mardi 20 décembre 2005

film d’horreur pour techniciens vidéo

Hier soir j’ai dirigé (on dit "modérer" et ça dit bien ce que ça veut dire) une réunion AA + Alanon (les conjoints des dépendants, qui viennent se soigner de la maladie de l’autre) de 45 personnes. D’avoir dû maintenir mon attention flottante pendant ces 2 heures a nettement amélioré les qualités perceptives de mon rève de cette nuit, dans lequel j’assemble les différents éléments d’un programme télé de prévention contre l’alcoolisme, habilement dissimulé en émission destinée à la jeunesse, comme j’ai pu le faire pour Dorothée ou M6 il y a une décennie; le montage a lieu dans un car vidéo prété par un important prestataire audiovisuel régional, réputé dans l’exoréel pour sa pingrerie et son stakhanovisme*: nous sommes dimanche matin et je découvre au fur et à mesure que les reportages ne sont pas encore dérushés, les dessins animés à insérer ne sont pas correctement identifiés, les magnétoscopes ne fonctionnent pas comme ils devraient… et l’émission doit être diffusée à 13 heures ! c’est que hier soir, ce car vidéo jaune citron déglingué a servi pour une prestation payante qui s’est finie hyper-tard, et que toute l’équipe est claquée… le responsable du car s’est couché à 4 heures du matin et ne sera pas là avant midi, je dois donc me débrouiller tout seul : l’enthousiasme des bénévoles ne peut rien contre l’obsolescence des équipements, l’abstinence récente de mes collaborateurs de fortune ne les sortira pas par miracle de l’amateurisme obscurci. Je vois l’heure tourner, les problèmes s’accumuler sans parvenir à les résoudre, mais c’est pas grave, je dois continuer : les circonstances antérieures dont je ne suis pas responsable rendent impossible l’achèvement de la tâche qui m’a été confiée, ce qui ne doit pas me faire baisser les bras. Mon pote super-technicien finit par se pointer et confirmer mon diagnostic réaliste : on ne sera jamais prêts à temps. Je suggère une redif. Pas de blâme. C’est exactement l’attitude qu’il me faut cultiver de jour : la ténacité.
Le fait que dans ce rêve j’exerce les talents que réclame mon activité diurne, suivre d’un doigt de gynécologue des lignes d’instructions électroniques pour y déceler l’erreur de code, appuyer sur des boutons qui refusent de déclencher la moindre action, visionner des images qui n’éveillent qu’un intérèt professionnel, finit par provoquer un ennui profond car ce songe est très réaliste sur le plan visuel et kinesthésique. Du coup je m’éveille en maugréant que si c’est ça la lucidité onirique, c’est mortellement chiant : ayant eu un doute pendant le rêve suite à son exceptionnelle qualité perceptive, j’ai focalisé sur des affiches de bédé qui ont refusé de se dissoudre ou de devenir n’importe quoi, d’où j’ai hâtivement mais fermement conclu que j’étais bien dans le réel. Damned ! Encore raté !
(*discours qui prétend que le fait de travailler sous pression produit un meilleur travail. Peut aussi être appliqué à un individu/une compagnie/un pays qui produit en très grande quantité, au détriment de la santé ou de la liberté.)

Commentaires

Salut John !
je viens de mettre le lien vers ton blog sur la page du Forum de mon site, et les liens pour écouter l’émission radio et celle de On ne peut pas plaire :
http://www.orroz.net/videosexe.htm
Bravo et merci pour tous !

dimanche 18 décembre 2005

Les professionnels de la profession



Frenchtouch Seduction traite du difficile art d’être un homme, ainsi que des règles qui sous-tendent les rapports entre les gens, et plus précisément, entre les hommes et les femmes. Et, bien que le site se veuille le plus abordable possible, il s’adresse tout particulièrement aux PLAYERS.
Un player est un homme (plus rarement une femme) qui a décidé de mettre de côté le folklore pour regarder la séduction telle que ce qu’elle est VRAIMENT : un véritable "jeu" social, régi par des règles que l’on peut apprendre et maîtriser, pour en sentir les dynamiques et ainsi tirer son épingle du jeu lorsque l’enjeu l’exige. Le Player part du principe que rien ne tombe du ciel, que tout est portée de main, mais qu’il faut se donner les moyens de l’atteindre. Par conséquent, on peut considérer que le Player étudie et pratique les règles du jeu de la séduction (le "Game") pour pouvoir s’arracher à la "fatalité", au hasard des rencontres et des circonstances dont semblent se satisfaire la plupart des gens.Qu’est ce que les femmes veulent vraiment ? Quel est leur fantasme ? Pourquoi ont-elles des comportements aussi paradoxaux pour nous, hommes parfaits et dotés d’un esprit puremement logique ?
Le rêve de toute femme sur la terre, des grandes villes d’Amérique jusqu’aux tribus primitives des fins-fonds des forêts d’Australie en passant par l’Europe, l’Asie et l’Afrique, est d’ APPRIVOISER UN ANIMAL SAUVAGE.
Par "animal sauvage", j’entends homme FORT doté de toutes les qualités qu’un séducteur doit posséder pour réussir, soit humour, intelligence, éducation, classe, dominance, mystère, indépendance, agressivité, passion, virilité, enthousiasme, force intérieure… Les femmes rêvent de rencontrer un lion farouche et séduisant dans la jungle de la société, de l’adoucir et d’en faire leur animal de compagnie, toujours aussi agressif avec les autres, mais doux comme un agneau avec elle.
C’est pourquoi les jerks sont préférés aux AFC.
(AFC = Average Frustrated Chump, un mec qui pense qu’il suffit
d’être "soi même, gentil, doux et attentionné" avec les filles pour
leur plaire, et dont la principale technique de drague est d’attendre
en espèrant un déclic chez la fille dont il est (fou) amoureux. Souvent
à force de fantasmer une relation à sens unique, l’AFC aura tendance à
nourrir une véritable obsession amoureuse appelée "One-itis" qui pourra
parfois lui faire faire des choses à la fois stupides, ridicules,
inconsidérées, voire regrettables et dangereuses, que ce soit pour lui
ou pour les autres.)
Si un chat s’amène en miaulant, il est déjà apprivoisé, faible, esclave, quel intérêt peut-on lui porter sinon de la pitié ? C’est aussi la raison pour laquelle quand on demande aux femmes ce qu’elle veulent vraiment, elles citent toutes les caractéristiques d’un AFC : c’est leur but qu’elles décrivent. Ce qu’elles cherchent vraiment, ce n’est pas un animal apprivoisé, mais apprivoiser un animal. Elles veulent vivre avec un homme, gentil soit, mais il faut qu’il ait déjà montré ses qualités d’homme avant. La séduction passe en premier. Et puis de toute façon, un homme asservi perd tout son intérêt : il n’y a plus rien à tirer de lui.

commentaire d’un membre : "Et voila donc qui répond à l’éternelle question de l’AFC :
pourquoi préfèrent-elles les connards ?
La réponse est simple : parce qu’elles nourrissent le secret espoir de réussir à les CHANGER !"

