous avait présentés, dans son émission du soir sur Inter, où toute la chanson française défilait un jour ou l'autre.
Francis venait de sortir un excellent premier album, intitulé "J'ai 20 ans", ça c'est pas banal, parce que moi aussi, à l'époque. Ah, je vous l'ai déjà dit ? flutalors. Il se livrait à des concerts marathon de quatre heures et plus, c'était Springsteen, c'était Hendrix, et puis c'était Lalanne aussi, on était subjugués.
Si on n'est pas subjugué par Lalanne à 20 ans, on ne le sera jamais plus.
Mais assez vite, on dût déchanter, haha, car l'homme changea, révéla sa nature fantasque, on lui diagnostiqua une rupture du joint d'étanchéité émotionnelle, et nous nous quittâmes vaguement brouillés. Il continua sa vie, sur l'étagère, et moi j'entrai dans la Matrice.
En plus, j'avais beau jouer à la perfection "J'ai de la boue au fond du coeur" en picking, je n'ai jamais séduit la moindre donzelle en exécutant à la tronçonneuse basse cette boucherie pour cockers tristes.
36 ans plus tard, j'ignore tout de ce qu'est devenu Francis, et je ne cherche surtout pas à le savoir : l'artiste m'est devenu indifférent, et l'homme suscite au mieux un sourire gêné.
Et pendant qu'on rigole, les nationalistes de tous pays de la CEE s'apprêtent à se donner la main en une grande farandole pour encaisser les bénéfices du naufrage de l'Europe, dans un timing impeccable.
C'est pour ça qu'il faut me donner vos sous, m'sieu dames.
En attendant, la compile est téléchargeable ici :

https://www.mediafire.com/file/6k6873mpdas8esx/Votez_Glyphosate_%21.zip/file

Le moins qu'on puisse en dire, c'est que dans le genre mollasson, c'est du brutal.



En anglais, le derrière de la pochette du disque s'appelle le back cover.
T'as vu la playlist ? 
Quasiment que des nouveautés vieilles.
On croit rêver.

Cerise sur le gâteux : 
si l'on exclut le jingle de lancement "l'appel des ronds points", la compilation compte 33 titres, soit autant que de listes électorales enregistrées en prévision du scrutin. 
Le jeu consiste à réattribuer chaque chanson à sa liste, pour décrypter le sens caché de la compile !
Les cinquante meilleures réponses recevront la compile dédicacée par Francis !


mercredi 6 février 2019

Le succès inattendu des théories de l’effondrement

Depuis que j'ai croisé l'effondrologie dans Télérama (article précédent) j'ai renoncé à écrire sur ce blog anciennement consacré à l'effondrement de mon nombril. Je trouve plus intéressant de relayer quelques articles d'effondrologues, qui ont l'avantage de périmer moins vitement et d'être de plus longue portée sur le plan spirituel.

Le succès inattendu des théories de l’effondrement
in Le Monde, 6 février 2019

Pour les « collapsologues », notre civilisation, fondée sur les énergies fossiles, disparaîtra dans les années 2030. Une pensée qui rencontre de plus en plus d’écho auprès du grand public.

C’est une vision qui donne le vertige. Et qui provoque un abattement teinté de sidération. Celle d’un monde où les infrastructures n’existent plus à grande échelle, ni les institutions telles que nous les connaissons. La dernière goutte de pétrole a été brûlée, la nourriture et l’eau potable se sont raréfiées, la lumière électrique, les ordinateurs et les voitures apparaissent comme un lointain souvenir. Les guerres, les épidémies et les famines ont décimé la moitié de la population mondiale. Ce scénario n’est pas celui du roman post-apocalyptique La Route de Cormac McCarthy. C’est l’une des thèses de « l’effondrement » de notre civilisation, défendue par des chercheurs, des experts et quelques hommes politiques, qui rencontre un succès inattendu auprès du grand public.