Le site regorge de ce genre de perles enrobées dans leur sabir technico-commercial finalement assez poétique si on ne voit pas d’inconvénient majeur à ce qu’ils recyclent la PNL ou thich nhat hanh au service de leur biroute. De ma part, ce ne serait que pure jalousie de n’y avoir point songé avant eux, et c’est moins grave que les applications de la théorie sur la relativité d’Einstein à la fabrication de la bombe A.(on peut pas parler de "détournement" dans un monde où la recherche scientifique est toujours adossée à des sponsors)
Aah, si j’avais connu ce site avant de sombrer dans le porno… ça n’aurait sans doute rien changé ! ceci dit je ne regrette rien, et je ne les condamne pas, grâce aux super-tuyaux de tante Flo : " son karma n’est pas le mien, et ne peut pas le devenir, tant que je ne le condamnerai pas. Et je ne le condamne pas, car pour sûr je ne le souhaite pas." Même si je les condamnais un tout p’tit peu dans l’espoir de récupérer les miettes de leur karma, y’aurait du boulot pour devenir un Frenchtouch Seducteur. (ça doit être mon côté ANIMAL SAUVAGE qui refuse de s’APPRIVOISER lui-même.)

plus proche de moi sans doute, le blog de Frantico.
La remarque pertinente de la semaine nous est postée par le petit Karl Renz, sorte d’U.G. teuton :
"As-tu un enseignement, et si oui, quel est-il ?
Réalise que tout est un mensonge, et surtout celui qui reconnait que tout est un mensonge."

Commentaires

  1. Je pense surtout que la femme est menteuse. Ce qu’elle aime, c’est King Kong (suffit d’aller voir le film) et elle le sait très bien. Le problème c’est qu’elle ne peut pas le rceonnaître. Ce serait reconnaître qu’elle veut être maltraitée. Et pourquoi le voudrait-elle ? Parce qu’au fond d’elle même elle a une parfaite conscience de son incroyable prétention en tant qu’ego.
    Tu vas me répondre ce que tu as dit dans ton post, à savoir que la femme veut un lion apprivoisé, qui resterait agressif avec l’extérieur, et je rétorque qu’elle préfère le lion non apprivoisé. Un lion apprivoisé par une petite conne est au fond quelque chose de méprisable. C’est un idiot, un faux lion. Les gens qui achètent des tigres les achètent pour se faire peur, pas pour avoir des chats de 250kg à la maison. Moi-même j’ai eu des pythons et je dois avouer que s’ils n’avaient pas essayé de me mordre de temps en temps, ils m’auraient déçue. C’est pour ça que les nanas aiment les connards inchangés et les mecs qui les frappent, ça les ramènent à ce qu’elles sont vraiment : rien du tout. J’ai un pote qui m’a expliqué comment les nanas essayaient de se faire frapper, et pour les avoir vu faire, je sais que c’est vrai. Et même, dans mon roman, quand le héros se transforme en nana, on voit qu’il/elle fait chier son consort jusqu’à ce que ça tombe.
    Ce que ne réalisent pas les nanas en revanche, c’est que pour que la relation avec le mâle alpha soit intéressante, il faut être soi-même une femelle dominante (comme dans Mr et Mrs Smith, par exemple). Dans cet ordre d’idées, il est très amusant d’observer les couples “culturistes”. Plusieurs fois j’ai vu un mec super balaise jeter son dévolu sur une petite minette et la mettre sous les barres. Et la nana, ben elle y va. J’en connaissais un qui était entraîneur de powerlifting, il devait faire quelque 300kg au squat, et donc il était avec une minette de 50kg, et quand elle ne voulait pas aller sous une barre de 120kg, il lui jetait “allez va, retourne à ta couture !”. La pauvre.

  2. j’évoque des gorilles technocrates, tu me réponds femelles hystériques. Comme disait Konrad Lorenz, on a retrouvé le chainon manquant entre le singe et l’homme : c’est nous.

  3. John tu fais une interprétation sans aucune nuance de ces “frenchtouch séducteurs”, d’où transpire la jalousie, l’aigritude et la frustration.

    S’assumer et affirmer sa personnalité ne fait de personne un trou du cul, ou un macho, ou un gorille maltraitant.

    Traiter les femmes comme de la merde, ça, ça fait de toi un trou du cul, et il n’est écrit nulle part sur FTS que c’est ce qu’il faut faire, bien au contraire.

    Quant à Frantico, il dessine bien, il est rigolo, mais je ne suis pas sûr qu’il intéresse vraiment les filles à qui LUI s’intéresse (sa voisine, par exemple :) ).

    Les mecs qui répriment leur masculinité et qui essaient d’endosser des valeurs surgies du paradigme romantique hollywoodien passent leur temps à déblatérer sur “les connards qui traitent les femmes comme de la merde, qui aiment bien ça les salopes” …
    Alors qu’il n’y a (finalement) que des mecs qui s’assument, s’amusent, amusent et intéressent les filles avec qui ils s’amusent… et ceux qui regardent en faisant amalgames et raccourcis, tout en serrant les poings et en reprochant au monde entier (surtout celui qui “réussit”) leurs échecs amoureux et personnels, dont ils sont les seuls responsables, du fait de leur immobilisme monolithique.

  4. Que je sois un trou du cul rêvant d’une improbable rédemption, le fait est amplement avéré sur ce blog. J’ai engraissé les marchands de cyber-cul au lieu d’assumer mes pulsions de domination et ma soif d’aventures sexuelles. Pour moi aujourd’hui il ne peut s’agir d’être encore épouvanté par ces pulsions ou de les dénigrer chez les autres, mais de comprendre en quoi ce sont des attachements néfastes qui m’ont mené à un profond dégoût de moi-même, au même titre que les idéaux romantiques dans lesquelles elles se drapaient avant mon addiction.
    Sinon, oui bien sûr que je rèverais d’être un moraliste et de décrier l’efficience des stratégies d’école de commerce et l’instrumentalisation des techniques de développement personnel appliquées à la recherche du plaisir masculin. Je reconnais une certaine dose d’honnêteté et d’intelligence aux rédacteurs du site dans leur description d’un monde qui se divise quand même en prédateurs, en proies et… comment baptiser tout le reste ?
    Je laisse les belles femmes à ceux qui savent les apprécier et qui se donnent les moyens de les séduire. Je reconnais qu’il y a là un certain dépit de ne pouvoir jouer joyeusement dans la cour des séducteurs. J’ai rencontré des libertines adorables, qui assumaient pleinement leur sexualité, et j’ai des amis à qui ça ne pose aucun problème insurmontable. Manifestement, je ne suis pas de ce bois-là. La sexualité est chez moi directement reliée à l’émotionnel, en même temps qu’à ces pulsions relevant d’un désir de fusion mystique avec le monde, (on ne rit pas) largement incompatible avec la poursuite de conquètes féminines. Si j’arrive déjà à reconquérir ma femme, j’aurai pas tout foiré dans cette vie ;-)

lundi 12 décembre 2005

Pluie d’insectes morts


Le 13ème guerrier, film de John Mc Tiernan, se passe au Xème siècle. Parce qu’il a séduit la femme d’un important dignitaire de Bagdad, Ahmed Ibn Fahdlan est contraint a l’exil en Asie mineure. Durant son voyage, il fait la rencontre de rudes voyageurs vikings, et entame une observation minutieuse de leurs moeurs. Ils se heurtent à une peuplade de barbares peinturlurés par une maquilleuse ayant un peu abusé de ses lectures sur le chamanisme. La nuit précédant un combat décisif, tous les guerriers se couchent paisiblement au campement, seul Ahmed est dans l’intranquillité :
"Comment pouvez-vous envisager de dormir dans un moment pareil ?
"Le Grand Ancètre a façonné notre destin du début à la fin il y a bien longtemps. Te cacher dans un trou de souris ne prolongera pas ta vie. La peur est un sentiment inutile. Ton destin est écrit."

Il y a un côté fataliste dans cette culture déconsidérée par l’occident qui a cru y déceler la négation du libre arbitre, l’absence de liberté, la résignation à son sort, aussi défavorable qu’il fût, au lieu de l’étude critique des conditions de sa naissance et de sa classe sociale, mais il y a un côté "acceptation de ce qu’on ne peut changer" empiriquement très fécond.
Pour ceux qui ont vu mon film "Aller simple" (consultable ici) j’y dépeignais la perte du corps comme métaphore du cyberspace, mais la perte de mon corps par l’abus informatique n’a plus rien de métaphorique pour moi. Comme me l’a fait remarquer une amie, "tant que ton esprit n’est pas dans ton corps, tu seras dans la merde."
donc je passe à une heure d’ordinateur par jour et je me mets au vipassana tel qu’il est proposé sur http://www.dhammadana.org/ en attendant de dégager un créneau pour une retraite de 10 jours. L’aspect obsessionnel de la pratique n’a pas de quoi me faire craindre de sombrer dans la démence : comme le mental s’attribue tout mérite, il risque simplement de me faire croire que je "fais" de la Pensée Perceptive, ce qui sera l’indice que je suis à côté de la platique !
…donc en une heure, difficile de faire mieux que d’aligner trois pensées et de se barrer après avoir épuisé ce crédit. Voici celles que je n’ai plus le temps de développer : elles sont venues, je les ai notées, elles sont reparties.
-Je comprends pourquoi je suis fasciné par le Mal : il est plus fort que Papa, qui faisait semblant de lutter contre sans vouloir admettre et encore moins reconnaitre que le Chevalier Blanc est parfois Marron Derrière. C’est très archaïque comme message, et pour ne pas l’entendre j’ai enluminé très tôt mes faiblesses, me protégeant de cette connaissance derrière des livres, des films, un catalogue inoxydable de citations, et l’ironie (la petite sagesse des destins inachevés)…
-Il y a toujours à distinguer "j’y renonce parce que c’est trop difficile" de "j’y renonce parce que c’est un chemin sans intérèt pour moi" pour éviter les malentendus intérieurs, sources de trop de leurres (sans l’argent du leurre.)
-Les choses restent là où on les a posées, ou là où elles sont tombées, c’est selon.
-Si j’étais ministre de l’économie émotionnelle, je privatiserais le désir et je nationaliserais la peur. C’est ce que font tous les gouvernements de droite dignes de ce nom.
-Je change des éclairages dans la maison. La fouille attentive des embases des luminaires du salon m’a permis d’exhumer des centaines de petits cadavres qui étaient tombés dans un réceptacle peu accessible ; je les ai recueillis dans ma petite pelle plastique, puis j’ai répandu une pluie d’insectes morts par la fenètre, à la grande surprise des piafs du quartier qui n’attendaient pas d’aide humanitaire avant Noël.
-La mort ne nous prendra que ce que nous avons cru posséder. Dépéchons-nous de guérir de cette maladie, à défaut de tout benner à la décharge.
-Imaginons un asiatique qui lise la Bible et qui se pique de devenir Jésus. Pourquoi nous fait-il plus sourire que tous ces occidentaux entichés de Bouddhisme ? Et comment ai-je pu m’illusionner, me satisfaire de ces lectures dont l’enthousiasme instantané ne débouchait sur rien ?
-Hier soir, je mets un disque de Jim Murple Memorial. Clara, 5 ans : "Wouah, papa, j’ai l’impression d’avoir 3 ans !" intrigué, je consulte la pochette : effectivement, on a beaucoup écouté ce disque en 2003 (comme elle est née en 2000, c’est facile de calculer son âge). Mais cette remarque me donne surtout à réfléchir à tous ces quadras, et moi le premier, qui écoutent leurs vieux Pink Floyd en espérant repasse par les trous de souris de l’attention musicale et se retrouver en 1977.
Raison de plus pour m’imprégner de Steve Roach, qui ne me rappelle rien, ne m’évoque rien, ne m’autorise ni ne m’interdit aucune projection émotionnelle, au contraire de la majorité des cd de la maison, ancrés chacun dans leur époque, et je vous épargne les vyniles au garage et les cassettes audio dans le tiroir de l’armoire.