En quelques mois, ce terme, ainsi que celui de « collapsologie » (du latin collapsus, « tombé en un seul bloc »), est devenu incontournable. On l’a entendu dans la bouche du premier ministre Edouard Philippe, faisant référence à l’ouvrage du biologiste et géographe américain Jared Diamond, Effondrement(Gallimard, 2006) ou dans l’appel de 200 personnalités pour sauver la planète, publié dans Le Monde en septembre 2018.



Un podcast, Présages, et une Web-série documentaire, Next, lui sont consacrés, les groupes Facebook se multiplient sur le sujet, comme Transition 2030, La collapso heureuse ou Adopte un collapso, des « apéros collapso » sont organisés. Un module vient d’être créé sur le sujet dans deux masters de l’université de Cergy-Pontoise, en Ile-de-France.

Une nouvelle science

Un engouement cristallisé autour de la succession de catastrophes liées au dérèglement climatique depuis l’été dernier, de la démission fracassante de Nicolas Hulot ou du mouvement des « gilets jaunes ». Mais cet emballement s’explique surtout par le succès de l’ouvrage Comment tout peut s’effondrer (Seuil, 2015) de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, vendu à 60 000 exemplaires, essentiellement en France et en Belgique. Les auteurs y définissent ce qu’ils considèrent comme une nouvelle science interdisciplinaire, la « collapsologie ».

En compilant des études, des faits, des prospectives, ils assurent que l’on assistera, pour certains au plus tard dans les années 2030, à un effondrement mondial et systémique de la civilisation thermo-industrielle, fondée sur les énergies fossiles. « Cela signifie que dans tous les pays du monde, les besoins de base (alimentation, eau, logement, chauffage, transports, etc.) ne seront plus fournis, à un coût raisonnable, à une majorité de la population par des services encadrés par la loi », explique Yves Cochet, ancien député et ex-ministre de l’environnement, qui dirige aujourd’hui l’Institut Momentum, un cercle de réflexion.

Quelle sera l’étincelle ? « Les déclencheurs possibles sont multiples », affirme le mathématicien. Ce processus pourrait démarrer avec une crise financière plus importante que celle de 2008, la fin des énergies fossiles, un relagarge rapide de méthane depuis la toundra sibérienne qui augmenterait brutalement la température mondiale ou encore une crise sociale d’ampleur inédite.

L’idée n’est pas neuve. Elle trouve ses racines dans les années 1970, dans un contexte de peur d’un hiver nucléaire. En 1972, le rapport Meadows « Les limites à la croissance » annonçait un écroulement de nos ressources et de nos économies pour les années 2030 si nous poursuivions le même mode de vie. Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat n’ont ensuite cessé de tirer la sonnette d’alarme quant à l’emballement de la machine climatique.

L’ère anthropocène

Tous les indicateurs sont d’ores et déjà au rouge : la température mondiale s’est élevée de plus de 1 °C depuis l’ère préindustrielle, la concentration en CO2 de l’atmosphère a atteint un niveau inégalé depuis 800 000 ans, 60 % des vertébrés ont disparu depuis 1970 et probablement plus de 75 % des populations d’insectes volants en trois décennies en Europe, ce que l’on nomme la sixième extinction de masse. De sorte que la Terre est entrée dans une nouvelle époque géologique, l’anthropocène, où l’humanité est la principale force de mutation de la planète. Les collapsologues citent également la consommation effrénée de matières premières, la démographie galopante, les migrations en hausse, la fragilité du système économique et financier…

Autant de données qui leur font dire que l’effondrement est déjà en cours. « Il s’agit d’un processus qui a commencé, qui n’a pas encore atteint sa phase la plus critique et qui sera graduel », estime l’ingénieur agronome de formation, Pablo Servigne, soulignant que « les effondrements de civilisation, comme [celles] des Mayas et des Romains, se sont toujours faits sur plusieurs décennies ».

Le chercheur n’exclut pas pour autant un « scénario plus catastrophiste ». Celui d’un effondrement brutal de notre civilisation. Selon lui, la configuration de notre société occidentale, où tout est « interconnecté » du fait de la mondialisation – flux économiques, d’informations, de matériaux, de ressources, etc – vient « accélérer et aggraver la dynamique de rupture ».