Commentaires

  1. Quand j’écoute les vieux bowie, c’est pas pour me retrouver dans les années 70, c’est juste parce qu’ils me font toujours vibrer…et pour rien au monde j’aimerais retourner dans les années 70… Faut assumer d’être quadra et d’aimer toujours la même musique, so what ? Et puis, tant qu’on vieillit, c’est bon signe, ça veut dire qu’on est pas encore mort, non ? même les rides, faut assumer… because… “winkles are for the soul to remenber what it came through”… citation de ???
    Je t’embrasse, John.

  2. moi je retournerais bien en 77 pour me prévenir que si j’arrète pas mes conneries, l’homoncule qui m’habite en 2003 est loin de correspondre à mes prévisions de l’époque : je n’imaginais jamais atteindre 2003.
    “vieillir” décrit les effets biologiques d’un phénomène : l’écoulement du temps. “être mort” est une expression antinomique : soit on “est”, soit on “mort”, mais “être mort”, c’est à se pisser de rire tellement ça peut pas exister…non-sens.
    Et je rectifie ce que j’ai écrit plus haut : après vérification, je projette bien quelque chose sur Steve Roach : une “absence de contenu émotionnel”.

  3. C’est marrant, pour moi, Steve Roach m’évoque un tas de trucs jamais vécus dans la réalité, mais réellement vécus cependant. Il faut dire que ma vie se déroule à 80% dans l’imaginaire (ce qui ne veut pas dire hors du corps). L’univers qu’il m’évoque ressemblerait assez à celui de Au-delà du réel où le héros prend des drogues et se retrouve dans des mémoires très anciennes. Le Steve Roach tribal (suspended memories par exemple), c’est des mémoires évoquant l’aube de l’humanité, et le Steve Roach dark (Magnificent Void), c’est une mémoire du temps où l’humain n’existait pas, peut-être même où la vie n’existait pas, là où la terre était balayée par des éclairs et des raz de marée.

  4. c’est marrant, mais tu commences souvent tes commentaires sur mon blog par “c’est marrant”, et juste après je prends une méga-info “évidente” dans la face. “Altered states” de ken russell avec son sorcier castanedien et son happy-end ridicule + la musique de steve roach quand il est du côté obscur, bon sang mais c’est bien sûr ! à partir de là, je me demande pourquoi l’imaginaire dans lequel tu prétends vivre m’apparait bien plus réaliste que les rêves dont je prétends m’extraire… de toute façon, ma fascination pour les performances dont est capable ton “esprit entrainé” en dit plus long sur moi que sur toi…

dimanche 4 décembre 2005

Le bonheur dans l’abstinence 2



"Johnny, mon Dieu, qu’est-ce qui nous est arrivé ?" Sa voix n’était qu’un souffle, comme une brise désolée après une tempête qui aurait mis fin à tout espoir et à toute illusion.
Il connaissait la réponse : ce qui nous est arrivé, c’est moi. Mais il dit plutôt : "Ca va s’arranger."
Ses larmes l’avaient épuisée et il ne restait rien dans sa voix ou dans ses yeux qu’une mélancolie douce et désarmante.
"Qu’est-ce que tu veux, Johnny ? Qu’est-ce que tu veux ?
-Je te veux, toi. Je veux ce que nous avions. Je veux que nous soyons heureux."
C’était vrai. Il la voulait. Il voulait se perdre encore dans les vagues croissantes de son amour. Il voulait tout; le monde. Il la voulait elle toute - et la chair aussi de toutes les salopes qui attisaient son regard - sans offrir un brin de lui-même, de même qu’il avait soif de richesse sans daigner travailler, de même qu’il souhaitait attirer tout le bonheur et toute la joie du monde dans le vortex mort de son être sans donner rien en retour. Il voulait que Diane - et il voulait que le monde tout entier - soit l’objet et le vaisseau de son bien-être et de son salut. Il voulait ce qu’en elle ni en quiconque il n’aurait pu admettre, tolérer ou pardonner : la confiance en échange de la supercherie, la loyauté en échange de l’infidélité, l’amour en échange de la froideur, dévotion contre indifférence, honneur contre mépris, prospérité contre paresse, la bonté en retour de la cruauté proférée. Il voyait l’injustice et l’iniquité inhérentes en cela, et il persévérait pourtant, comme s’il croyait en l’existence intangible d’une dispense démoniaque et d’un droit acquis, un certain "droit du mal", qui lui revenait, à lui seul.
(…) Les médecins l’avaient convaincu d’aller aux Alcooliques Anonymes après sa sortie. Et il y était allé. Mais au bout d’un moment il avait commencé à voir que c’était une arnaque. La plupart de ceux qu’il y voyait, par comparaison, n’avaient jamais vraiment bu tant que ça. Ils allaient aux réunions, s’était-il dit, comme d’autres vont au bar ou font du bénévolat à l’église : c’était une façon d’avoir une vie sociale. Pour certains, les A.A. semblaient être un substitut à la vie, un microcosme qui avait sa propre mythologie, sa hiérarchie et son langage, un refuge où ceux qui n’étaient pas capables de trouver ailleurs l’attention, l’amour, le sentiment d’importance qu’ils recherchaient, pouvaient venir ici se faire bichonner. Pour d’autres, cela semblait être une contre-addiction qui créait un climat de faiblesse plutôt que de force. Elevés du statut d’ivrognes à celui d’alcooliques, de celui de paumés à celui d’âmes affligées, les serviteurs pas si anonymes des A.A. semblaient jouir de l’importance et de la compassion que leur accordait la prétention qu’ils étaient aux prises avec la maladie. C’étaient des snobs, à leur façon, des clodos élitistes qui octroyaient à l’ivresse une dignité illusoire en lui donnant le nom d’alcoolisme. Johnny avait regardé sa mère pourrir doucement et douloureusement d’un cancer. Pour lui, ça c’était une maladie. Quelle maladie pouvait être contrôlée par la volition ? c’est ce qu’il voulait savoir. Mais d’un autre côté, A.A. ne laissait pas trop de place au libre arbitre. Son credo d’impuissance et de soumission aveugle à une déité terne d’ivrognes garantissait l’étranglement de l’âme, l’étouffement de la volonté, une douche froide à ce que la sagesse antique nommait l’étincelle héroïque. (…) Avec son insistance dictatoriale à la participation de réunions sans fin, à l’endoctrinement et à la conversion, l’organisation niait qu’il y eut des hommes et des femmes dont le pouvoir soit limité, et non rehaussé, par les restrictions et l’influence de la conformité, qui ne trouvent pas de confort dans le groupe, qui sont diminués plutôt qu’augmentés par le fait de remettre leur destinée aux mains d’un autre. Comme toute religion ou tout culte, le message ultime est ceci : qu’il n’y a pas d’autre chemin. Et ce message était pour Johnny, comme toujours, anathème. C’était déjà une chose, provenant de l’Eglise dont le glaive d’autorité avait fait couler le sang depuis deux millénaires, mais venant d’un culte dont l’histoire remontait à soixante ans et à un connard du nom de Bill, c’était franchement grotesque."

Ce passage de Trinités, roman de Nick Tosches sur le mal absolu et ceux qui choisissent de l’incarner, m’avait terrifié quand j’étais jeune abstinent. Niveau un, c’est à ça qu’on reconnait le mal : il fait peur. Fastoche. Cette description très documentée du mouvement des A.A. vu par l’oeil d’un mafieux que les défections de son organisme contraignent au sevrage est réaliste, et en même temps erronée : elle relève du Niveau deux, la Provoc, qui tente de démontrer que le Bien n’est qu’un malentendu entre chochottes consentantes, un compromis bâtard qui consiste à préférer la cessation de la souffrance à tout autre objectif. Quand on lit le "Big Book", la Bible historique du mouvement, il est patent que Bill a vécu une théophanie, après quoi il a créé un égrégore qui a sauvé des millions de gens de par le monde d’une mort imbécile précédée de souffrances atroces. On y croise plutôt moins de lopettes et de désaxés qu’ailleurs, parce que nous arrivons tous de notre petit enfer liquide et portatif, et que nous sommes très motivés pour n’y point retourner. L’authenticité, l’honnèteté et la sincérité y sont activement cultivées, non par vertu mais par confort : elles semblent seules pouvoir nous éviter de redoubler les petites classes de cette maternelle de la spiritualité.

"Pour lui, la lente descente dans l’oubli, avec tout ce qu’elle comportait d’attente et de possibilités - un pari gagné, une bagarre, un frisson de joie dans un éclat de rire ou une chanson, un souvenir soudain ramené à la vie - c’était le principal de la chose. Il fallait parfois des jours et des nuits sans sommeil pour en arriver là, mais il en avait savouré chaque instant. Toutefois, avec le temps, l’attente et les possibilités s’étaient amenuisées, et il s’était contenté de boire, sans illusion et sans fausse joie. Boire et rien d’autre. Et quand il s’était rendu compte qu’il en avait fini à jamais de l’attente et des possibilités, il s’était demandé ce qui continuait à l’attirer. Et il avait su alors que ça n’avait jamais été les filles, ni rien d’autre. Depuis toujours ça n’avait été que l’oubli. C’était là son véritable amour : l’oubli.
A Milan, il avait tué intentionnellement. Mais, au cours des ans, il avait perpétré le même crime contre lui-même, et sans savoir pourquoi. Finalement, il avait plus de validité en tant que tueur qu’en tant que protagoniste de sa propre existence."

…Johnny envoie donc les gentils A.A. se faire foutre, n’assistant aux réunions que pour se fournir en gonzesses, et vit son abstinence tout seul, parce qu’il l’a, lui, cette étincelle héroïque, et c’est l’autre sujet du bouquin : l’itinéraire spirituel d’un nuisible qui vit ça les yeux ouverts. Il trouvera son chemin, mais pas la rédemption, définitivement classée affaire de couilles molles.
(ça doit être l’arrèt du tabac qui me fait focaliser comme ça en ce moment)

"Je ne vois pas de la même façon que nos ancètres.
Ici il n’y a ni Patriarche ni Bouddha.
Bodhidarma n’est qu’un vieux barbare puant.
Gautama est un vieux papier toilette desséché."
Te-Shan (780-865), cité par U.G.

On peut envoyer tous les bouddhas se faire foutre, mais il faut d’abord avoir suivi les enseignements.

Commentaires

  1. C’est marrant, au début, j’étais sûre que c’était toi qui avais écrit ce texte. C’est vraiment ton style (en fictionnel). Quoi qu’il en soit, sa vue et la tienne sur les AA ne sont pas contradictoires. Peut-être que c’est une bande de nases mais peut-être aussi qu’ils ont sauvé des millions de gens. C’est ça qu’on finit par comprendre. L’élitisme est réservé à l’élite. Si le maître dzogchen enseigne le dzogchen, il n’aidera pas grand-monde. S’il enseigne des naseries à longueur de journée, ça aidera un tas de gens, parce que les gens sont des nuls. C’est le standard. L’auto-détermination, la réflexion, tout ça, ce sont des valeurs d’élite, ça marche 1 fois sur 1 million. C’est ce qu’on comprend en regardant Amma.

  2. c’est marrant, parce que le réalisateur du film sur Amma était aux enseignements du lopön en novembre 04.
    sinon, oui, j’admire le style de nick tosches, et je vais en réunion AA, et l’autre jour j’ai rêvé que la Mafia aidait les AA à “salir leur argent propre” (les finances de l’association sont exclusivement issus des dons spontanés des membres) et j’ai pris ce songe comme une parabole sur le fait que “trop de blancheur nuit” de la même façon que la noirceur érigée en système relève du terrorisme intellectuel, et qu’on la tolère uniquement chez les artistes quand elle fait joli.