Une rupture qui sera d’autant plus « violente » que « personne n’est préparé », s’inquiète Julien Wosnitza, qui a signé un ouvrage intitulé Pourquoi tout va s’effondrer (Les Liens qui libèrent, 2018). L’ancien banquier de 24 ans a quitté le domaine de la finance et se consacre désormais à la protection des océans. Il considère que nos représentants « vont à l’inverse de ce qu’il faudrait faire » en menant des politiques de croissance, quand il faudrait prendre « des mesures impopulaires » comme, par exemple, « diviser par dix le niveau de vie de la population ». A l’instar de ses confrères collapsologues, le jeune homme ne croit pas aux politiques de transition écologique – « Il est trop tard ».

La question pour eux n’est désormais plus de savoir si la catastrophe va survenir, mais comment l’amortir et vivre avec. Contrairement aux survivalistes américains qui construisent des bunkers et font des réserves de nourriture pour faire face seuls à un monde post-carbone, les collapsologues français défendent des valeurs comme l’entraide, le partage, la résilience ou encore la décroissance. Ils promeuvent la création de petites communautés autosuffisantes en énergie et en nourriture, sur le modèle de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).

« Mise en récit d’alertes »

Selon Pablo Servigne, la spiritualité a aussi un rôle à jouer dans cette transition. « Notre rapport au monde, aux autres êtres vivants, qui nous voulons être en tant qu’individu, sont des questions fondamentales, qui ne sont pas réservées uniquement aux religions et qui ressortent forcément lorsqu’on évoque la possibilité de fin du monde », estime le chercheur, également coauteur du livreUne autre fin du monde est possible (Seuil, 2018), vendu à 25 000 exemplaires, qui apporte des pistes pour vivre « sereinement l’après ».

L’appellation de « science » dont se revendique la collapsologie est loin de faire l’unanimité parmi les universitaires. Elle relève plutôt de la « mise en récit d’alertes » qui peut permettre de « susciter une prise de conscience de la population », juge l’historien de l’environnement Jean-Baptiste Fressoz. Pour le chercheur au CNRS, le mouvement mélange deux processus très différents : le changement climatique qui est avéré et l’épuisement des ressources, en particulier du pétrole, qui est toujours repoussé à plus tard. Plutôt qu’un effondrement, la crise environnementale est surtout « une violence lente qui touche déjà les plus pauvres ». Une chose est certaine : la planète et l’humanité sont mal en point, collapsologie ou pas.

Qui sont les « effondristes » ?

Désormais, le sujet de la collapsologie a dépassé les cercles d’écologistes radicaux ou de climatologues aguerris. Aucun chiffre n’existe néanmoins pour quantifier la diffusion de ce mouvement. Un questionnaire élaboré par Loïc Steffan, professeur de management à l’université d’Albi et fondateur du groupe Facebook La Collapso heureuse, dans le cadre d’un travail avec ses étudiants, en octobre 2018, donne toutefois un aperçu de qui sont les « collapsologues », « collapsonautes », « effondristes » ou « transitionneurs », selon comment on les nomme. Sur les 1 600 personnes qui ont répondu, 61 % sont des hommes, 40 % ont entre 35 et 49 ans, 85 % ont fait des études supérieures, le plus souvent longues, 64 % vivent en ville ou en banlieue, 30 % se déclarent « très à gauche » (et 28 % ne croient pas à la politique) et 57 % adoptent un mode de vie « plutôt écolo ».

Audrey Garric et Cécile Bouanchaud
Le Monde, 6 février 2019


Articles connexes :
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/02/05/du-coup-de-massue-a-la-renaissance-comment-les-collapsologues-se-preparent-a-la-fin-de-notre-monde_5419256_3244.html?xtmc=servigne&xtcr=2

https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/12/14/pablo-servigne-il-est-possible-que-nos-societes-industrielles-se-degradent-beaucoup-plus-rapidement-que-les-anciennes-civilisations_5397728_1652612.html?xtmc=servigne&xtcr=7

https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/10/18/figures-libres-tout-va-s-ecrouler-meme-pas-peur_5371133_3260.html?xtmc=servigne&xtcr=10