mercredi 30 novembre 2005

Grégaires égrégores

Bien que j’en aie marre de m’identifier avec un tox parce que ça ne fait que retarder ma sortie de la polyclinique, que la logique de l’addiction me lasse par sa ravageuse et réductionniste absurdité, j’ai sûrement quelque chose à faire avec ça : 20 ans que je manifeste des comportements autodestructeurs bien que cet assemblage de mots soit vide de sens, issu comme les autres du mental verbal qui tricote ses p’tites chaines - par - affinités - électives - du - souvenir - qui - en - appelle - un - autre - qui- s’accroche - à - une - représentation - déjà - présente - cette - semaine - dans - la - playlist, ce qui fait qu’on peut passer des années entières à monter et descendre les escaliers escheriens des vestiaires de l’esprit sans jamais trouver l’endroit où se joue le match, et puis un jour, boum, plus de mots dans le sac à mots : on VOIT mais aussi ON RESSENT que l’hypothèse d’une présumée conscience qui ferait tourner le bazar en sous-main est ridiculisée d’avance, qu’un générateur d’impulsions aléatoires jouirait d’un degré de liberté supérieur, et on se tourne alors vers des pratiques, sur lesquelles le mental va recommencer à tricoter ses pulloverdoses, mais on apprend à cohabiter puisque n’importe quelle autre figure que l’acceptation les nourrit - donc j’ai pris rdv avec une thérapeute recommandée par le psychiatre - qui - ne - pouvait - rien - pour - moi et qui affiche pnl, hypnose ericksonienne, thérapies familiales, transgénérationnel… manque plus que "charbons et spiritueux" ou "ramonage et fumisterie" au fronton de l’échoppe, commerces d’un autre âge qui flottent encore parfois à la limite de la perception sur des façades parisiennes décrépites.
Bref je suis allé la voir hier en lui disant "faites moi tout sauf de la psychothérapie, j’ai dressé mon mental à faire trois fois le tour du pâté de maisons pendant que je reste calé sur mes chiottes"…

J’espère obtenir des techniques de recorporisation dans le monde des sensations, avant qu’elles ne soient prises en otage par le mental. Dit comme ça c’est carrément cucul, et c’est pas en faisant de l’ordi que je vais augmenter mon score, donc il est aussi sur la liste des activités à réduire dare dard.
Encore une de ces périodes où mes employeurs raréfiés me laissent mariner plus que de raison, j’ai dû bosser 6 jours en novembre alors que je suis à la fleur de l’âge et au top de la créativité. J’ai même pas fait exprès de rater la date limite pour poster ma candidature à l’audiovisuel public, et la machine à fabriquer du stress est quand même bien présente, même si les différents sevrages en cours lui font tourner la tête ailleurs.
J’aurais dû plus potasser le programme des AA, ils ont de bons outils. Je me serais pas retrouvé dans la cybermerde (sortie du cybercul.) Mais je ne voulais pas me confier à l’égrégore du groupe. La prière me faisait profondément chier, sans parler de l’inventaire moral. Les étapes du programme de rétablissement spirituel suggéré, je ne me voyais pas les pratiquer. Résultat, aujourd’hui je ne bois pas, ne fume pas et ne me branle pas, et je serais tenté de dire "et c’est tout" dans le sens où l’abstinence ne fait pas de moi un Superman (si sexy avec son slip par dessus) ni même un prophète à trois balles, si je n’avais l’intuition de la fatuité pseudo-désenchantée de ce "et c’est tout". Quand je cède aux sirènes poilues de l’auto-apitoiement, je me dis que j’aurais dû plus potasser dans le bardo précédent, cette incarnation me laisse stupéfait et les bonbons du tableau B sont des remèdes pires que le mal. Il y a peut-être des domaines dans lesquels j’ai des dons, à part pour prendre des gnons et ne pas les rendre. Mais j’ai pas les moyen de m’illusionner sur mes faiblesses.
Je me rappelle d’un gros malin qui avait déconné avec l’ésotérisme et qui commençait ses partages en réunion AA par "je suis abstinent de tout produit modifiant le comportement et j’envisage de devenir abstinent de tout comportement modifiant le comportement", ce qui n’était évidemment que vantardise : ses partages étaient parfois brillants, mais dès qu’on s’approchait de l’homme, on découvrait un transformateur EDF dont la plupart des circuits avaient fondu et qui était parcouru de courts-circuits en tous sens.
Ce matin, en faisant mon jogging, je réconcilie "je n’ai prise sur rien" (= je lâche prise) avec "je ne peux changer que moi-même" (= je me mets à bosser sur ce qui m’apparait incorrect, crooked, unefficient, painful… et sur cet encombrant et persistant sentiment du ridicule qui a lui aussi sa raison d’être au moins sur le plan historique : j’ai passé tant de temps à être à l’affût du moindre changement intérieur sans poser le plus petit bout d’acte quantique qui l’aurait suscité que je n’ai pas volé ces tourbillons fractals d’inhibition de l’action & de la pensée.)
note : un égrégore c’est quand un ensemble de gens pensent ou agissent pareil, ça crée une forme d’entité psychique. 10 termites ne bougent pas. 100 termites se mettent à construire une termitière. Bon, avec les humains, ça commence à deux. Le couple par exemple, est une sorte de 3è personne qui se crée par l’interaction de deux autres.

Commentaires

  1. Aujourd’hui, je vois les comportements “auto-destructeurs” sous un autre jour. Pour moi, ils sont révélateurs du fait qu’il y a quelque part chez l’individu l’intuition de sa non-existence (en tant que je). Son mensonge quotidien lui devient insupportable : demain ça ira mieux, demain je serai heureux, j’aurai moins de défauts etc… Comme le dit le bouddhisme, l’existence est souffrance, et il est normal qu’il y ait dans l’individu une tendance qui veuille mettre fin à ce mensonge. Quand on naît avec une interrogation existentielle, ce n’est pas une thérapie qui va y mettre fin.

  2. Aujourd’hui je vois mon “besoin de te donner raison” (y compris quand tu chantes avec le vedantesque Souchon “et si en plus il n’y a Personne”) sous un autre jour. L’intuition de ma non-existence est réifiée en prétexte pour attacher peu d’importance à l’accomplissement de “ce qui doit être fait” dans le quotidien. La cessation de comportement auto-destructeurs ne signifie pas qu’on attache soudainement plus d’importance à la vie ou à quoi que ce soit, elle implique qu’on a pigé que la dépendance consiste à effacer la douleur par ce qui la provoque, et que ce samsara particulier est auto-entretenu.
    C’est comme les interrogations existentielles, qui sont là pour se (me) donner l’impression d’exister dans une certaine intensité, alors qu’elles m’éloignent de l’Etre, les bougresses. L’Etre émane quand on a enlevé assez de pelures à l’oignon. La thérapie, c’est juste pour enlever des couches.

  3. Je voulais simplement dire qu’il ne faut pas culpabiliser de ses comportements auto-destructeurs car ils ne sont que l’autre face du mensonge quotidien. Une face pervertie, certes, mais quand même. Je veux dire par là que tout a sa place, et croire qu’il y a du bon et du mauvais ne fait que perpétuer les problèmes. Il n’y a ni bon ni mauvais, il n’y a que des phénomènes qu’il ne faut ni accepter ni rejeter. Accepter le mauvais, c’est mauvais. Mais accepter le bon, c’est mauvais aussi. Il faut simplement voir comment ils sont liés l’un à l’autre, et comment tous les deux sont, en fin de compte, des mensonges. Si la thérapie permet d’enlever des couches, c’est bien, mais si elle remplace par d’autres qui sont jugées “meilleures”, on n’a fait que remplacer une prison chinoise (dont on savait devoir se débarrasser) par un palais doré (dont on ne sait pas devoir se débarrasser).

  4. Dans l’auto-destruction, il y a quand même la culpabilité de se détruire soi (le soi qui nous a été donné) alors qu’on voudrait juste détruire le moi (le noeud dans le torchon) donc on peut dire que cette culpabilité est à sa place quand elle permet de passer à autre chose. Ni la prison chinoise ni le palais doré ! ma maison en bord de route me conviendra très bien. J’aime bien ta théorie sur l’auto-destruction, comme si les destroys avaient interprété de travers un zen qui explique que le vide à l’intérieur du bol est identique au vide de l’extérieur, et qui pensent qu’il faut briser le bol pour accéder à cette vérité.

  5. Illusion de croire ou de prétendre qu’on puisse porter atteinte au Soi ! c’est comme si l’oeuf pensait porter atteinte à la Poule ! quant à détruire le moi…vantardise et hypocrisie ! le noeud sait très bien que sans lui, plus de torchon…

jeudi 17 novembre 2005

Le bonheur dans l’abstinence : la religion des couilles molles ?



Expérience nouvelle et nécessaire : j’ai laissé mon ordinateur éteint pendant 3 jours, suite au fait que j’avais traité un mec de connard sur le forum des dépendants sexuels (alors qu’il n’était qu’abruti), qu’il se prenait pour Dark Vador alors que c’était visiblement au-dessus de ses moyens, il n’avait pas l’intelligence de sa maladie… c’est idiot ce que je dis là, évidemment que s’il l’avait, il eut été à moitié guéri. C’est une remontée inopinée d’huile dans le carbu : "l’intelligence de sa maladie" est une expression lue dans "la maladie de la mort" un court texte de Marguerite Duras qui m’avait fait tripper morbidité contemplative il y a bien 20 ans et qui me revient sous les doigts maintenant, m’indiquant qu’elle fut gravée dans la cire molle de mes circonvolutions cérébelleuses. (et ça c’est au moins du Thiéfaine)
Bref, on ne trouve pas vraiment de disciples de Lautréamont ou de Sade chez les porno-toxs, je veux dire de mecs qui tripperaient sur des entités démoniaques, des divinités courroucées… c’est un assortiment assez homogène de mecs prématurément abimés sur le plan du développement affectif et qui du coup s’abyment dans la quète du sein perdu… endossant la posture des "fantomes affamés" du bouddhisme tibétain.
Re-bref, ça m’a fait comprendre qu’il était temps d’aller prendre l’air. Sur le forum, place aux jeunes abstinents. D’ailleurs, à 45 jours de ma dernière branlette, il est temps de me protéger de la femme à tête carrée.
Du coup j’ai cessé de fumer (rires et toussotements génés du public) et réduis progressivement mes doses d’ordinateur, ce qui me laisse du temps libre pour lire les bouddhistes au coin du feu, faire un puzzle de 3000 pièces et observer ce qui s’élève en moi (mis à part le glaive sous la robe austère de la justice) quand j’augmente les doses de sevrage dans l’espoir de déconstruire mon rapport névrotique au réel. J’observe donc des pensées, conventionnelles, conditionnées, suintantes d’angoisses résiduelles, je remonte leurs filières qui débouchent sur des culs-de-sacs logiques ou émotionnels, ce qui les affaiblit temporairement… Pourquoi sommes-nous affublés de cet absurde sentiment de liberté, sans cesse contredit par le treillis hyper-dense du réseau de déterminismes dont nous nous croyons les gérants alors que nous ne sommes le plus souvent que des squatteurs terrés dans les combles ? Pour éviter le suicide au court-bouillon, sans doute. C’est quand je VOIS combien mon esprit réagit de façon bien peu libre, que je me dis qu’à part changer de façon d’apprendre… "penser par moi-même" est une pure fiction qui m’a maintenu en vie, mais à quel prix !

"Je pense parfois que le plus grand accomplissement de la culture moderne est la publicité remarquable qu’elle fait pour le samsara et ses distractions stériles. La société contemporaine m’apparait comme une célébration de tout ce qui nous éloigne de la vérité, nous empêche de vivre pour cette vérité et nous décourage de seulement croire à son existence. Etrange paradoxe que cette civilisation qui prétend adorer la vie mais lui retire en fait toute signification réelle, qui clame sans cesse vouloir rendre les gens "heureux" mais en réalité leur barre la source menant à la joie véritable ! Ce samsara moderne entretient et favorise en nous une angoisse et une dépression dont il se nourrit en retour. Il les alimente par le biais d’une société de consommation qui cultive notre avidité afin de se perpétuer. Il est extrèmement organisé, habile et sophistiqué; il nous assaille de tous côtés avec sa propagande et crée autour de nous un environnement de dépendance presque insurmontable. Plus nous tentons de lui échapper, plus nous semblons tomber dans les pièges qu’il nous pose si ingénieusement."(Sogyal Rinpoche)

Que mes projections émotionnelles aient pour support les stars du porno ou les maitres spirituels, j’ai observé qu’elles sont finalement de même intensité et que leur différence de nature est minime : le porno c’est plutôt maman, les maitres plutôt papa. Dans les deux cas, il s’agit d’une insolvable demande de secours.

"Les gourous ne sont pas aimés, ils sont enviés, détestés, et l’adulation apparente dont ils sont l’objet n’est que le reflet des espoirs qu’on place en eux, espoirs qui seront forcément déçus. L’enseignement des gourous est aussi différent de ce qu’on imagine que leur vie. On croit qu’ils sont des rois vivant dans des palais faits de la reconnaissance et de l’admiration de leurs disciples, et l’on s’imagine devenir des rois grâce à eux. Ils ne sont que des vieux chiens (l’expression n’est pas de moi) abandonnés au bord de la route, et c’est ce qu’ils nous proposent de devenir." (quelqu’un qui n’a finalement pas besoin de lire Chuck Palahniuk pour écrire comme lui et dont je vais finir par croire que mon esprit ne l’a créé que pour m’aider à déconstruire le bourgeois orientophile qui m’habite, ce qui serait une pensée immodeste et erronée)

L’addiction m’a permis d’éprouver la sensation pure de l’attachement au sens bouddhique : puisque la dépendance consiste à effacer la douleur par ce qui la provoque, elle resserre ainsi le noeud qu’elle prétend relâcher "pour un moment". Commercer avec un toxique dans l’espoir de retrouver un plaisir qui naissait de la fortuité de la rencontre, faut vraiment être baisé de la caisse pour penser que ça peut marcher. D’ailleurs les dépendants évitent de "penser" à leur problème sous peine de s’en créer un autre de dissonance cognitive.
Quel dommage que l’abstinence soit un mot tristounet, qui évoque une ascèse défraichie, soldée pour pauvres d’esprit et minus habens du coeur.
Ce qui m’agaçait dans le bouddhisme sans parvenir à mettre le doigt dessus, c’était que je croyais y lire l’équation désirs = caca. On voit très bien la saisie qu’un esprit craintif peut faire sur le texte de Sogyal, à cheval entre le tract cégétiste anti-samsara et le dépliant publicitaire éloge-de-la-fuite : le bouddhisme faisant l’économie du désir, jette le bébé avec l’eau du bain en assimilant le monde phénoménal à un casino où l’on ne peut que perdre, donc le bouddhisme c’est bon pour les couilles molles. Plus proche de nous, c’est l’attitude de dépit du renard de La Fontaine qui, ne pouvant les saisir, décide que "ces raisins sont trop verts et murs pour des goujats". Maintenant que je constate par moi-même que "choisir, c’est renoncer" se mesure aux résultats, je ne vais pas sombrer dans un moralisme inversé mais tout aussi outré, et prétendre que c’est finalement l’avidité qui est un trip de chochottes. L’avidité, c’est la peur du manque, donc l’ignorance, et basta : d’autres ont écrit tout ce qu’il y avait à en penser. Quant au fait que cette peur du manque soit un des ressorts choisis pour stimuler la croissance économique et alimenter le débat politique, on pourrait en déduire des perspectives rigolotes sur l’élévation prochaine des consciences, mais j’ai mieux à faire : apprendre à me différencier d’un chien savant, qui est déjà un objectif plus raisonnable : finalement, me retenir de remuer la queue quand on me propose un susucre, c’est assez rock’n'roll pour aujourd’hui… Evidemment, la couille molle, c’était la mienne quand j’allais aux cyberputes. Dieu vomit les tièdes, et il leur passe pas un coup de Sopalin après.

Commentaires

  1. Comment se fait-ce que tu n’es pas encore chroniqueur dans un journal ? Je trouve vraiment tes posts géniaux, je ne sais même pas pourquoi, d’ailleurs. Maintenant, en ce qui concerne tes projections émotionnelles, il faut suivre le parcours de l’énergie dans le corps, et effectivement, avec des stars du porno, ça peut marcher aussi bien, voire moieux, qu’avec des maîtres. Après ça, tu vois que le porno n’est pas plus impur que le reste. C’est la vision qui est impure = l’énergie reste coincée à certains endroits et ne se libère pas.

  2. 1/meuh non, c’est toi qui devrais chroniquer dans un journal, moi mon égo prendrait tout le lit. Je deviendrais Guy Carlier. Là je me mords la queue, mais au moins, c’est l’oeuvre au noir ;-)
    2/je comprends “intellectuellement” l’histoire du trajet énergétique, mais comprends aussi que le porno fait à l’estime de soi (en tout cas de ceux qui se cartonnent la tronche avec ) ce que hitler a fait aux juifs, sans parler des dommages collatéraux sur ma vie de couple. Tu me diras peut-être que c’est très bon de bousiller l’estime de soi, on est débarassé, mais non, la mésestime peut s’avérer aussi encombrante. Quel type de travail préconises-tu pour décoincer l’énergie ?
    question subsidiaire : si je trippais sur des empalements de nouveaux-nés, est-ce que ça serait pas un tout p’tit peu impur quand même ?

  3. Il faut prendre l’énergie là où elle est. Et la méthode ne préconise pas la complaisance mais la clarté : il faut voir ce qui se passe, ne pas rejeter, ne pas retenir. Où l’énergie circule-t-elle dans le corps quand on trippe ? Comment est-ce qu’on essaie de la bloquer ici ou là ?

  4. ça me rappelle quand tu me parlais de la clope.
    le problème du “trip”, comme son nom l’indique, c’est qu’on sort de son corps…sans aller nulle part. Si j’essaye de tripper “pour voir ce qui se passe”, je vais me retrouver mal avant d’avoir pigé ce qui m’arrive, et après ça sera trop tard. Tu me demandes de me baser sur “l’idée de la chose, qui n’est pas la chose” : c’était relativement facile avec la clope, avec des dakinis c’est plus tangent.
    on ne change pas une équipe qui gagne ;-)
    ça ne veut pas dire que je ne vais pas essayer !

  5. Comment ça, “on sort de son corps” ? Tu n’es plus dans ton corps quand tu regardes un film X ? Si c’est le cas, il n’y a pas 36 choses à faire, il faut pratiquer la conscience des sensations, ou de la respiration, le plus souvent possible (voir mon site).

  6. ha ben oui, y’a qu’à lire ton journal de pensée perceptive, ça donne vachement envie de s’y mettre… ceci dit, “le plus souvent possible” ça laisse effectivement de la marge quand devant l’émergence de chaque pensée inutile je me dis “ah oui mais ça c’est du passé, c’est parti” et je la laisse s’en aller. Et la pp est meilleure sans tabac et avec 45 minutes de course à pied/jour.
    bon, ton dévédé est parti le 30/11. on pourrait pas se voir ailleurs qu’ici ? les cases sont toutes petites ;-)

  7. Il est tres beau ce post, felicitations :-)

    Bientot le detachement t la liberte…